Joe Biden attaque Trump, sa « rancoeur » et sa « rancune », avec une férocité rare
Il promet d'incarner l'« op‐ timisme » contre la « ran‐ coeur » de Donald Trump, la « force morale » contre la « haine » alimentée par le républicain : jeudi de‐ vant le Congrès, Joe Biden a attaqué son rival avec une férocité rare. Pendant son discours sur l'état de l'Union, de plus d'une heure, le démocrate de 81 ans a mentionné à 13 re‐ prises son « prédécesseur », qu'il est quasiment as‐ suré d'affronter à nouveau à la présidentielle de no‐ vembre.
Dans l'imposant hémi‐ cycle du Congrès, sous les ac‐ clamations de son camp de‐ bout et tandis que l'opposi‐ tion républicaine restait as‐ sise, le démocrate de 81 ans, candidat à sa réélection, a as‐ suré que lui ne plierai(t) ja‐ mais devant le président russe.
Mon prédécesseur, un an‐ cien président républicain, dit à Poutine "faites ce que vous voulez". C'est une cita‐ tion, un ancien président a vraiment dit ça, se soumet‐ tant à un dirigeant russe. Je pense que c'est scandaleux. C'est dangereux, et c'est inac‐ ceptable!, a-t-il lancé, sans prononcer le nom de Donald Trump.
Depuis le président Lin‐ coln et la Guerre de Séces‐ sion, jamais notre liberté et démocratie n'ont été atta‐ quées dans notre pays comme elles le sont aujour‐ d'hui.
Joe Biden, président des États-Unis
Le président a voulu des‐ siner un avenir basé sur les valeurs fondamentales qui définissent l'Amérique : l'hon‐ nêteté, la force morale, la di‐ gnité, l'égalité.
Et voilà que quelqu'un de mon âge raconte une autre histoire, celle d'une Amé‐ rique tournée vers la ran‐ coeur, la vengeance et la re‐ vanche, a-t-il ajouté dans une allusion claire à son rival de 77 ans.
Donald Trump a promis de se venger de sa défaite de 2020, qu'il n'a jamais recon‐ nue, et des poursuites judi‐ ciaires qui s'accumulent contre lui.
L'ancien président a prévu de corriger en direct les pro‐ pos de son rival. Il a accusé jeudi le démocrate d'avoir transformé les États-Unis en film d'horreur et réclame de débattre avec lui.
Il a dénoncé, sur son ré‐ seau social Truth, un discours colérique, clivant et plein de haine.
Le plus grand rebond
Face à la rhétorique du déclin scandée par Donald Trump, Joe Biden a assuré que l'Amérique connaissait sous sa présidence le plus grand rebond de son histoire, après la pandémie de la CO‐ VID-19 qui avait mis à genoux la première économie mon‐ diale.
J'ai hérité d'une économie qui était au bord du gouffre. À présent, notre économie est littéralement enviée par le monde entier. 15 millions d'emplois ont été créés en trois ans, c'est un record. Et le taux de chômage est le plus bas depuis 50 ans.
Joe Biden, président des États-Unis
Cela dessine un avenir plein de promesses, selon Joe Biden, décidé à jouer la carte de l'optimisme face à son rival. La question pour notre pays, ce n'est pas notre âge, c'est l'âge de nos idées. La haine, la colère, la ven‐ geance, la rancune sont les idées les plus vieilles qui soit, a-t-il clamé.
Entendant marquer réso‐ lument la différence avec ce dernier, il a aussi juré qu'il ne diaboliserai[t] pas les mi‐ grants comme l'a fait son ad‐ versaire républicain Donald Trump et a appelé le Congrès à adopter une proposition de loi sur le contrôle des fron‐ tières.
Je ne diaboliserai pas les migrants en disant qu'ils "empoisonnent le sang de notre pays", a-t-il dit en réfé‐ rence à de récents propos de Donald Trump. Nous pou‐ vons nous disputer au sujet de la frontière ou bien régler le problème, a-t-il lancé.
Quelques heures avant le discours sur l'état de l'Union, la majorité républicaine de la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi qui prévoit l'arrestation de tout immigré reconnu cou‐ pable de vol ou de cambrio‐ lage.
Ce texte a été baptisé le Laken Riley Act, du nom d'une étudiante tuée en fé‐ vrier par un immigré véné‐ zuélien en situation irrégu‐ lière, selon la police, et qui est devenue pour les conser‐ vateurs un symbole de la cri‐ minalité imputée à des mi‐ grants, dont ils font porter la responsabilité à Joe Biden.
À ses parents, je dis : je suis de tout coeur avec vous, ayant moi-même perdu des enfants. Je comprends, a dé‐ claré Joe Biden à la tribune, en montrant un badge en l'honneur de l'étudiante.
Son prédécesseur et can‐ didat à la présidentielle de novembre, Donald Trump, ne cesse de l'accuser d'avoir transformé la frontière sud des États-Unis en passoire.
L'épineuse question de l'immigration
Une loi sur l'immigration, négociée durant des mois par des membres des deux partis, a finalement été reje‐ tée par les républicains au Congrès, à la demande de l'ancien président.
Joe Biden ne nie pas que les États-Unis sont confron‐ tés à des arrivées record de migrants. Un niveau record de 302 000 interceptions a été atteint en décembre, re‐ tombé en janvier à 176 000, selon des statistiques offi‐ cielles.
La police des frontières faisait état en fin d'année de quelque 10 000 passages chaque jour, soit un rythme encore plus soutenu que les mois précédents.
Elle a dénombré pour l'exercice budgétaire 2023 (d'octobre 2022 à septembre 2023) plus de 2,4 millions d'interceptions de migrants par voie terrestre, encore en augmentation par rapport aux années antérieures.
Droit de choisir
Le président a aussi fus‐ tigé l'annulation de la garan‐ tie fédérale à l'avortement, l'un des grands thèmes de la campagne, promettant de ré‐ tablir cette protection si les Américains élisent un Congrès favorable au droit de choisir.
Clairement, ceux qui se vantent d'avoir [annulé la protection fédérale du droit à l'avortement par la Cour su‐ prême] n'ont aucune idée du pouvoir des femmes en Amé‐ rique.
Joe Biden
Mais ils s'en sont rendu compte lorsque la liberté de disposer de son corps a été en jeu dans les urnes et l'a emporté en 2022 et 2023, et ils s'en rendront de nouveau compte en 2024, a ajouté ce catholique qui se veut le dé‐ fenseur du droit à l'IVG.
Sur la forme, Joe Biden s'est montré combatif, au moment où ne cessent de monter les inquiétudes et cri‐ tiques sur son âge.
Cessez-le-feu immédiat
Concernant la guerre à Gaza, le président américain a évoqué, plus longuement qu'il ne l'avait jamais fait jus‐ qu'ici, les souffrances des ci‐ vils palestiniens.
Il a aussi annoncé devant le Congrès qu'il avait or‐ donné à l'armée américaine d'établir un port temporaire à Gaza permettant une aug‐ mentation massive de la
quantité d'aide livrée chaque jour dans le territoire palesti‐ nien assiégé.
L'aide ne peut être une considération secondaire ni une monnaie d'échange, a-t-il souligné.
Il a également dit vouloir un cessez-le-feu immédiat de six semaines.
Je travaille d'arrache-pied pour parvenir à un cessez-lefeu immédiat d'au moins six semaines, a déclaré Joe Bi‐ den, alors que la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien vient d'entrer dans son 6e mois.
Une heure à peine avant le discours du président, des manifestants munis de dra‐ peaux palestiniens se sont rassemblés près de la Mai‐ son-Blanche tandis que d'autres ont bloqué une ave‐ nue menant au Capitole.
Le convoi de Joe Biden a pris un itinéraire qui a évité les groupes de protesta‐ taires.