54 détenus sont restés en prison plus longtemps que leur sentence le dictait
Au moins 54 détenus sont restés dans les prisons de l'Ontario plus longtemps que prévu l'année dernière, selon des documents obte‐ nus par CBC grâce à une de‐ mande d'accès à l'informa‐ tion.
On y indique le nombre de détenus, entre le début d'octobre 2022 et août 2023, qui sont restés derrière les barreaux même s'ils avaient le droit d'être libres.
17 détenus l'ont été plus longtemps que prévu au Centre de détention de To‐ ronto Sud. Au complexe cor‐ rectionnel de Maplehurst, il s'agit de 9 détenus. 6 autres ont subi le même sort au Centre de détention de Ha‐ milton-Wentworth. Dans 13 autres prisons de l'Ontario, 3 détenus ou moins ont fait l'objet d'une telle mesure.
Certains de ces docu‐ ments indiquent que dans certains cas des erreurs ad‐ ministratives entre les tribu‐ naux et les prisons sont à l'origine de détentions pro‐ longées. Dans un cas, le per‐ sonnel des prisons dit ne pas avoir reçu de documents de la part du personnel des tri‐ bunaux. Dans au moins un autre cas, un détenu a même dû informer le personnel qu'il devait être libéré.
Par courriel, un porte-pa‐ role du Solliciteur général de l'Ontario affirme que les libé‐ rations de détenus en retard représentent moins de 0,2 % de toutes les libérations. Le ministère mène des en‐ quêtes pour déterminer la cause de ces situations et si des changements de proces‐ sus sont nécessaires.
La population carcérale totale de l'Ontario était de 33 571 en 2022.
Les détenus peuvent avoir droit à des recours, selon un avocat
Chaque fois que quel‐ qu'un est détenu au-delà de sa date de libération, c'est in‐ acceptable, estime Asgar Ma‐ nek, avocat de la défense à Hamilton, dont un client a été détenu de manière irré‐ gulière.
Me Manek indique qu'il avait déjà eu un client qui était resté en prison quelques jours après sa date de libération en raison d'une erreur de documentation.
L’ancien enquêteur correc‐ tionnel fédéral et ancien conseiller indépendant de l'Ontario sur la réforme cor‐ rectionnelle Howard Sapers croit pour sa part que les la‐ cunes en matière de commu‐ nication entre les services, les pénuries de personnel causées par le manque de budget, et la pénurie de per‐ sonnel en ce qui a trait à la surveillance sont autant de facteurs qui conduisent à ces erreurs.
Des problèmes de ce type se produisent encore et en‐ core parce que les gens ne sont tout simplement pas as‐ sez attentifs, note-t-il.
Le total de 54 détenus peut sembler plutôt bas par rapport à l'ensemble de la population carcérale de la province, mais la situation doit être prise au sérieux, ex‐ plique Kelly Hannah-Moffat, professeure au Centre de cri‐ minologie et d'études socio‐ juridiques de l'Université de Toronto.
Je ne pense pas que cela diminue l'effet sur l'individu, explique-t-elle.
Stephanie DiGiuseppe, as‐ sociée du cabinet d'avocats torontois Henein Hutchison Robitaille LLP et membre de la Criminal Lawyers' Associa‐ tion [Association des avocats criminalistes, traduction libre] croit qu'il s'agit d'un nombre inexcusable et cho‐ quant.
Il s'agit d'une tâche très simple à exécuter, dit-elle. Chaque jour de détention est un jour de perte de liberté pour une personne et de sa capacité à gagner sa vie.
Stephanie DiGiuseppe pense également que les dé‐ tenus pourraient avoir droit à des réparations en cas de violation de leurs droits.
L’Ontario doit prendre des mesures, selon des ex‐ perts
Mme Hannah-Moffat
ai‐ merait que le processus soit plus transparent et demande la mise en place d’audits du système administratif, car les circonstances soulèvent des questions sur la manière dont les dossiers sont conservés.
Howard Sapers et Asgar Manek souhaitent que la pro‐ vince investisse davantage d'argent dans les systèmes judiciaires et correctionnels.
Il s'agirait notamment d'embaucher davantage de personnel pour les tribunaux et les prisons, d'améliorer leur rémunération et de mo‐ derniser la technologie, in‐ siste Asgar Manek.
Il doit y avoir une inter‐ vention directe du Solliciteur général pour examiner les raisons de ces situations. Il doit y avoir une explication publique et des mesures prises, note Shakir Rahim, di‐ recteur du programme de justice pénale de l'Associa‐ tion canadienne des libertés civiles (ACLC).
Même un seul détenu dé‐ tenu au-delà de sa date de li‐ bération, c’est un détenu de trop.
Avec des informations de Bobby Hristova de CBC News