Radio-Canada Info

Gérer les catastroph­es : l’exemple de Kahnawake

- Delphine Jung

En 1997, Kahnawake s'est dotée d’une loi sur la pré‐ paration aux situations d’urgence qui a, selon les instances décisionne­lles de la communauté mohawk, fait ses preuves à de nom‐ breuses reprises.

Cette loi, modifiée en 2008, permet de donner des directives claires aux institu‐ tions chargées de la gestion des urgences.

Arnold Lazare, qui a été chef des pompiers, directeur de la sécurité publique ou encore responsabl­e de la pla‐ nification d’urgence de Kah‐ nawake, a expliqué en quoi cette loi est une réussite lors du 2e Forum national sur la gestion des urgences.

L'événement organisé par l’Assemblée des Premières

Nations (APN) se tient à Gati‐ neau du 5 au 7 mars.

Le texte législatif a débou‐ ché sur la création d’un co‐ mité qui doit, entre autres, évaluer les risques découlant de catastroph­es, la manière de les atténuer, comment les prévenir, la façon d'y réagir ainsi que la manière de réta‐ blir la situation après de tels événements.

M. Lazare ne cache pas que les situations écono‐ mique et géographiq­ue de la communauté sont des atouts non négligeabl­es dans la ges‐ tion des catastroph­es.

Notre communauté est éduquée, proche d’une mé‐ tropole. Nous avons accès à des ressources auxquelles d’autres communauté­s n’ont pas accès, a-t-il précisé.

Il a toutefois soulevé l’en‐ jeu linguistiq­ue qui touche les Mohawks du Québec, pour la plupart des anglo‐ phones qui vivent dans une province dont la majorité de la population est franco‐ phone.

Un long travail de plani‐ fication

Pour expliquer le succès de la gestion des urgences à Kahnawake, M. Lazare évoque une planificat­ion mi‐ nutieuse en amont. Cela fait plusieurs années que la com‐ munauté a examiné les dan‐ gers potentiels auxquels elle pourrait faire face.

Il y a le risque causé par le transport de matières dange‐ reuses, notamment sur le pont Mercier [qui relie la communauté à l'île de Mon‐ tréal, NDLR]. Montréal se trouve aussi dans une zone d’activité sismique. Il y a aussi des risques d’écrasement d’avion, étant donné notre proximité avec l’aéroport. Au niveau de la santé, on a dé‐ terminé que les pandémies et la salmonello­se étaient des risques, a énuméré Ar‐ nold Lazare.

Le plus important, selon lui, est la prévention, car on a beau avoir les meilleurs pompiers du monde, si les gens ne savent pas comment réagir en cas d’incendie, ne sortent pas efficaceme­nt de leur logement, les pompiers ne vont pouvoir sauver per‐ sonne.

La communicat­ion avec les membres est donc essen‐ tielle, selon M. Lazare.

On est une communauté très efficace. Notre système n’est pas parfait, mais on s’améliore, a-t-il encore pré‐ cisé.

Les leçons du passé

D’ailleurs, chaque catas‐ trophe qu’a traversée la com‐ munauté a été l’occasion de faire un bilan pour améliorer le plan de gestion d’urgence.

Par exemple, un roule‐ ment de quart de travail a ainsi été mis en place à la suite de la crise du verglas de 1998, de même qu'un pro‐ gramme d’installati­on de dé‐ tecteurs de monoxyde de carbone, car plusieurs per‐ sonnes ont été intoxiquée­s alors qu’elles tentaient de se chauffer avec des appareils qui n’étaient pas appropriés.

La communauté a égale‐ ment instauré un plan d’éva‐ cuation détaillé.

La loi sur la préparatio­n aux situations d’urgence per‐ met la régulation et même l’interdicti­on des voyages, ainsi que la déclaratio­n de l’état d’urgence. Celui-ci est d’ailleurs entré en vigueur lors de la pandémie de CO‐ VID-19, non sans opposition de la part de certains membres.

Arnold Lazare en a conscience. Il se souvient que plusieurs membres avaient alors estimé que certaines prises de décision de la part du conseil étaient exagérées.

À ce moment, notre objec‐ tif était d’assurer la sécurité de la communauté. Nous avons compté notre premier mort de la COVID-19 seule‐ ment 18 mois après le début de la pandémie, a-t-il rap‐ pelé.

La pandémie a d’ailleurs été un gros défi. Chaque crise a été importante. La crise du verglas était une crise physiqueme­nt difficile à gérer. La pandémie était phy‐ sique et mentale… Mais contrairem­ent à d’autres ca‐ tastrophes qui se sont éten‐ dues seulement sur quelques jours ou semaines, la pandémie a duré plusieurs mois, a expliqué M. Lazare.

En ce moment, Kahna‐ wake doit gérer un écoule‐ ment de carburant, dont la source pourrait provenir de Châteaugua­y, la ville voisine.

Pour Arnold Lazare, la ca‐ pacité de réactivité de la communauté et la mise en place de sa propre loi de ges‐ tion des urgences sont des preuves qu’elle a opté pour des mesures qui fonc‐ tionnent bien. C’est parfois difficile et frustrant, mais à la fin, ça marche.

De quoi asseoir encore un peu plus la capacité d’auto‐ nomie et de souveraine­té de la communauté mohawk.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada