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Des déclins cognitifs constatés après une infection à la COVID-19

- Mélanie MelocheHol­ubowski

Les preuves scientifiq­ues concernant les effets à long terme de la COVID-19 continuent de s’accumuler. Deux nouvelles études me‐ nées auprès de centaines de milliers de personnes suggèrent qu’une infection au SRAS-CoV-2 peut causer des déclins cognitifs.

Des chercheurs de l’Impe‐ rial College de Londres ont recruté pour leur étude près de 113 000 Britanniqu­es pré‐ cédemment infectés par le vi‐ rus de la COVID-19. Ces per‐ sonnes se sont livrées à di‐ vers exercices cognitifs pour évaluer leur mémoire et leurs facultés de concentrat­ion et d’attention. Leurs résultats ont été comparés à ceux de personnes jamais infectées.

Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, montrent que le coronaviru­s nuirait aux capa‐ cités cognitives et au quo‐ tient intellectu­el (QI).

Même les personnes qui ont eu peu de symptômes initialeme­nt ont obtenu des résultats inférieurs à celles qui n'ont jamais été infec‐ tées. Chez les participan­ts ré‐ tablis en moins d’un mois (et qui ont eu des symptômes lé‐ gers pendant la phase active de l'infection), les chercheurs ont noté une perte moyenne de 3 points de QI par rapport au groupe jamais infecté. Cette diminution est considé‐ rée comme un déclin cognitif léger.

Chez les participan­ts souf‐ frant de COVID longue (ceux avec des symptômes post-in‐ fection pendant trois mois et plus), on a observé une baisse de QI d’environ 6 points.

De plus, une baisse de 9 points a été observée chez les personnes qui ont néces‐ sité une hospitalis­ation aux

soins intensifs.

Les déclins les plus impor‐ tants ont été observés chez les personnes qui ont subi une infection plus tôt dans la pandémie (souche originale et Alpha) avant que les vac‐ cins et les traitement­s antivi‐ raux ne soient disponible­s. Les personnes vaccinées ont obtenu des résultats légère‐ ment supérieurs à ceux des personnes qui ne l’étaient pas.

Les personnes réinfectée­s ont obtenu des résultats lé‐ gèrement inférieurs à ceux des personnes qui ont été in‐ fectées une seule fois.

Bonne nouvelle : l’étude suggère que la gravité du dé‐ clin cognitif semble s’atté‐ nuer chez de nombreuses personnes avec le temps.

Une autre étude, menée cette fois-ci auprès de 134 000 personnes en Norvège, indique également que les personnes infectées par le SRAS-CoV-2 présentent des déclins cognitifs. Ceux-ci étaient plus prononcés selon la durée de l’infection initiale. Les participan­ts plus âgés et avec un indice de masse cor‐ porelle élevé montraient des déclins légèrement plus mar‐ qués.

Preuve supplément­aire

Si ces déficits cognitifs ne peuvent pas tous être causés par la COVID-19, précisent les auteurs, leurs résultats s'ajoutent à ceux d'un nombre grandissan­t d'études qui démontrent que la CO‐ VID-19 peut causer des sé‐ quelles physiques et neurolo‐ giques. De plus, ces données valident l'expérience de mil‐ liers de personnes qui si‐ gnalent des symptômes chroniques comme un brouillard mental ainsi que des pertes de mémoire et de concentrat­ion après une in‐ fection.

Environ 2,1 millions d'adultes au Canada, soit en‐ viron 7 % de la population adulte, vivent avec des symp‐ tômes de COVID longue, se‐ lon une enquête de Statis‐ tique Canada publiée en dé‐ cembre 2023.

En France, les autorités de la santé publique estiment que 4 % de la population adulte souffre d’une affection post-COVID.

Aux États-Unis, à la fin de juin 2023, la prévalence de la COVID longue était estimée à 7,5 % de tous les adultes américains. En mars 2023, la prévalence au Royaume-Uni était estimée à 3 % de la po‐ pulation totale.

Les chercheurs n’ont pas encore établi avec certitude les mécanismes biologique­s sous-jacents de la COVID longue, mais il existe quelques hypothèses pour en expliquer les symptômes neurologiq­ues.

Par exemple, des études ont montré qu’une infection peut induire une fusion de neurones, ce qui compromet l’activité neuronale.

D’autres études ont mon‐ tré que la COVID-19 peut pro‐ voquer de l’inflammati­on prolongée (notamment dans le cerveau) et un vieillisse‐ ment accéléré des cellules du cerveau. Cette inflammati­on continue serait provoquée par la présence de fragments du virus qui se cachent dans les organes, et ce, longtemps après l’infection.

Une autre étude a permis de calculer que le cerveau peut perdre jusqu'à 2 % de sa taille, avec moins de matière grise dans les régions liées à l'odorat et à la mémoire.

Des chercheurs québécois ont montré que ces pro‐ blèmes neurologiq­ues sont causés par un dysfonctio­nne‐ ment du système vasculaire. D’ailleurs, des chercheurs ont trouvé des fragments du SARS-CoV-2 dans des échan‐ tillons de tissus cérébraux obtenus lors de l'autopsie de personnes avec une infection grave.

Des études supplémen‐ taires pour déterminer ce qu’implique cette perte de QI

Alors que le monde entre dans la quatrième année de la pandémie, les auteurs de ces études écrivent que leurs recherches soulèvent de nombreuses questions quant aux effets à long terme de la COVID-19 sur le cerveau.

Quelle est l'importance des effets des petits déficits cognitifs mesurés? Aug‐ mentent-ils le risque de dé‐ mence plus tard dans la vie? Quels autres facteurs pour‐ raient affecter les scores cog‐ nitifs des patients infectés?, écrit dans un éditorial le Dr Ziyad Al-Aly, chef de la re‐ cherche et du développe‐ ment au VA St. Louis Health Care System et épidémiolo‐ giste clinicien à l'Université de Washington.

Et puisque le SRAS-CoV-2 continue d’infecter des mil‐ liers de personnes chaque jour dans le monde, ces cher‐ cheurs craignent que le nombre de personnes qui auront des problèmes à long terme ne cessera d’augmen‐ ter.

C’est pourquoi ils plaident pour que davantage d’études soient menées sur les effets cognitifs de la COVID-19 et sur la durée des déclins cog‐ nitifs mesurés. Ces observa‐ tions justifient une sur‐ veillance continue [des effets à long terme de la maladie], écrivent les auteurs de l’étude au Royaume-Uni.

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