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Renaître de ses cendres : la résilience de Lytton, trois ans après sa destructio­n

- Delphine Jung

Il y a presque trois ans, des feux de forêt ont frappé de plein fouet les communau‐ tés de la Première Nation de Lytton, en Colombie-Bri‐ tannique, laissant derrière eux des amas de cendres et de poussières.

Le 30 juin 2021, en quelques heures à peine, il ne restait plus rien de 18 Kli‐ ckkumcheen, l’une des 56 communauté­s qui com‐ posent la Première Nation de Lytton, répartie le long du fleuve Fraser, hors des li‐ mites de la municipali­té du même nom.

Sur les 33 résidences qui se trouvaient là autrefois, il n'en restait alors plus qu'une.

Kevin Sampson, gestion‐ naire du programme d’ur‐ gence aux Services de santé Nlaka'pamux, raconte que cette journée-là environ 200 logements de Lytton ont en‐ tièrement brûlé - la ville de Lytton comprise.

Dans les jours qui ont pré‐ cédé l'incendie, le mercure avait grimpé à 49,6 °C.

Au cours de l'été 2023, comme un mauvais rêve, des membres ont revécu ce trau‐ matisme, devant évacuer leur maison à cause d’une nou‐ velle vague de feux de forêt dans la province.

Finalement, ce n’est qu’en 2024 que la reconstruc­tion de 80 maisons débutera.

Plusieurs raisons ex‐ pliquent ce long délai, selon M. Sampson : le manque de fonds, le manque de moyens et des travaux archéolo‐ giques qui ont été menés à la suite des feux de 2021.

À l’occasion du 2e Forum national sur la gestion des urgences, organisé à Gati‐ neau par l’Assemblée des Premières Nations (APN), jus‐ qu’au 7 mars, le directeur de la reconstruc­tion de la Pre‐ mière Nation de Lytton, Pa‐ trick Michell, a livré un mes‐ sage fort d’espoir, de rési‐ lience et d’abnégation aux participan­ts présents.

Il espère que la triste ex‐ périence de sa communauté pourra en pousser d’autres à prendre les devants, car ce n’est pas une question de sa‐ voir si vous serez un jour tou‐ chés, mais quand.

M. Michell a aussi souli‐ gné combien les Autochtone­s ont en eux la force de sur‐ vivre aux conséquenc­es des changement­s climatique­s qui les touchent de plus en plus.

Nous avons survécu à la colonisati­on, aux pension‐ nats… Les membres de la na‐ tion Nlaka’pamux avaient dé‐ jà envoyé une lettre en 1878 pour s’opposer à la Loi sur les Indiens. Une autre en 1910, rappelle-t-il, comme pour souligner que la force des Autochtone­s est ancrée en eux depuis longtemps.

Mais la guérison est longue. Trois ans plus tard, les feux nous font encore souffrir, a lâché celui qui a lui-même vu sa maison partir en fumée.

De nombreuses per‐ sonnes vivent encore dans des abris de fortune, en at‐ tendant de récupérer un chez-soi. M. Michell est re‐ venu dans une caravane et compte reconstrui­re sa mai‐ son.

La réintégrat­ion des membres dans leur commu‐ nauté est importante, puis‐ qu’elle symbolise leur lien fort avec le territoire.

Alors la communauté se retrousse les manches et pense à long terme. Il n’est pas question de reconstrui­re les maisons à l'identique de celles qui ont brûlé. Ne construise­z pas de la m **** [don’t build crap], c’est pour cela que Lytton a brûlé si vite, conseille M. Michell.

Les 80 nouvelles maisons seront donc construite­s cette année en utilisant des maté‐ riaux plus résistants au feu. Elles seront plus chaudes en hiver et plus fraîches en été, et leur consommati­on d’élec‐ tricité sera moins élevée.

La communauté reste très proactive et souhaite que les entreprise­s détenues par des membres puissent bénéficier de la reconstruc­tion de mai‐ sons.

Lytton a aussi commencé à repenser la manière de sto‐ cker ses données. C’est im‐ portant, parce que si tout brûle et si vous perdez les données, ce sera plus long et encore plus coûteux de tout reconstrui­re. Vous devez les rassembler, les stocker, dire aux gens où elles se trouvent, a détaillé M. Mi‐ chell.

Celui-ci conseille par ailleurs aux autres commu‐ nautés de se doter d’une vé‐ ritable vision dans la gestion des urgences. Il est de notre responsabi­lité de nous impli‐ quer, de contribuer et de prendre en main la préven‐ tion, la préparatio­n, la ré‐ ponse aux urgences et les ef‐ forts de reconstruc­tion, a-t-il dit.

Depuis l'incendie de juin 2021, la Première Nation a mené à bien 62 projets pour reconstrui­re Lytton, et ce, malgré de nouvelles épreuves auxquelles elle a fait face : la rivière atmosphé‐ rique (un phénomène de pluies diluvienne­s) de no‐ vembre 2021, qui a conduit à la fermeture des routes; le froid extrême et la neige de décembre 2021, qui ont eu les mêmes conséquenc­es et qui ont tenu les gens piégés dans leur logement, sans eau courante; la chaleur et la sé‐ cheresse de 2022; l'incendie de Nohomin Creek; et enfin, la chaleur et la sécheresse de 2023, qui ont entraîné trois autres incendies de forêt.

Surtout, M. Michell dit ce que de nombreux membres ont déjà souligné, notam‐ ment à CBC : la tragédie de Lytton est un avertissem­ent à tout le monde au sujet des changement­s climatique­s.

Longuement, il est revenu sur la situation actuelle concernant les dérèglemen­ts météorolog­iques.

Malgré tout, la Première Nation de Lytton continue d’avancer.

Kevin Sampson, gestion‐ naire du programme d’ur‐ gence, croit même que sa communauté se remet mieux sur ses pieds que la ville voi‐ sine de Lytton.

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