Réforme de la santé : « Un ensemble de petits gestes », selon le ministre Dubé
De la pénurie de personnel aux problèmes d‘accès à un médecin de famille en pas‐ sant par les conditions de travail, les retards en chi‐ rurgie et un système en perte de vitesse face au privé... Les défis du sys‐ tème de santé québécois sont immenses.
Depuis l’adoption de la ré‐ forme de santé lors d'une nuit blanche de décembre, la mise en oeuvre de celle-ci ré‐ serve au ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, beaucoup d'ouvrage.
Pour mener à bien cet exercice d’équilibriste, Chris‐ tian Dubé mise sur un en‐ semble de petits gestes et, surtout, sur la nomination du directeur ou de la directrice de l’agence Santé Québec.
En entrevue avec Les Cou‐ lisses du pouvoir, Christian Dubé fait le point sur les dé‐ fis et les grands dossiers du système de santé.
Mener l’orchestre
La prochaine étape pour le ministre consistera à trou‐ ver la bonne personne à la tête de Santé Québec.
Ce patron ou cette pa‐ tronne de la nouvelle grande agence de santé donnera le tempo du système et coor‐ donnera le travail de près de 350 000 acteurs. Le proces‐ sus de sélection s’est terminé vendredi et suivra son cours jusqu’au mois d’avril.
Quant au profil de cette personne, le ministre sou‐ haite une complémentarité dans une équipe composée de personnes issues du ré‐ seau de la santé et de per‐ sonnes extérieures au ré‐ seau. Le candidat ou la candi‐ date devra donc être un bon communicateur, un bon ges‐ tionnaire et quelqu'un qui comprend le réseau.
À écouter le ministre, on entrevoit qu’une préférence semble exister pour une can‐ didature.
Je pense qu'on fait sou‐ vent l'erreur de dire "le PDG" ou "l'homme de la situation" [...]. Je ne sais pas comment ça va finir, mais dans mon monde idéal, j'aimerais avoir la parité entre le président et chef de la direction ou la pré‐ sidente et le président du conseil d'administration. Ce sont deux personnes très complémentaires [...]. J'aime‐ rais qu'il y ait une parité, je vais le dire comme ça.
Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec
Un réseau d’humains
De l’aveu du ministre luimême, si les choses s’amé‐ liorent, elles ne vont pas as‐ sez vite et de gros change‐ ments de fond restent à faire.
Un des principaux défis pour assurer la survie du ré‐ seau, c’est la rétention du personnel. Au moment de l’entrevue, le ministère af‐ firme qu’il manque entre 10 000 et 20 000 personnes dans le réseau public.
Le ministre admet qu’un des principaux défis est la ré‐ tention des médecins, des in‐ firmières, des ambulanciers et des techniciens dans le ré‐ seau public.
Est-ce que cela signifie qu'il faut compliquer les al‐ lers-retours des médecins entre le public et le privé? Nous n’en sommes pas là, il y a des choses à faire avant, assure Christian Dubé.
Le nombre de médecins de famille qui se sont dirigés vers le privé a été en hausse de 57 % sur cinq ans. Près de 720 médecins de famille étaient non participants à la RAMQ en date du 17 janvier 2024, selon des données compilées par le quotidien La Presse.
La question de l’accès
Dans le viseur du mi‐ nistre, on trouve la perfor‐ mance des salles d’opération, le respect des heures d’ou‐ verture de celles-ci, la pré‐ sence accrue d’infirmières dans les blocs opératoires pour soutenir la cadence et la résorption du retard accu‐ mulé en chirurgie.
C’est un ensemble de gestes qu'il faut faire en‐ semble [...]. Ce n’est pas telle‐ ment que j'en ai pour ou contre le privé. Moi, je veux renforcer le système public.
Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec
Une enquête de l’orga‐ nisme NosSoins révélait au début de février que 30,8 % des Québécois n’avaient tou‐ jours pas accès à un médecin de famille. Cette question de l’accès au système est d'ailleurs le défi du ministre. Il fait néanmoins face à des réticences de la part des mé‐ decins omnipraticiens du Québec, qui se sont opposés à la volonté du ministère d’augmenter le nombre de patients vulnérables pris en charge par les médecins de famille.
Autre front de travail pour le ministre : les soins préhos‐ pitaliers d’urgence en aug‐ mentant l’accès aux ambu‐ lances en région et l’ajout d’héliports.
Cela passe par une aug‐ mentation du nombre d’heures de disponibilité des services et pas juste du nombre d’ambulances, ajoute le ministre.
La Fédération des ambu‐ lanciers du Québec en a d'ailleurs appelé à un tel ajout cette semaine. Le pro‐ blème crucial demeure les horaires de travail irréguliers et non viables pour l’équilibre vie-travail des ambulanciers, selon la Fédération.
Ce que les gens voient puis ça, c'est ma façon de l'expliquer -, c'est qu'ils voient tous des petits gestes qu'on a posés. Mais il y a un en‐ semble de choses qui vont ensemble. Moi, mon travail, c'est de m'assurer qu'on va améliorer le processus au complet. Puis c'est ça qu'on fait par l'ensemble des gestes.
Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec
Alors qu'on lui demandait s’il ressent la pression des ré‐ sultats qu’il faut livrer pour 2025, Christian Dubé a souli‐ gné qu’il s’en met déjà beau‐ coup par [lui]-même et que les deux prochaines années seront chargées.