T.-N.-L. : la seule province qui entend continuer d’emprisonner des migrants
Terre-Neuve-et-Labrador, dirigée par le gouverne‐ ment libéral d'Andrew Fu‐ rey, est la seule province canadienne qui ne prévoit pas mettre fin à la pratique controversée d'incarcérer des migrants dans ses pri‐ sons provinciales.
Toutes les autres pro‐ vinces ont maintenant indi‐ qué à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qu'elles n'accepteraient plus d'emprisonner des per‐ sonnes détenues en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
L'incarcération de mi‐ grants à des fins administra‐ tives dans les mêmes établis‐ sements que les personnes détenues pour des motifs cri‐ minels est une violation du droit international, selon de nombreux experts.
Si des détentions sont re‐ quises, elles seraient éva‐ luées au cas par cas, a écrit le ministère de la Justice et de la Sécurité publique de TerreNeuve-et-Labrador en ré‐ ponse aux questions de Ra‐ dio-Canada.
La détention liée à l'immi‐ gration n'est pas une pra‐ tique courante à TerreNeuve-et-Labrador. La pro‐ vince n'a pas d'entente offi‐ cielle avec l'Agence des ser‐ vices frontaliers du Canada, dit le ministère.
L'an dernier, six per‐ sonnes ont été emprison‐ nées en lien avec un dossier d'immigration à Terre-Neuveet-Labrador, d'après les sta‐ tistiques de l'ASFC. Selon l'agence fédérale, il n'y pas de tels détenus dans cette province en ce moment.
La position adoptée par Terre-Neuve est profondé‐ ment décevante.
Hanna Gros, avocate en droit des réfugiés et cher‐ cheuse à Human Rights Watch
Human Rights Watch est l'un des organismes de dé‐ fense des droits de la per‐ sonne qui a lancé en 2021 la campagne Bienvenue au Ca‐ nada pour inciter les pro‐ vinces à mettre fin à leurs en‐ tentes avec le gouvernement fédéral en matière de déten‐ tion des migrants.
Pourquoi Terre-Neuve estelle la seule province enga‐ gée à maintenir cette pra‐ tique abusive?, demande Mme Gros. Le fait que ce ne soit pas une ''pratique cou‐ rante'' est une raison de plus pour y mettre fin. Ce n'est pas une excuse pour la conti‐ nuer, dit-elle.
Mme Gros craint que l'Agence des services fronta‐ liers y envoie des migrants que d'autres provinces re‐ fusent maintenant d'empri‐ sonner.
Nous avons vu que l'ASFC n'hésite pas à transférer des personnes d'une province à l'autre pour les maintenir in‐ carcérées. C'est donc une énorme préoccupation, ditelle.
Les agents frontaliers peuvent détenir des ressor‐ tissants étrangers ou des ré‐ sidents permanents, y com‐ pris des demandeurs d'asile, pour trois raisons principales : risque de fuite, identité mal établie et danger pour la sé‐ curité publique.
La vaste majorité des 71 988 migrants qui ont été dé‐ tenus par l'ASFC entre 2012 et 2023 l'ont été pour risque de fuite, c'est-à-dire que l'agence craignait qu'ils se soustraient à une mesure d'immigration, comme un renvoi.
Depuis juin 2022, neuf provinces refusent de détenir des personnes en lien avec un dossier d’immigration ou se sont engagées à le faire d'ici les prochains mois. Plu‐ sieurs provinces avaient si‐ gné avec l'ASFC des contrats formels qui les obligent à lui donner un préavis d'un an pour résilier leurs ententes.
Face à la décision des pro‐ vinces, l'agence a indiqué en décembre dernier qu'elle ef‐ fectuait des mises à niveau de ses trois centres fédéraux de surveillance de l'immigra‐ tion à Laval, à Toronto et à Surrey en Colombie-Britan‐ nique, afin de pouvoir y gar‐ der des personnes à risque élevé .
L'agence soutient que la détention est utilisée en der‐ nier recours seulement, quand des solutions de re‐ change dans la communauté ne sont pas possibles.
Plusieurs migrants sont morts en détention au fil des ans, dont certains qui se sont enlevé la vie.