Le patron de Body Shop Canada dit que la société mère a largué sa filiale canadienne
The Body Shop Canada de‐ mande la protection de ses créanciers et ferme un tiers de ses magasins parce que sa société mère a privé la branche canadienne de ses liquidités et l'a poussée à s'endetter, selon des do‐ cuments judiciaires.
Une déclaration sous ser‐ ment de Jordan Searle, qui dirige la branche canadienne, a été publiée par le biais du contrôleur judiciaire de l'en‐ treprise. Elle décrit comment les problèmes sont survenus pour le détaillant, dont la so‐ ciété mère The Body Shop In‐ ternational a été rachetée par la société de capital-in‐ vestissement européenne Aurelius pour 207 millions de livres sterling (soit environ 355 millions $ CAN).
The Body Shop Canada a annoncé vendredi qu'elle fer‐ merait 33 de ses 105 maga‐ sins et ses activités de com‐ merce électronique dans le cadre de sa restructuration en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. La nouvelle est arrivée quelques semaines seulement après que sa société mère a dé‐ posé une demande de pro‐ tection contre ses créanciers au Royaume-Uni.
La branche canadienne comptait 784 travailleurs avant le dépôt des dossiers et environ 200 seront licen‐ ciés d'ici la fin mars, selon les documents judiciaires. Le lien d'emploi a été rompu ven‐ dredi pour 20 employés du siège social de Toronto et deux sous-traitants, selon les documents.
Désormais, la longévité de l'entreprise internationale de 48 ans, connue pour ses pro‐ duits de soins de la peau sans cruauté - signifiant qu'ils n'ont pas fait l'objet de tests sur les animaux -, dépend de sa capacité à se restructurer sur plusieurs marchés.
Au Canada, où The Body Shop est un pilier des centres commerciaux depuis 1980, trouver une voie à suivre pourrait impliquer de démê‐ ler les finances de l'entre‐ prise.
Un contrôle total de la société mère
La déclaration sous ser‐ ment de M. Searle, qui est di‐ recteur général de The Body Shop Canada depuis février 2023 et dirige également sa filiale aux États-Unis, indique que la société mère du dé‐ taillant avait `le contrôle to‐ tal' des stocks, des res‐ sources humaines, des comptes créditeurs, de la gestion de la trésorerie et de la gestion informatique de The Body Shop Canada.
Depuis au moins 2007, The Body Shop International utilisait un système de ges‐ tion de trésorerie dans le cadre duquel les fonds de The Body Shop Canada étaient régulièrement en‐ voyés à la société mère qui s'occupait ensuite du loyer et des obligations salariales de sa branche canadienne, a dé‐ claré M. Searle.
L'accord de trésorerie commune a permis à The Body Shop Canada de fonc‐ tionner avec peu ou pas de dette institutionnelle, l'aidant à traverser une période parti‐ culièrement difficile pour le secteur de la vente au détail : la pandémie de COVID-19, in‐ dique l'affidavit.
Au sortir de la pandémie, la performance de The Body Shop Canada s'est considéra‐ blement améliorée et était en passe d'être positive en ce qui a trait à la trésorerie à la fin de cette année.
La situation de The Body Shop Canada s'est fortement détériorée en décembre 2023, indique la déclaration sous serment. The Body Shop International a conti‐ nué à prendre son argent, mais n'a pas payé ses four‐ nisseurs parce qu'elle a dé‐ claré qu'elle avait perdu l'ac‐ cès à son financement et qu'elle ralentissait les paie‐ ments aux créanciers pour économiser ses liquidités, a déclaré M. Searle.
The Body Shop Internatio‐ nal a déposé une demande d'administration au Royaume-Uni le 13 février. L'administration est un pro‐ cessus juridique qui permet aux entreprises de se re‐ structurer ou de fermer leurs portes sans rembourser leurs dettes.
Questionné sur les affir‐ mations de The Body Shop Canada, un porte-parole des co-administrateurs utilisés dans la procédure britan‐ nique de The Body Shop In‐ ternational a déclaré dans un courriel que la société avait longtemps eu recours à la gestion centralisée de la tré‐ sorerie, mais que ce proces‐ sus avait pris fin au moment de l'administration `et que les fonds restaient alors avec chaque entité filiale'.
Lundi, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a ac‐ cordé des mesures, notam‐ ment l'obligation pour les fournisseurs de l'entreprise de continuer à fournir des biens et services au détaillant pendant la restructuration et l'autorisation pour les maga‐ sins de cesser d'accepter les cartes-cadeaux et les retours.
Un bénéfice de 12 M$ avant intérêts et impôts durant les Fêtes
The Body Shop Canada a gagné environ 12 millions $ avant intérêts et impôts au cours de la période clé de magasinage des Fêtes, du dé‐ but novembre 2023 à la fin janvier 2024, une somme qui s'est retrouvée à The Body Shop International, a déclaré M. Searle.
M. Searle a soutenu que la société mère avait retiré 42,9 millions $ des comptes de The Body Shop Canada au cours de cette période et versé 21,8 millions $ pour les dettes et les salaires.
M. Searle a dit que le dos‐ sier administratif était tout un choc et a affirmé que le jour où il a été déposé, il a appris que The Body Shop In‐ ternational ne poursuivrait plus la gestion de trésorerie.
À ce moment-là, The Body Shop Canada devait 3,3 mil‐ lions $ aux propriétaires, aux fournisseurs de services pu‐ blics et de logistique, aux as‐ sureurs et aux agences de marketing. The Body Shop aux États-Unis a environ 3,3 millions $ US de retards de paiement, a indiqué M. Searle.
The Body Shop Canada a estimé qu'elle devait déposer une demande de protection contre ses créanciers la se‐ maine dernière parce qu'elle était confrontée à une dette croissante, à aucune pers‐ pective d'aide de la société mère britannique ou d'Aure‐ lius ou de retour de ses fonds, et à une incapacité à honorer les commandes de commerce électronique, a dit le dirigeant.
Sans la retenue abusive des fonds de l'entreprise, The Body Shop Canada serait en mesure de payer intégrale‐ ment toutes ses obligations, a-t-il ajouté.
The Body Shop U.S. a an‐ noncé qu'elle cesserait ses activités vendredi. The Body Shop Canada est tellement intégrée aux activités améri‐ caines que la fermeture ren‐ dra extrêmement difficile pour la branche canadienne d'accéder aux stocks de son entrepôt américain en voie de fermeture et de traiter les demandes futures, a déclaré M. Searle.
L'entreprise a également perdu la capacité d'expédier ses produits à ses clients grossistes, Shoppers Drug Mart et Amazon.ca.
Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec) pro‐ pose les produits The Body Shop depuis l'été dernier, lorsque les sociétés ont an‐
noncé un partenariat qui ver‐ rait la marchandise, y com‐ pris ses populaires beurres corporels, arriver dans 25 magasins. On s'attendait à ce que 25 autres sites déploient des produits cette année.
Ce partenariat marquait la première fois que les pro‐ duits The Body Shop étaient vendus au Canada en dehors des magasins de l'entreprise.