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Espèce menacée, le tétras des armoises pourrait complèteme­nt disparaîtr­e des Prairies

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Les dernières données al‐ bertaines n'offrent que peu d'espoir quant à l’avenir du tétras des armoises : l’oi‐ seau au corps rond, qui fai‐ sait partie depuis long‐ temps des espèces les plus menacées au Canada, se‐ rait sur le point de dispa‐ raître à jamais des pay‐ sages naturels de l’Alberta et de la Saskatchew­an.

Mark Boyce, professeur d'écologie à l'Université de l'Alberta, estime que les po‐ pulations de cet oiseau, considéré comme le plus grand de son espèce en Amé‐ rique du Nord, sont au bord du gouffre.

La situation est désespé‐ rée. Ils vont disparaîtr­e, c'est presque certain, dit le cher‐ cheur, qui étudie le tétras des armoises depuis des dé‐ cennies.

De plusieurs milliers à seulement 100 au pays

Les tétras des armoises se comptaient autrefois par mil‐ liers, voire par centaines de milliers, au Canada, et leur aire de répartitio­n s'étendait sur 100 000 kilomètres car‐ rés.

Aujourd'hui, il en reste moins de 100. Leur aire de répartitio­n dans le sud-est de l'Alberta et le sud-ouest de la Saskatchew­an s'est réduite à moins de 10 % de ce qu'elle était.

Un recensemen­t du gou‐ vernement de l'Alberta publié le mois dernier montre qu'il ne resterait plus que 45 té‐ tras des armoises dans la province. Le comptage effec‐ tué au printemps dernier a enregistré 17 mâles, soit une baisse par rapport aux 22 dé‐ nombrés en 2022.

Selon le rapport provin‐ cial, seuls 3 des 38 leks connus en Alberta sont en‐ core actifs. Un lek est une étendue ouverte où les oi‐ seaux se rassemblen­t chaque printemps pour s’accoupler.

Dans le parc national des Prairies du sud de la Saskat‐ chewan, seuls 24 mâles ont été aperçus lors du comp‐ tage du printemps 2023 sur les seuls leks restants dans la province.

Une espèce vulnérable

Selon Mark Boyce, le té‐ tras des armoises est particu‐ lièrement vulnérable alors que l'Ouest canadien se pré‐ pare à une sécheresse esti‐ vale qui pourrait endomma‐ ger davantage les pâturages qui constituen­t un habitat es‐ sentiel.

Selon lui, la perte d'habi‐ tat causée par le développe‐ ment industriel a constitué la plus grande menace pour l'espèce. Contrairem­ent à d'autres oiseaux qui peuvent prospérer à proximité de l'homme, le tétras des ar‐ moises est particuliè­rement fragile à toute forme de per‐ turbation.

Le bruit causé par une pompe à piston utilisée dans un puits de pétrole ou encore la constructi­on de clôtures ou de lignes électrique­s sont des facteurs qui peuvent le pousser à quitter une zone.

En danger depuis des décennies

L'espèce est inscrite sur la liste des espèces menacées au Canada depuis 1998. Elle a été désignée comme es‐ pèce menacée en Saskatche‐ wan en 1999. L'Alberta a fait de même l'année suivante.

Les effectifs ont cepen‐ dant continué à diminuer et, en 2013, en réponse à une action en justice, Ottawa a adopté une ordonnance de protection d'urgence pour l'espèce.

Afin de mettre un terme à la destructio­n de l'habitat du tétras des armoises, l'ordon‐ nance de protection a im‐ posé des restrictio­ns strictes sur les terres provincial­es et publiques où se trouvent les oiseaux.

Mark Boyce juge que l'or‐ donnance était essentiell­e, mais qu'il fallait en faire da‐ vantage pour préserver les quelques habitats viables qui subsistent.

Des efforts pour éviter l’irréparabl­e

Joel Nicholson, biologiste principal de la faune sauvage au ministère de l'Environne‐ ment de l'Alberta, garde mal‐ gré tout l'espoir que des ef‐ forts de conservati­on seront couronnés de succès.

Les chercheurs de l'Al‐ berta travaillen­t avec des propriétai­res terriens, l'in‐ dustrie et des scientifiq­ues à travers la frontière canadoamér­icaine, pour aider à ren‐ forcer les population­s exis‐ tantes, indique-t-il.

Ce travail comprend des efforts de remise en état des pâturages privés, un pro‐ gramme de semences qui ga‐ rantira la plantation d'ar‐ moise sur les sites pétroliers abandonnés et l'introducti­on de nouveaux oiseaux dans la nature.

De plus, une quarantain­e de femelles du Montana, équipées de traceurs GPS, seront relâchées en Alberta au printemps pour tenter de renforcer la population.

J'espère vraiment que nous réussirons à les garder en Alberta, et ce ne sera pas faute d'avoir essayé si nous

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