Le premier satellite en bois sera bientôt en orbite
Des scientifiques de l’Uni‐ versité de Kyoto se pré‐ parent à lancer le tout pre‐ mier satellite fait en bois. Ce projet suscite des réac‐ tions variées chez des scientifiques canadiens.
Nommé LignoSat, le petit satellite en magnolia à pour but de vérifier dans quelle mesure le bois peut être uti‐ lisé dans l'espace pour ré‐ duire les effets néfastes asso‐ ciés aux satellites.
L’équipe de scientifiques japonais du projet Wood Space voulait s’attaquer aux débris métalliques dispersés dans l'espace lors de la réen‐ trée des satellites dans l’at‐ mosphère terrestre.
Takao Doi, professeur à l’Université de Kyoto, cher‐ cheur principal du projet et ancien astronaute, affirme que les matériaux métal‐ liques tels que l'aluminium, dont sont faits la plupart des satellites, brûlent lors de leur réentrée dans l'atmosphère et se transforment en parti‐ cules d'oxyde d'aluminium appelées alumine, polluant l’environnement atmosphé‐ rique de notre planète.
Un problème aux mul‐ tiples facettes
Les débris métalliques ne sont pas le seul problème en‐ tourant l’utilisation de satel‐ lites.
Aaron Boley, qui occupe la chaire de recherche du Ca‐ nada en astronomie plané‐ taire et professeur d’astrono‐ mie et d’astrophysique à l’Université de la ColombieBritannique, pense que le remplacement de l’alumi‐ nium par le bois ne fera que déplacer le problème ou, du moins, ne sera pas une solu‐ tion complète.
Le problème ne vient pas nécessairement de la matière qui compose les satellites. Le problème est notre convic‐ tion que nous pouvons trai‐ ter l’atmosphère comme une poubelle infinie.
Aaron Boley, professeur associé d’astronomie et d’as‐ trophysique à l’Université de la Colombie-Britannique
Il rappelle que, même si les satellites sont faits en bois, ils doivent toujours se rendre en orbite et que, donc, le gaz d'échappement des fusées a des répercus‐ sions sur le climat mondial en réchauffant la strato‐ sphère où se trouve la couche d’ozone.
Cependant, il trouve que la question de l’utilisation du bois doit être étudiée et qu'il sera certainement très utile d’en connaître la réponse.
Robert Lamontagne, as‐ trophysicien affilié à l’Univer‐ sité de Montréal, explique que l’idée est de réduire les conséquences un peu à la manière des voitures hy‐ brides.
Il pense également que le créneau actuel est très inté‐ ressant pour la construction de petits satellites. C'est à moindre coût, plus facile à fa‐ briquer. On bénéficie de tous les progrès en miniaturisa‐ tion et on peut lancer une flottille de petits satellites d’un seul coup avec une seule fusée.
Pourquoi le bois?
Alors que le bois rede‐ vient un matériel prisé pour la construction d’immeubles, les gens pensent qu’il est in‐ férieur en matière de fiabilité et de durabilité, affirme Ta‐ kao Doi. Cependant, c’est faux, c’est pourquoi nous vi‐ vons toujours dans des mai‐ sons faites en bois.
Après plus de cinq ans de tests sur trois échantillons de bois (le magnolia, le cerisier et le bouleau), les résultats sont concluants.
Tests réalisés :
Test d'exposition à la basse pression : les proprié‐ tés physiques du bois ne changent pas après cinq ans d’exposition à une pression de 0,1 pascal (équivalent à une altitude de 100 km). Test de dilatation thermique (changement de dimensions dû à la température) : la dila‐ tation thermique est équiva‐ lente à celle de l'aluminium, et le bois ne perd pas de son élasticité de -100 °C à 100 °C. Test de rayonnement gamma (sorte de rayonnement cos‐ mique) : les rayons gamma ne modifient pas la qualité du bois. Test d'exposition à l'espace : le bois ne change pas de masse et ne présente aucune dégradation à sa sur‐ face après 10 mois à l'exté‐ rieur de la Station spatiale in‐ ternationale
L’ancien astronaute ajoute que le bois peut brûler com‐ plètement lorsque les satel‐ lites font leur réentrée dans l’atmosphère terrestre.
Lors du test d'exposition à l'espace, les scientifiques n’ont trouvé aucune diffé‐ rence entre les trois essences de bois. Le magnolia a finale‐ ment été choisi en raison de son poids et de sa résistance à la fissuration.
Les objectifs de LignoSat
Le satellite LignoSat aura cinq objectifs lors de sa mis‐ sion, qui durera de trois à six mois.
Les quatre premiers concernent l’analyse de la température et du géoma‐ gnétisme à l’intérieur de la structure du satellite et l’ob‐ servation d’erreurs de logiciel causées par le rayonnement cosmique.
Le dernier objectif est d'évaluer sa communication avec la Terre. Cela se fera en collaboration avec des opéra‐ teurs de radio amateurs à travers le monde.
Le décollage de LignoSat est prévu pour septembre 2024. Il suivra la même orbite que la Station spatiale inter‐ nationale, c’est-à-dire à 400 km au-dessus du sol ter‐ restre.