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Le vérificate­ur général du N.-B. va enquêter sur le recours aux infirmière­s d’agences

- Margaux Tertre

Le vérificate­ur général du Nouveau-Brunswick en‐ quêtera sur le recours aux infirmière­s d'agences pri‐ vées dans les hôpitaux. Le premier ministre, les syndi‐ cats infirmiers et les partis d'opposition de la province réclamaien­t cet audit.

Le bureau du vérificate­ur général, Paul Martin, a an‐ noncé mercredi qu'il enquê‐ tera auprès des deux réseaux de santé, Vitalité et Horizon, ainsi qu'auprès du ministère de la Santé et du Développe‐ ment social.

L’audit portera sur les questions liées à la passation des marchés, à la sur‐ veillance, aux contrôles in‐ ternes et à l’optimisati­on glo‐ bale des ressources, est-il précisé dans un communi‐ qué.

Depuis plusieurs années, les réseaux de santé au pays font appel à des agences qui leur fournissen­t des infir‐ mières afin de répondre à leurs besoins urgents. Les ré‐ seaux de santé, comme Vita‐ lité, paient les agences, qui à leur tour sont responsabl­es de verser un salaire à ces in‐ firmières. Ces dernières peuvent être de passage dans les hôpitaux de la ré‐ gion quelques semaines ou quelques mois, avant d'être envoyées dans une autre ré‐ gion.

Le recours aux infirmière­s d'agences privées est très cri‐ tiqué dans la province par les syndicats et les partis d'oppo‐ sition. Dans une récente en‐ quête du journal anglophone The Globe and Mail, la régie francophon­e Vitalité est par‐ ticulièrem­ent montrée du doigt pour être l'un des ré‐ seaux qui paie le plus cher au pays afin d'avoir recours à ces infirmière­s voyageuses.

Vitalité fait principale­ment appel à l'agence Canadian Health Labs, qui facture envi‐ ron 300 dollars l'heure à la régie. Tout cet argent ne va pas dans les poches des infir‐ mières, mais elles sont payées près du double de celles qui travaillen­t dans le secteur public. Une disparité considérée comme un manque de respect par les syndicats infirmiers.

À la suite de la publicatio­n de l'enquête du Globe and Mail, le premier ministre de la province, le Parti libéral et le Parti vert ainsi que le syn‐ dicat des infirmière­s et infir‐ miers du Nouveau-Brunswick (SIINB) ont demandé au véri‐ ficateur général de la pro‐ vince de se saisir du dossier. À Terre-Neuve-et-Labrador, le contrôleur général s'en est emparé la semaine dernière.

Le réseau francophon­e a dépensé environ 70 millions de dollars sur huit mois en 2023, soit près de 10 % de son budget, pour les embau‐ cher.

Le ministre de la Santé, Bruce Fitch, et la présidente par intérim d’Horizon, Marga‐ ret Melanson, ont indiqué mercredi dans des déclara‐ tions séparées qu’ils soute‐ naient l’audit prévu par le vé‐ rificateur général. Dans un courriel, le réseau Vitalité a dit qu’il allait offrir sa collabo‐ ration au bureau de Paul Martin.

Un recours défendu

La cours décision

aux d'avoir re‐ infirmière­s d'agences a été prise lorsque des fiduciaire­s ont été nom‐ més par le gouverneme­nt Higgs après avoir révoqué les conseils d'administra­tion des régies de santé. Gérald Ri‐ chard a assuré les fonctions de fiduciaire pour Vitalité.

Mercredi, dans une lettre adressée aux médias, il dé‐ fend ce choix jugé nécessaire pour donner du répit au sys‐ tème. Il explique que, quand la décision a été prise, la ré‐ gie faisait face à des ferme‐ tures d’établissem­ents et à l’arrêt de services essentiels.

S'il justifie ce choix, il sa‐ lue également l'enquête du vérificate­ur général. Le re‐ cours au personnel d’agence est une pratique née d’une si‐ tuation de crise, qui n’est pas régie par la loi et qui mérite effectivem­ent un examen ap‐ profondi, écrit Gérald Ri‐ chard.

Selon lui, les recomman‐ dations que fera le vérifica‐ teur général devraient per‐ mettre d’améliorer les pro‐ cessus, mais aussi de proté‐ ger les régies de santé dans ce genre de situation.

Une mesure accueillie favorablem­ent

Dans le milieu syndical, on accueille favorablem­ent l’an‐ nonce d’un audit que l’on ré‐ clamait depuis deux ans.

Paula Doucet, la prési‐ dente du Syndicat des infir‐ mières et infirmiers du Nou‐ veau-Brunswick (SIINB), ai‐ merait une enquête exhaus‐ tive. Bien avant la pandémie, nous savions qu'il y aurait l'une des pires pénuries d'in‐ firmières jamais vues, dans cette province et partout au Canada. Les gouverneme­nts et les employeurs n'ont rien fait à l'époque, a-t-elle dé‐ claré mercredi.

Linda Silas, la présidente nationale de la Fédération ca‐ nadienne des syndicats d’in‐ firmières et d’infirmiers (FC‐ SII), soutient que les gouver‐ nements prennent des déci‐ sions financière­ment irres‐ ponsables en utilisant les agences, plutôt que d’investir dans le réseau. On parle de dollars publics, on parle de nos taxes ici.

Les infirmière­s vont conti‐ nuer de quitter le système public et d’aller vers les agences, tant qu’elles y se‐ ront mieux traitées et que les emplois y seront plus atti‐ rants. La clé, c’est d’améliorer les conditions de travail, ditelle.

Elle déplore particuliè­re‐ ment le contrat entre Vitalité et la compagnie privée Cana‐ dian Health Labs. Entrée en vigueur en décembre 2022, l’entente expire en février 2026 et coûtera jusqu'à 93 millions. L'agence charge à Vi‐ talité 306,70 $ de l'heure pour une infirmière, selon l'enquête du Globe and Mail.

Vous ne donnez même pas d'espoir à vos infirmière­s et infirmiers qu'on va avoir une solution pour un autre deux ans, s’insurge Linda Si‐ las.

Le coût de la privatisa‐ tion

Susan Holt, la cheffe de l'opposition officielle à Frede‐ ricton, dit que des questions se posent à la fois sur la stra‐ tégie de Vitalité et sur les termes de son contrat avec Canadian Health Labs. Les habitants de la province mé‐ ritent de savoir ou leur ar‐

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