« C’est pas un milieu de vie pour quelqu’un qui n’est pas malade », dénonce une mère
Chloé, une femme de 34 ans qui vit avec une défi‐ cience intellectuelle moyenne à sévère, est hé‐ bergée depuis un an dans une aile de l'Institut uni‐ versitaire en santé mentale de Québec (anciennement l'hôpital Robert-Giffard). Elle ne souffre pourtant pas de problèmes de santé mentale, c'est plutôt qu'il n'y a plus de place dans des résidences spécialisées pour des personnes comme elle. Sa mère ne comprend pas comment la société en est arrivée là.
Après avoir quitté son lieu de vie pour une raison X, re‐ late Marie-Josée Boudreault, la mère de Chloé, qui reste vague sur ce départ, sa fille s'est retrouvée à l'Institut uni‐ versitaire de santé mentale.
Elle est seule, elle a perdu beaucoup d'acquis parce qu'elle n'a pas de stimula‐ tions, déplore Mme Bou‐ dreault. Toutes ses activités sont arrêtées, donc elle ne sort pas.
Elle souligne l'importance du travail que le personnel de l'Institut fait auprès de pa‐ tients comme sa fille. Le pro‐ blème n'est pas à cette échelle. Elle estime que c'est le réseau de la santé qui ne répond pas convenablement aux besoins de Chloé.
Quand ils sont petits, ces enfants-là, on les pousse, on les force à être autonomes. Il y a plein de programmes, on les force à faire des activités, à les sortir, à dire : "Il faut que tu sois intégré". Ils ar‐ rivent à l'âge adulte et il n'y a plus rien. Ça n'a pas de bon sens.
Marie-Josée Boudreault, mère d'une femme de 34 ans qui vit avec une déficience in‐ tellectuelle
Nombre de places insuf‐ fisant?
Il n'y a plus de places dans les résidences spécialisées pour personnes vivant avec une déficience intellectuelle dans la Capitale-Nationale.
Le CIUSSS de la CapitaleNationale soutient que les ré‐ sidences à assistance conti‐ nue, les RAC, comme ce dont
Chloé aurait besoin, sont pleines.
Malgré l'ajout de 25 places dans les dernières années, les 161 places dans les RAC sur notre territoire sont ac‐ tuellement occupées. La clientèle ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme avec des troubles graves de com‐ portement est grandissante et vit plus longtemps, donnet-on comme explication au
CIUSSS.
Le Conseil pour la protec‐ tion des malades juge que le réseau de la santé enfreint les droits fondamentaux de Chloé en n'offrant pas d'autres solutions que l'Insti‐ tut universitaire en santé mentale comme lieu de vie, faute de place ailleurs.
Quand on profite ou bé‐ néficie de la Charte cana‐ dienne des droits [et liber‐ tés], dit-il, le droit à l'intégrité et la sécurité ne peuvent pas être l'objet de limites comme la loi québécoise le fait de‐ puis autant d'années.
Selon Paul Brunet, la solu‐ tion à ce genre de problème serait de renforcer l'imputa‐ bilité dans le réseau de la santé pour éviter que des fa‐ milles se sentent laissées à elle-même.
En espérant un change‐ ment rapide pour sa fille, Ma‐ rie-Josée Boudreault affirme avoir interpellé plusieurs or‐ ganismes publics pour obte‐ nir de l'aide.
Elle n'aime évidemment pas voir sa fille dans cette si‐ tuation. Elle se fait tirer les cheveux, raconte la mère. Elle se fait pousser par les autres. Tu l'appelles au télé‐ phone, tu entends crier. T'sais... C'est pas le fun.
Mme Boudreault dit gar‐ der espoir malgré le fait qu'elle a le moral un peu bas. Parce que c'est tout ce qui reste à faire, pour donner une voix à sa fille.
Avec les informations de Magalie Masson