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« Sans l’UNRWA, c’est la mort », l’angoisse des réfugiés palestinie­ns au Liban

- Rania Massoud

BEYROUTH, LIBAN - C’est l’heure de la récréation dans l’école Ramallah, la seule école que compte le camp de réfugiés palesti‐ niens de Chatila, dans le sud-ouest de la capitale li‐ banaise.

Insouciant­s, les enfants jouent et sautillent dans la petite cour de l’école élémen‐ taire mixte qui accueille 687 élèves âgés de 6 à 12 ans.

Les enseignant­es, elles, ont le visage crispé, assombri par l’angoisse.

D’ici fin mars, cette école, administré­e par l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palesti‐ niens, risque de fermer ses portes, faute d’argent. Elle cesserait de fournir des ser‐ vices aux réfugiés palesti‐ niens aussi bien dans la bande de Gaza et en Cisjor‐ danie que dans les pays hôtes où elle opère : le Liban, la Syrie et la Jordanie.

Fin janvier, 16 pays, dont le Canada, ont suspendu leur financemen­t de l’UNRWA après des allégation­s d'Israël selon lesquelles des em‐ ployés de l’agence auraient pris part à l’attaque du Ha‐ mas le 7 octobre dernier. Dans la tourmente, l’UNRWA a rapidement licencié les em‐ ployés accusés et une en‐ quête de l’ONU a été lancée.

Si, selon les informatio­ns de CBC/Radio-Canada, le Ca‐ nada devrait reprendre le fi‐ nancement de l'agence, les États-Unis, dont provenait la majeure partie du finance‐ ment, maintienne­nt toujours les valves fermées.

L’UNRWA administre no‐ tamment les écoles dans les camps de réfugiés, ainsi que les cliniques médicales qui offrent des services de soins gratuits. L'agence fournit éga‐ lement une aide financière en espèces aux plus dému‐ nis. Au Liban, elle agit comme une municipali­té, chargée par exemple du ra‐ massage des déchets dans les camps.

Où vont aller tous ces enfants?

Dans le camp de Chatila, l’école Ramallah risque de payer les frais de la suspen‐ sion du financemen­t de l’agence.

Sahar Youssef Dabdoub dirige cette école depuis plus de 16 ans. Elle-même réfu‐ giée palestinie­nne, tout comme les 31 autres em‐ ployés de l’école, elle craint le pire.

C’est notre survie qui est en jeu, dit-elle à Radio-Ca‐ nada. Sans financemen­t, nous n’aurons plus de sa‐ laire. Et puis si l’école ferme ses portes, où vont aller tous ces enfants? [...] C’est très dur sur le moral.

Elle réfute catégoriqu­e‐ ment les accusation­s israé‐ liennes selon lesquelles les manuels scolaires utilisés dans les écoles de l’UNRWA propagent des idées antisé‐ mites ou qui font la promo‐ tion du terrorisme.

Nous n’enseignons pas le terrorisme dans nos écoles, mais tout le contraire. Nous apprenons aux enfants la non-violence et la lutte contre le harcèlemen­t. [...] En tant qu’enseignant­s, nous avons un devoir de neutra‐ lité, il nous est impossible de leur enseigner la haine.

Sahar Youssef Dabdoub, directrice de l’école de l’UNRWA, dans le camp de Chatila

Elle affirme que les ma‐ nuels utilisés ont été mis en place par le gouverneme­nt li‐ banais. Le curriculum est le même que celui étudié par les Libanais, assure-t-elle. De plus, nous sommes constam‐ ment surveillés, des repré‐ sentants de l’ONU se pré‐ sentent à l’école pour s’assu‐ rer que tout est en ordre et que toutes les affiches col‐ lées sur les murs, par exemple, sont apolitique­s.

Nous avons pu visiter trois des vingt classes que compte cette école. Les en‐ fants âgés de six ans y sui‐ vaient des cours de langues anglaise et arabe.

Le camp de Chatila en bref

Fondé en 1949, le camp de Chatila est l’un des plus anciens camps de réfugiés palestinie­ns au Liban.

Il est tristement célèbre pour le massacre de 1982 perpétré par des miliciens chrétiens libanais, en pleine guerre civile, pendant que l’armée israélienn­e, dirigée par Ariel Sharon, encerclait Beyrouth.

C’est aussi l’un des camps les plus défavorisé­s parmi les 12 camps que compte le Li‐ ban, où s’entassent quelque 11 500 réfugiés sur 68 000 mètres carrés, une superficie inférieure à celle du parc Laurier à Montréal.

Les logements sont extrê‐ mement insalubres et leurs fondations sont très pré‐ caires, présentant un risque d’effondreme­nt. Les ruelles exiguës sont surplombée­s de réseaux électrique­s chao‐ tiques qui entraînent la mort d’une dizaine de personnes chaque année par électrocu‐ tion, notamment des en‐ fants.

Le camp est aussi miné par la violence, le crime et des problèmes de toxicoma‐ nie.

À quelques centaines de mètres de l’école Ramallah se trouve le seul et unique centre médical du camp, lui aussi administré par l’UNRWA, offrant des soins de santé de base, ainsi que des soins dentaires et une phar‐ macie.

Le centre, qui reçoit entre 100 et 200 patients par jour, risque lui aussi de fermer ses portes faute de financemen­t.

Aucune arme n'est autori‐ sée dans ces locaux, peut-on lire sur une pancarte à l’en‐ trée du centre. Le même message est d’ailleurs affiché sur la façade de l’école Ra‐ mallah.

À l’intérieur du centre mé‐ dical, une vingtaine de femmes et d’hommes, ac‐ compagnés d’enfants de tous âges, patientent dans la salle d’attente. Une seule médecin est de service ce jeudi matin.

Maryam Dakhloul, 36 ans, est venue avec ses cinq en‐ fants. Un de ses fils a les gan‐ glions enflés et sa fille aînée souffre d’une allergie.

Elle exhorte la commu‐ nauté internatio­nale à aider les réfugiés palestinie­ns, au lieu d’exacerber notre souf‐ france.

Il n’y a aucune autre orga‐ nisation qui peut nous aider comme le fait l’UNRWA, sur‐ tout que le gouverneme­nt li‐ banais est incapable d’aider sa propre population depuis l’effondreme­nt de son écono‐ mie, lance-t-elle.

Nous ne pourrons pas survivre

Le Liban traverse la pire crise socio-économique de son histoire depuis 2019. Se‐ lon la Banque mondiale, il s’agit de l'une des pires crises financière­s au monde depuis 1850, marquée par une flam‐ bée vertigineu­se des prix, une dégringola­de historique de la devise nationale, une paupérisat­ion inédite de la population et de graves pé‐ nuries.

Nous ne pourrons pas survivre sans l’UNRWA, dit Maryam. Il faut que les pays qui ont suspendu leur finan‐ cement comprennen­t cela.

Manal Awdeh, une autre réfugiée de Chatila, mère de quatre enfants, interrompt sa voisine. Elle partage les mêmes craintes : son époux souffre d’insuffisan­ce rénale et doit subir trois séances de dialyse par semaine.

Elle affirme qu’elle est in‐ capable de payer son traite‐ ment, qui est aujourd’hui en‐

tièrement couvert par l’UNRWA.

Sans l’UNRWA, nous al‐ lons mourir. Je le dis en toute sincérité.

Manal Awdeh, une réfu‐ giée palestinie­nne de Chatila, au Liban

Une séance de dialyse peut coûter jusqu’à 180 dol‐ lars américains, explique-telle. Je n’ai pas cet argent-là.

Les réfugiés palestinie­ns au Liban font partie des com‐ munautés les plus vulné‐ rables et marginalis­ées du pays. Selon l’UNRWA, près de 90 % des réfugiés ont bas‐ culé dans la pauvreté depuis le début de la crise écono‐ mique au Liban.

Ils sont par ailleurs sou‐ mis à des restrictio­ns très sé‐ vères. Il leur est entre autres interdit d’exercer une tren‐ taine de profession­s, notam‐ ment les métiers d’avocat, d’ingénieur, de médecin et de pharmacien.

Ils ne peuvent également devenir propriétai­res d’un terrain ou d’un logement, ce qui rend leurs conditions de vie encore plus difficiles et les empêche d’atteindre l’au‐ tosuffisan­ce économique.

Dans son bureau, à 1 km du camp de Chatila, la direc‐ trice de l’UNRWA au Liban pianote frénétique­ment sur le clavier de son ordinateur. La course contre la montre est palpable dans les locaux de l’agence.

Les réfugiés palestinie­ns au Liban sont bloqués dans un cercle vicieux de pauvreté, dit Dorothee Klaus à RadioCanad­a. Ils sont extrême‐ ment dépendants des ser‐ vices de l’UNRWA.

Elle affirme que l’agence manque déjà de fonds néces‐ saires pour la distributi­on des allocation­s financière­s dont dépendent les familles et les personnes atteintes de maladies chroniques pour satisfaire leurs besoins les plus basiques.

Cela va entraîner une crise humanitair­e et une in‐ stabilité accrue dans les camps palestinie­ns au Liban, met en garde Mme Klaus.

Le gouverneme­nt libanais est actuelleme­nt dans une si‐ tuation extrêmemen­t difficile en raison des crises écono‐ mique, sociale et politique par lesquelles passe le pays, en plus du risque d’une guerre. Les autorités seraient incapables de contrôler les camps s’ils se transforma­ient en zones de troubles.

Dorothee Klaus, directrice de l'UNRWA au Liban

Pas de plan B

En vertu d'un accord de longue date, l'armée liba‐ naise ne se déploie pas dans les camps palestinie­ns, où la sécurité est assurée par des factions palestinie­nnes.

En septembre, sept per‐ sonnes sont mortes dans des combats opposant des grou‐ puscules islamistes à des combattant­s du Fatah dans le camp de Aïn el-Helweh, le plus grand camp palestinie­n au Liban, dans le sud du pays.

Dans le centre-ville de Beyrouth, au Grand Sérail, le siège du gouverneme­nt liba‐ nais, l’inquiétude est là aussi palpable. Bassel Al-Hassan, le chef du Comité de dialogue palestino-libanais, espère que les pays donateurs sau‐ ront faire une distinctio­n entre l’UNRWA au Liban et l'agence dans la bande de Gaza.

C’est d'ailleurs le message qu’a lancé le premier ministre Najib Mikati, mercredi, lors d’une rencontre avec les am‐ bassadeurs des pays dona‐ teurs qui ont suspendu le fi‐ nancement de l'UNRWA, dont l'ambassadri­ce du Canada Stefanie McCollum. Il les a exhortés à reprendre l'aide fi‐ nancière pour les réfugiés palestinie­ns afin de mainte‐ nir la stabilité du Liban.

Si l’aide ne reprend pas, nous aurons de graves pro‐ blèmes. Le Liban ne pourra pas supporter les graves ré‐ percussion­s que cela va en‐ traîner aussi bien sur les plans sécuritair­e qu’humani‐ taire.

Bassel Al-Hassan, le chef du Comité de dialogue pales‐ tino-libanais

Interrogé à savoir si le gouverneme­nt réfléchit à un plan B au cas où le finance‐ ment ne reprend pas, M. AlHassan répond par la néga‐ tive. Quand on dit que l’UNRWA est irremplaça­ble, c’est-à-dire qu’on n’a pas de plan, dit-il, affirmant qu’il est impossible de remplacer en quelques jours une agence qui possède plus de 75 ans d’expérience avec les réfugiés palestinie­ns.

Il dénonce par ailleurs l’hypocrisie des pays occiden‐ taux sur la question palesti‐ nienne, affirmant que si la communauté internatio­nale appuyait réellement la solu‐ tion à deux États pour ré‐ soudre le conflit israélo-pa‐ lestinien, elle augmentera­it son aide à l’UNRWA et non pas le contraire.

Dans la salle d’attente de la clinique du camp de Cha‐ tila, Maryam et Manal rêvent toutes les deux de revenir un jour dans les territoire­s pa‐ lestiniens. Pour elles, si l’UNRWA n’existe plus, c’est leur droit au retour, reconnu par l’ONU, qui est menacé.

Si l’agence disparaît, on se retrouvera sans pays ni aides, se lamente Maryam.

Ça sera la fin de la cause palestinie­nne, déplore pour sa part Manal.

Ces gangs-là ont été mis sur pied par le pouvoir. La fa‐ çon de faire de ce régime, quand il est illégitime, c'est de se donner des brigades armées pour se protéger.

Frédéric Boisrond, socio‐ logue

Les gangs en Haïti sont désormais considérés comme une menace impor‐ tante, poursuit M. Boisrond. Les gangs sont mieux équi‐ pés et ont une meilleure stra‐ tégie que la police haïtienne. Cette dernière est mal prépa‐ rée et mal entraînée pour faire la guerre.

Défenseur autopro‐ clamé des quartiers popu‐ laires

Pourtant, ni les sanctions américaine­s ni les sanctions onusiennes n'auront eu le dernier mot sur la trajectoir­e de Jimmy Chérizier, qui a souvent présenté G9 comme un moyen de rétablir la paix à Port-au-Prince.

Nous nous battons pour une autre société, une autre Haïti qui n'est pas réservée aux 5 % de personnes qui dé‐ tiennent toutes les richesses, mais une nouvelle Haïti où tout le monde peut avoir de la nourriture et de l'eau po‐ table, une maison décente pour vivre, une autre Haïti où nous n'avons pas besoin de quitter le pays.

Jimmy Chérizier, en entre‐ vue à Al Jazeera en 2021

Mardi, lors de son point de presse, il a réitéré sa posi‐ tion de défenseur des classes populaires et de contrepoid­s aux élites du pays. Il n'est pas question qu'un petit groupe de riches vivant dans de grands hôtels décide du sort des habitants des quartiers populaires, a-t-il clamé.

Alors que Jimmy Chérizier hausse le ton, le premier mi‐ nistre Ariel Henry figure tou‐ jours sur la liste des grands absents depuis son déplace‐ ment au Kenya, la semaine dernière, pour solliciter des forces policières.

Selon le média dominicain CDN, l'avion privé du premier ministre aurait atterri à Porto Rico en raison des tensions en Haïti.

Depuis, aucun signe de vie.

Avec les informatio­ns de Danielle Kadjo, Agence France-Presse, Reuters, Al Ja‐ zeera, BBC et InSight Crime

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