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Tu n’as jamais vraiment été là: le roi Phoenix

- Helen Faradji

Pour Lynne Ramsay, l'in‐ croyable Joaquin Phoenix brille de mille feux inquié‐ tants (à voir samedi 9, à 23 h 30). Une simple facette de son talent.

Enfant acteur élevé par des parents nomades et adeptes d’une secte, Joaquin Phoenix n’a pas tardé à s’im‐ poser dans le paysage du ci‐ néma mondial comme un ac‐ teur prêt à tout, surtout à plonger dans des rôles parti‐ culièremen­t désaxés, d’abord en second plan, puis rapide‐ ment comme interprète prin‐ cipal.

On en a retenu cinq; un choix déchirant, qui nous a fait entre autres omettre son interpréta­tion hantée de l’homme ennoir dans Walk the Line ou métaréflex­ive dans I’m Still Here, ou encore son rôle d’écrivain public fu‐ turiste dans Her).

Psychopath­e à marteau dans You Were Never Really Here (Lynne Ramsay, 2017)

Pour plusieurs, c’est la ré‐ compense ultime. En 2017, enfin, l’ordre des choses était respecté et Joaquin Phoenix gagnait le prix d’interpréta‐ tion masculine du Festival de Cannes grâce à l’incroyable film de l’Écossaise Lynne Ramsay. Un prix indiscutab­le tant l’acteur porte ce film sensitif et violent en y incar‐ nant Joe, un homme à la psy‐ ché particuliè­rement trou‐ blée, engagé pour retrouver la fille disparue d’un séna‐ teur. Ce qu’il fera, à grands coups de marteau…

Silhouette alourdie, visage mangé par une barbe touf‐ fue, Phoenix laisse éclater toute la souffrance de cet homme perdu en la conte‐ nant dans sa présence hyp‐ notique et terrifiant­e. La preuve définitive qu’il n’est assurément pas un acteur comme les autres.

À voir sur ICI Télé le 9 mars, à 23 h 30

Ennemi malade et humi‐ lié de Batman dans Joker (Todd Philipps, 2019)

Après trois nomination­s, c’est le rôle qui lui a permis d’enfin gagner son Oscar. Et quel grand rôle malade. Quelle interpréta­tion impres‐ sionnante. Si le film a eu ses détracteur­s et détractric­es autant que ses fans, Joaquin Phoenix, lui, a mis tout le monde d’accord.

Amaigri, d’une intensité à couper le souffle, le regard allumé d’une lueur de plus en plus vicieuse, il incarne jus‐ qu’au vertige Arthur Fleck, un homme à la dérive qu’une tempête parfaite va peu à peu pousser vers la folie la plus noire.

La succession de gros plans sur son visage grima‐ çant ne fait que rendre sa performanc­e encore plus im‐ pressionna­nte. Et nous donne encore plus envie de découvrir la suite, dont la sortie est prévue pour oc‐ tobre 2024.

L’empereur Commode dans Gladiator (Ridley Scott, 2000)

Mais pourquoi est-il aussi méchant?

Lorsque le grand public médusé découvre Joaquin Phoenix dans une superpro‐ duction, c’est sous les traits de Commode, l’odieux empe‐ reur jaloux du brave et gentil Maximus (le général devenu esclave qu’interprète Russell Crowe). Un monstre, un vrai, à qui Phoenix a voulu donner encore plus de puissance en prenant du poids pour le rôle, et dont s’inspirera le jeune Jack Gleeson pour jouer son affreux petit Joffrey dans Game of Thrones. Un rôle évidemment marquant, qui vaudra au terrifiant Joa‐ quin Phoenix sa toute pre‐ mière nomination aux Os‐ cars.

Patron de boîte de nuit dans La nuit nous appar‐ tient (James Gray, 2007)

C’est une véritable histoire d’amour entre le réalisateu­r new-yorkais et l’acteur qui se concrétise dans ce film ma‐ jeur, bien que leur relation ait commencé avec The Yards, en 2000, et qu’elle se soit poursuivie avec Two Lo‐ vers et The Immigrant. Bien conscient du magnétisme ef‐ frayant de Phoenix, Gray offre en effet à ce dernier le rôle génial et ambigu d’un patron de boîte de nuit dans les années 80 pris entre l’arbre (la mafia russe qui étend ses tentacules sur le monde de la nuit) et l’écorce (son frère et son père sont policiers).

Loyauté, trahisons, vio‐ lence : Gray emmène Phoe‐ nix vers la tragédie la plus noire, ce qui lui va évidem‐ ment à merveille.

Vétéran dans The Mas‐ ter (Paul Thomas Ander‐ son, 2012)

Dans l’Amérique des an‐ nées 50, alors que l’ambiance est à la consommati­on et à l’euphorie factice, un homme détonne. C’est Freddie, un soldat revenu complèteme­nt détruit du Pacifique et qui sombre dans un alcoolisme ne faisant qu’accentuer ses crises violentes. C’est jusqu’à ce qu’il rencontre Dodd, un homme charismati­que et étrange qui dirige une sorte de secte dans la plus grande des paranoïas.

Se transféran­t la charge de qui a l’ego le plus impo‐ sant et le moins sain de la troupe à tour de rôle, Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman livrent une perfor‐ mance-combat qui laissera le public haletant et leur aura à tous les deux grandie à ja‐ mais.

Des performanc­es que l’on qualifiera facilement de chefs-d’oeuvre.

Tu n'as jamais vraiment été là, sur ICI Télé le sa‐ medi 9 mars, à 23 h 30.

La bande-annonce (source: YouTube)

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