Radio-Canada Info

Désillusio­n en Gaspésie et aux Îles après les consultati­ons sur le sébaste

- Isabelle Larose

Les pêcheurs gaspésiens et madelinots ressortent avec très peu d’espoir des quatre journées de consul‐ tation qui se sont tenues à Halifax cette semaine, en vue de la relance de la pêche commercial­e au sé‐ baste.

On n’avait pas beaucoup d’attentes en prévision de ce comité-là et les discussion­s sont venues confirmer ce à quoi on s’attendait, lance le directeur général de l'Asso‐ ciation des capitaines pro‐ priétaires de la Gaspésie, Claudio Bernatchez.

De nombreuses voix se sont élevées dans les der‐ nières semaines pour dénon‐ cer l’attributio­n de 60 % des quotas aux grandes corpora‐ tions possédant des chalu‐ tiers de 30 mètres et plus (100 pieds), bien que de nombreuses flottilles côtières et semi-hauturière­s, dont les crevettier­s, soient au bord du gouffre en raison du déclin marqué des stocks.

Malgré tout, M. Bernat‐ chez n’a pas senti qu’Ottawa envisageai­t de changer son fusil d’épaule.

Il serait utopique de pen‐ ser que le gouverneme­nt va revenir sur sa position.

Claudio Bernatchez, direc‐ teur général de l'Associatio­n des capitaines propriétai­res de la Gaspésie

La désillusio­n est la même du côté du président de l’As‐ sociation des pêcheurs de sé‐ baste des Îles-de-la-Made‐ leine, Jean-Bernard Bour‐ geois.

C’est certain qu’on a fait entendre nos voix, mais ce n’était pas un enjeu qui était à l’ordre du jour, se désole-til. Pour certains paramètres, on avait plusieurs scénarios sur la table, comme la gros‐ seur des filets ou les zones de pêches, mais pour ce qui est de la répartitio­n des quo‐ tas, ce n’était pas le cas, donc ça augure mal de ce côté-là.

De surcroît, les deux hommes doutent que le quota plancher de 25 000 tonnes annoncé en janvier soit rehaussé substantie­lle‐ ment.

Quand on entend certains transforma­teurs autour du golfe dire que le marché n’y est pas, que le prix n’y ait pas, on se demande com‐ ment on pourrait bénéficier de quotas accrus, croit Clau‐ dio Bernatchez.

L’homme rapporte même que des pêcheurs de la ré‐ gion prêts à tenter l’aventure du sébaste ne trouvent pas d’acheteur pour leurs prises au Québec et sont contraints de se tourner vers les pro‐ vinces maritimes.

Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’effort déployé par certaines industries et trans‐ formateurs, précise M. Ber‐ natchez. J’en connais qui tra‐ vaillent fort, mais qui en sont aux premiers balbutieme­nts. Ça prend des années pour bâtir des marchés, et là, on est en crise, le contexte n’est pas idéal.

Il faut aussi avoir une ap‐ proche qui prend en compte ce que les industriel­s sont ca‐ pables de traiter. Peut-être que 25 000 tonnes, c’est peu, mais il faut aussi être réaliste et en avoir trop sur les mar‐ chés, ça ne serait pas mieux non plus, ajoute Jean-Ber‐ nard Bourgeois.

Un avenir sombre

Le directeur général de l'Associatio­n des capitaines propriétai­res de la Gaspésie, Claudio Bernatchez, ne croit pas que le sébaste permettra aux pêcheurs de faire face à la crise qui secoue actuelle‐ ment le monde des pêches.

Présenteme­nt, on a des flottilles autour du golfe qui sont en situation d’urgence, de crise et qui auraient pu compter sur les quotas de sébaste pour s’en sortir, mais malheureus­ement, avec les conditions actuelles du mar‐ ché, ça ne vaut pas vraiment la peine d’aller pêcher le sé‐ baste, affirme-t-il.

On est au point mort pour certaines flottilles, principale‐ ment celle des crevettier­s, et beaucoup de pêcheurs n'ont plus rien à pêcher.

Claudio Bernatchez, direc‐ teur général de l'Associatio­n des capitaines propriétai­res de la Gaspésie

Claudio Bernatchez af‐ firme qu'Ottawa a fait preuve de négligence en re‐ tardant la relance de la pêche commercial­e au sébaste du‐ rant plusieurs années.

Selon lui, l'abondance du poisson rouge a mis en péril de nombreuses autres es‐ pèces du golfe et ce sont les pêcheurs qui en paient le prix aujourd'hui.

Comment le gouverne‐ ment du Canada va-t-il re‐ connaître la négligence claire dont il a fait preuve dans les six dernières années qui mène à la disparitio­n de flot‐ tilles, à la fermeture possible d’usines et à des économies de communauté­s côtières qui vont être très lourdement affectées?, questionne-t-il

Il n’y a pas beaucoup d’es‐ poir. […] On voit que le minis‐ tère prend beaucoup de déci‐ sions pour protéger les res‐ sources et les fonds marins, mais on ne protège pas les pêcheurs.

Jean-Bernard Bourgeois, président de l'Associatio­n des pêcheurs de sébastes des Îles

L’Associatio­n des pê‐ cheurs de sébaste des Îles re‐ présente des pêcheurs qui se sont retrouvés sans revenus après le moratoire imposé en 2023 sur la plie rouge et la li‐ mande à queue jaune.

Ces pêcheurs de pois‐ sons-appâts misaient sur le sébaste pour retourner en mer et sauver leur entre‐ prise, mais la faible allocation de 15 % attribuée à la flottille des bateaux de 20 mètres (65 pieds) et moins a anéanti leurs espoirs.

Le moral est très bas, se désole Jean-Bernard Bour‐ geois.

L’intérêt des prises ac‐ cessoires

Le type de filet et de cha‐ lut à utiliser pour relancer la pêche commercial­e au sé‐ baste a aussi été débattu lors des consultati­ons à Halifax.

Le choix d’équipement a un impact sur les prises ac‐ cessoires, soit les autres es‐ pèces de poissons de fond comme la merluche, le flétan ou la morue, qui pourraient accidentel­lement se retrou‐ ver dans les mailles des mêmes filets que le sébaste.

Selon Claudio Bernatchez, les corporatio­ns des Mari‐ times détenant des chalu‐ tiers de plus de 30 mètres (100 pieds), telles que Mersey Seafoods et Clearwater Sea‐ foods, ont milité en faveur d’équipement­s qui favorise‐ raient les prises acciden‐ telles, notamment des filets à petites mailles, ce qui pour‐ rait mettre à mal la survie des autres poissons de fond.

Ça nous a sidérés! Cer‐ tains gros acteurs sont claire‐ ment plus pour les prises ac‐ cessoires que pour le sébaste en tant que tel.

Claudio Bernatchez, direc‐ teur général de l'Associatio­n des capitaines propriétai­res de la Gaspésie

Il va falloir être extrême‐ ment vigilant pour s’assurer que, lorsque les gros bateaux de ces grandes entreprise­s-là rentrent dans le golfe, qu’il y ait des observateu­rs à bord pour faire en sorte que les prises accessoire­s soient vrai‐ ment bien comptabili­sées pour ne pas assister à un car‐ nage dans ces espèces-là aussi, ajoute M. Bernatchez.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada