Une baisse des taux d’intérêt causera-t-elle une nouvelle flambée de l’immobilier?
Sans grande surprise, la Banque du Canada a décidé de garder le cap cette se‐ maine en maintenant son taux directeur à 5 % - pour une cinquième fois d’affi‐ lée. Son gouverneur Tiff Macklem demeure préoc‐ cupé par la hausse du coût du logement, le facteur qui contribue le plus à l’infla‐ tion au pays.
Nous ne voulons pas maintenir une politique mo‐ nétaire aussi restrictive plus longtemps qu’il le faut. Mais nous ne voulons pas non plus compromettre les pro‐ grès que nous avons réalisés pour réduire l'inflation, a-t-il affirmé en point de presse à Ottawa, mercredi.
Sa stratégie de resserre‐ ment monétaire peut toute‐ fois sembler contre-produc‐ tive : les taux d’intérêt élevés, qui réussissent à calmer la demande et à faire ralentir la hausse des prix dans plu‐ sieurs secteurs de l’économie canadienne, pèsent toujours sur les propriétaires qui dé‐ tiennent un prêt hypothé‐ caire.
En janvier, le coût de l’in‐ térêt hypothécaire a bondi de 27,8 % en un an. Bon nombre de propriétaires re‐ filent une partie de ce coût-là aux locataires. Les loyers ont augmenté de près de 8 % au cours de la même période.
Les taux d’intérêt élevés refroidissent aussi les pro‐ moteurs immobiliers, ce qui a entraîné une baisse histo‐ rique des mises en chantier, particulièrement au Québec. Résultat : moins de loge‐ ments neufs font leur entrée sur le marché, ce qui exa‐ cerbe une crise déjà aiguë d’un bout à l’autre du pays.
Plus on garde les taux éle‐ vés longtemps, moins on aura d'offre de logements dans un contexte de crois‐ sance démographique sans précédent au Canada, sou‐ ligne Stéfane Marion, écono‐ miste et stratège en chef de la Banque Nationale.
Un couteau à double tranchant
Vous êtes nombreux à nous poser la question : pourquoi est-ce que la Banque du Canada ne vient pas simplement baisser son taux directeur et ainsi réduire ce fardeau qui pèse sur les emprunteurs et les promo‐ teurs immobiliers?
Certains observateurs craignent qu’une baisse de taux précoce ne vienne sur‐ chauffer le marché immobi‐ lier.
C'est un peu un couteau à double tranchant. Le jour où elle baissera son taux direc‐ teur, ça facilitera l'accès à la propriété et, plus il y a de gens qui veulent acheter, ça va venir pousser à la hausse le prix des propriétés.
Philippe Simard, directeur hypothécaire chez Rate‐ hub.ca
Selon lui, dans un tel scé‐ nario, les prix ne rebondi‐ raient probablement pas aux niveaux records des pre‐ mières années pandémiques, en 2020 et 2021, mais il aver‐ tit que l’offre de logements n’est toujours pas au rendezvous. On a encore un problème d'inventaire dans le marché de l'immobilier, ajoute le courtier hypothécaire.
Déjà des signes de re‐ bond
Le prix moyen des pro‐ priétés au Canada a chuté de 17 % par rapport au sommet enregistré en 2022. Mais se‐ lon les données immobilières de décembre et de janvier, le marché aurait déjà atteint son creux et les prix com‐ mencent à rebondir.
Les ventes sont en hausse, les conditions du marché se sont assez ten‐ dues et il existe des preuves anecdotiques laissant croire que la concurrence est rede‐ venue féroce entre les ache‐ teurs, explique Shaun Cath‐ cart, économiste principal de l’Association canadienne de l’immobilier.
Tiff Macklem, pour sa part, dit surveiller de près l’évolution du marché immo‐ bilier. Les transactions rési‐ dentielles semblent re‐ prendre de la vigueur et pourraient s’accélérer davan‐ tage, craint le gouverneur de la Banque du Canada.
Ce rebond pourrait-il être plus fort que prévu? Oui, c'est possible, a-t-il avoué, en période de questions avec les journalistes, mercredi. Il s’agit, selon lui, d’un risque à la hausse qui pourrait pous‐ ser l’inflation à s’emballer de nouveau.
Si l’inflation a ralenti en début d'année, entrant tout juste dans la fourchette cible de la banque centrale, la pression sur les prix devrait persister encore quelques mois, selon elle.
Des gouvernements trop dépensiers?
Selon l’économiste Sté‐ fane Marion, la banque cen‐ trale attend la fin de la saison des budgets afin d’évaluer si les dépenses des plus grosses provinces et du gou‐ vernement fédéral jetteront de l’huile au feu. Sachant qu’en Colombie-Britannique, c'est un budget expansion‐ niste, se pourrait-il que le Québec et l'Ontario optent pour la même stratégie? Avec le fédéral aussi? se demandet-il.
Malgré le printemps plus chaud que d'habitude, la Banque du Canada y va avec la stratégie : avant avril, ne te découvre pas d'un fil.
Stéfane Marion, écono‐ miste et stratège en chef, Banque Nationale
Le gouvernement du Qué‐ bec présentera son budget mardi prochain, alors que l’Ontario fera le même exer‐ cice deux semaines plus tard, le 26 mars.
Le budget fédéral, lui, sera déposé le 16 avril. Plusieurs autres provinces, dont l'Al‐ berta et le Nouveau-Bruns‐ wick, ont déjà dévoilé leurs programmes de dépenses pour la prochaine année.
Dans ce contexte-là, c'est pour ça que la banque cen‐ trale doit attendre le mois d'avril pour avoir vu ces bud‐ gets-là avant de totalement se prononcer sur le type de politique, la structure de taux d'intérêt qui est nécessaire, lance M. Marion.
Une baisse de taux en avril ?
En plus des nouvelles me‐ sures budgétaires qui s’an‐ nonceront au cours des pro‐ chaines semaines, la Banque du Canada aura le temps de décortiquer les plus récentes données sur l’inflation, la croissance économique, le marché de l’emploi et les ventes immobilières.
L’économiste Stéfane Ma‐ rion souligne que les signes d’un ralentissement écono‐ mique sont déjà bien pré‐ sents. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a une croissance des profits des entreprises qui est beaucoup plus faible et des faillites qui sont en hausse, ce qui est annoncia‐ teur d'un marché de l'emploi moins vigoureux, affirme-t-il.
Mais si on attend de constater une inflation à 2 % avant de baisser les taux, l'économie sera déjà dans un marasme important.
Est-ce que ce sera suffi‐ sant pour inciter la banque centrale à baisser son taux directeur le mois prochain? Questionné là-dessus mer‐ credi, le gouverneur est resté plutôt vague.
La baisse des taux d’inté‐ rêt, la première depuis leur plongeon spectaculaire au début de la crise sanitaire, pourrait se concrétiser en juin plutôt qu’en avril, selon les prévisions des marchés et des grandes banques cana‐ diennes.
Avec les informations de Yanick Lepage et de Peter Armstrong
seur retraité en économie à l’UQAC
Il y a un peu plus d’un an, Rio Tinto disait ne pouvoir avancer de date de commer‐ cialisation de la technologie, mentionnant seulement que l’aluminerie d’Alma demeu‐ rait l’usine privilégiée pour son implantation.
Des impacts à considé‐ rer
Gilles Bergeron estime ce‐ pendant que des projets comme Elysis doivent être soutenus. Ça va être impor‐ tant de continuer à investir dans des secteurs qui per‐ mettent de réduire les gaz à effet de serre et le projet Ely‐ sis a cet objectif-là. Donc, c’est un exercice qu’il faut poursuivre, a-t-il soutenu.
Rémi Morin Chassé, pro‐ fesseur d’économie à l’Uni‐ versité du Québec à Chicou‐ timi, souligne de son côté que Québec peut avoir un in‐ térêt à investir davantage dans la technologie Elysis, en raison des impacts et retom‐ bées attendus.
Je pense qu’il y a un cer‐ tain avantage à appuyer les entreprises, surtout quand il y a un changement technolo‐ gique important et que les in‐ frastructures, quand elles sont construites, sont construites pour longtemps, donc ce sont des dépenses en capital qui ont une durée de vie très longue comparati‐ vement à d'autres industries, a-t-il mentionné.
Le maintien d’un prix juste de l’électricité ré‐ clamé
L’Association de l’alumi‐ nium du Canada insiste en particulier dans son mémoire sur l’importance de mainte‐ nir les tarifs d’électricité aux‐ quels ont accès les alumine‐ ries au Québec, alors que la demande en énergie est grandissante. Les alumine‐ ries québécoises bénéficient d’un tarif spécial par contrat.
Ce type de contrat a par exemple permis à Rio Tinto de payer un tarif plus bas que le tarif L, pendant des périodes où le prix de l’alumi‐ nium était bas. La multinatio‐ nale répond cependant à 95 % de ses besoins en énergie pour ses alumineries au Qué‐ bec, grâce aux barrages qu’elle possède au SaguenayLac-Saint-Jean.
L’Association de l’alumi‐ nium du Canada soutient que l’accès à des tarifs éner‐ gétiques compétitifs est ab‐ solument primordial pour la viabilité ainsi que la péren‐ nité de l’industrie.
L’industrie affirme que les tarifs actuels appliqués per‐ mettent à Hydro-Québec de réaliser une excellente marge bénéficiaire. Cette situation est toutefois menacée par les incertitudes grandissantes découlant des nouvelles orientations du gouverne‐ ment en matière de tarifica‐ tion énergétique, ajoute-t-on dans le document.
Le représentant de l’in‐ dustrie, Jean Simard, rejette les conclusions de l’étude des firmes McKinsey et Hatch, qui concluait que les alumineries québécoises sont les plus vertes et les plus profitables au monde en raison du coût de l’énergie. On nous com‐ pare à des régions du monde qui ne se comparent pas à la réalité énergétique du Qué‐ bec, mentionne-t-il.
Une réflexion plus large à mener
Le professeur Rémi Morin Chassé estime qu’une ré‐ flexion plus large doit être menée sur les tarifs d’électri‐ cité préférentiels accordés aux entreprises.
Il y a vraiment une ré‐ flexion réelle à se poser, sur c'est quoi un tarif compétitif? Quels sont les coûts d'oppor‐ tunité aussi d'accorder des tarifs préférentiels beaucoup plus bas dans la mesure où on est en augmentation im‐ portante de la demande en électricité?
Rémi Morin Chassé, pro‐ fesseur d’économie à l’UQAC
Le calcul sera avant tout politique, pour les gouverne‐ ments, ajoute-t-il. Comment est-ce qu’on appuie nos en‐ treprises? Est-ce qu’on de‐ vrait, plutôt, les faire réagir aux incitatifs du marché avec des prix qui représentent les coûts réels de production, et les aider autrement?
Dans son mémoire, l’Asso‐ ciation de l’aluminium du Ca‐ nada souhaite aussi avoir ac‐ cès à certaines mesures fis‐ cales afin de soutenir les in‐ vestissements de l’industrie dans la modernisation de ses usines. Des demandes sem‐ blables ont été présentées à Ottawa cet automne en vue du budget fédéral.