Améliorer les soins des personnes noires, le rêve d’un gestionnaire de l’Hôpital d’Ottawa
Une grande affiche de Mar‐ tin Luther King prononçant son célèbre discours trône dans le petit bureau de Pa‐ trick Dusabimana. Ce ges‐ tionnaire du département d’imagerie médicale de l’Hôpital d’Ottawa a lui aussi un rêve : celui d’un système de santé où tous seraient traités dans le re‐ spect, peu importe la cou‐ leur de leur peau.
En plus de diriger son dé‐ partement, il est le copré‐ sident du Conseil sur l’équité, la diversité et l’inclusion de l’Hôpital d’Ottawa, créé il y a deux ans.
À travers [le conseil], on essaie de mettre de l'avant les différentes communautés de l'Hôpital, [dont] la com‐ munauté noire, avance Pa‐ trick Dusabimana. L’orga‐ nisme a pour objectif de don‐ ner une place à tous pour se rencontrer et discuter des défis qui les touchent directe‐ ment.
Parmi les milliers d’em‐ ployés que compte l’Hôpital d’Ottawa, ils sont nombreux issus des communautés noires. Impossible toutefois de savoir précisément com‐ bien ils sont, car l’établisse‐ ment ne compile pas ce genre de données.
[Quand] tu te promènes dans l'Hôpital, c'est sûr que tu vas probablement remar‐ quer aux 10-15 secondes une personne de la communauté noire. C'est quelque chose [dont] on doit être fier, puis qu'on doit commencer à célé‐ brer, croit le gestionnaire.
Une reconnaissance qui devrait se faire toute l’année, selon lui, car leur contribu‐ tion en santé est considé‐ rable.
Des politiques qui nuisent aux soins de santé
[Pour] beaucoup de com‐ munautés, quand quelqu'un est malade, ils pourraient être 15, voire 20 personnes dans la salle pour aller voir leur bien-aimé. [Mais], ici, on a des politiques que tu peux juste être une ou deux per‐ sonnes maximum.
Patrick Dusabimana sou‐ tient que ce sont des élé‐ ments qui malheureusement peuvent affecter la façon dont une personne récupère si elle est admise à l'hôpital.
Des accommodements pour‐ raient aussi être mis en place, selon lui.
Par exemple, tu viens en radiologie, on va te deman‐ der peut-être d’enlever ton haut pour pouvoir procéder à un scan, mais il y a des gens qui nous demandent : "Est-ce que vous pouvez m'accommoder pour pouvoir garder un certain morceau, parce que c'est très impor‐ tant culturellement?"
Certainement, le racisme en santé existe encore.
Patrick Dusabimana, ges‐ tionnaire au département d’imagerie médicale de l’Hô‐ pital d’Ottawa
Pour lui, la rigidité de cer‐ taines politiques entraîne donc un racisme indirect à l’égard des communautés noires.
Un manque de confiance envers le sys‐ tème de santé
Patrick Dusabimana note que la manière dont les soins sont offerts peut affecter la confiance des patients, mais aussi du personnel noir, en‐ vers les institutions de santé.
À travers son rôle, le ges‐ tionnaire souhaite rétablir ce lien de confiance essentiel. Les travailleurs de la santé noirs devraient pouvoir ex‐ primer leur fierté quant à leur apport au système, se‐ lon lui.
C'est un travail à long terme.
Patrick Dusabimana, ges‐ tionnaire au département d’imagerie médicale de l’Hô‐ pital d’Ottawa
C'est à nous de travailler à les encourager pour qu'ils puissent avoir cette confiance de s'afficher lors‐ qu’ils accomplissent quelque chose d'exceptionnel comme ils l’ont fait durant la COVID19, donne-t-il à titre d’exemple.
Le manque de reconnais‐ sance et de ressources pour se développer professionnel‐ lement nuit au lien de confiance, croit la profes‐ seure titulaire à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, Jose‐ phine Etowa.
La présence de personnes noires dans des postes de di‐ rection, comme Patrick Dusa‐ bimana, fait une différence, estime cette experte.
Nous devons renforcer la capacité de leadership au sein de la communauté noire, insiste-t-elle.
Les observations de Pa‐ trick Dusabimana sont justes à plusieurs égards, selon elle.
Le milieu de la santé n’a pas les ressources néces‐ saires pour offrir des soins culturellement appropriés, croit Josephine Etowa.
La situation désavantage les communautés noires déjà touchées de manière dispro‐ portionnée par un certain nombre de maladies qu'il s'agisse du diabète, de l'hy‐ pertension artérielle pour des raisons liées au salaire, à l’emploi, à l’insécurité alimen‐ taire, ajoute-t-elle.
Malgré les défis à réconci‐ lier diversité et soins de santé, l’optimisme de Patrick Dusabimana ne se dément pas. Son petit bureau est loin de contenir la grandeur de ses ambitions.
Il faut continuer d’essayer de rêver, puis de voir com‐ ment on peut rendre les choses meilleures, conclut Patrick Dusabimana, l’air confiant.