Dans l’oeil d’Ivanoh : l’importance du regard
C’est un élément clé dans la composition d'une image. Le regard. En photo‐ journalisme, la présence ou l’absence de celui-ci va dé‐ terminer la force du mo‐ ment.
Le palais de l'Assemblée du peuple, à Pékin, a accueilli cette semaine le Congrès po‐ pulaire national (CPN) de Chine.
Avant le début de l'événe‐ ment, quatre employées font le service du thé pour les in‐ vités. La composition gra‐ phique de l’image m’a inter‐ pellé. La couleur rouge de l'État chinois est également omniprésente. On devine la haute importance accordée au protocole lors de cette as‐ semblée.
L'interaction entre les quatre femmes est coordon‐ née. Les trois du haut at‐ tendent un moment précis pour entamer le service, et ce, de façon simultanée. Mais l’élément le plus fort de cette image est le regard intriguant des sujets.
Des enfants font la file pour manger à Rafah. Habi‐ tuellement, lorsque des en‐ fants aperçoivent un photo‐ graphe en reportage, ils af‐ fichent immédiatement un sourire. Fascinés par notre présence, ils font des signes de paix et regardent constamment la caméra. Ce qui peut devenir un pro‐ blème quand on essaie de travailler discrètement.
Les enfants n'ont pas de filtre. Ils sont transparents. La joie n’est pas présente dans le regard de ce jeune garçon. L'enfant assis à ses côtés est également perdu dans ses pensées. Ce cliché illustre l’impact de la guerre sur la population, qui essaie de survivre dans des condi‐ tions insupportables.
Je ne suis pas un grand partisan du regard direct vers la caméra quand on fait de la photographie de nouvelles. Je préfère que le photo‐ graphe soit un témoin de l’ac‐ tion, que les intervenants ne le regardent pas.
Mais il y a toujours des ex‐ ceptions. C’est le cas cette fois-ci.
Le photographe Dan Kit‐ wood a réalisé cette image de migrants traversant la Manche, entre la France et la Grande-Bretagne, sur un ba‐ teau pneumatique. Les hommes entassés les uns contre les autres se dirigent vers un avenir inconnu.
Je m’attendais à percevoir de l’angoisse, de l'inquiétude dans leur regard. Au contraire, en observant at‐ tentivement cette image, je perçois plutôt une absence d’émotion. Cette absence est parlante. Un regard et un lan‐ gage corporel qui reflètent l’incertitude qui les attend.
Plusieurs manifestations de fermiers ont eu lieu ré‐ cemment contre les mesures environnementales prises par l'Union européenne. En Pologne, la situation a dégé‐ néré.
La photo de Wojtek Rad‐ wanski a été prise au bon moment. Un manifestant a été arrêté. Son visage est cloué au sol par des policiers de l’escouade antiémeute. Les deux bottes isolent le su‐ jet au centre de la photo.
J'ai photographié des ar‐ restations lors de manifesta‐ tions plusieurs fois au cours de ma carrière.
Tout se passe très vite. Il faut réaliser nos images ins‐ tantanément, car quelques secondes plus tard, d'autres policiers se placent devant nous pour bloquer l'accès.
Une image difficile à réali‐ ser.
De graves incendies ont eu lieu au Texas, cette se‐ maine. Plus d'un million d'acres ont brûlé dans les champs, affectant grande‐ ment les industries agricole et bovine. Carlos Garza est venu livrer des matériaux pour aider les gens à se re‐ mettre sur pied.
Le photographe a décidé d'illustrer le sujet en jouant sur le fait que nous sommes dans le pays des cowboys. Scott Olson a choisi son angle, à contre-jour (une technique dont j'ai récem‐ ment parlé), et c’est le cha‐ peau qui a fait le travail.
Ce détail nous situe très bien dans l’univers texan. Le regard du cowboy se dirige vers le camion de marchan‐ dises, en arrière-plan. Une belle composition couronne le tout.
Mon clin d'oeil de la se‐ maine
Le mythique Motel Oscar, sur le boulevard Taschereau, à Longueuil, a été détruit l'année dernière. Les rési‐ dents qui vivent à côté du motel espèrent que la mon‐ tagne de débris sera net‐ toyée prochainement.
J'ai eu l'occasion, cette se‐ maine, de réaliser un portrait de Francine Leroux, qui ha‐ bite en face des ruines du motel.
J’ai pris plusieurs images d’elles, puis pendant quelques secondes, Mme Le‐ roux a penché la tête et a re‐ gardé brièvement vers la droite, observant le site désaffecté.
J’avais capté le moment qui montre bien la conster‐ nation des habitants du quartier.