Les oeufs de poule pour améliorer le traitement des cancers chez les enfants
Des chercheurs de l’Univer‐ sité de la Colombie-Britan‐ nique (UBC) veulent amé‐ liorer les traitements des enfants atteints de cancer. En faisant croître des tu‐ meurs dans des oeufs, ils étudient la façon dont cer‐ tains médicaments déjà ap‐ prouvés peuvent contri‐ buer au traitement contre des cancers infantiles.
L'oeuf de poule n'a pas le système immunitaire néces‐ saire pour rejeter les tu‐ meurs implantées, explique Chinten James Lim, profes‐ seur adjoint au département de pédiatrie de l'UBC et cher‐ cheur à l’Institut de re‐ cherche de l’Hôpital pour en‐ fants de la Colombie-Britan‐ nique.
L’oeuf de poule est aussi hautement vascularisé, ce qui permet à la tumeur de croître rapidement. [L’oeuf] fournit les différents élé‐ ments que la tumeur voit chez le patient, c'est-à-dire qu'elle baigne dans des nutri‐ ments qui lui permettent de se développer, précise Chin‐ ten James Lim.
Le cancer chez les en‐ fants
En 2022, au Canada, 15,7 % des décès chez les enfants et les jeunes âgés de 1 à 14 ans étaient la conséquence d’une tumeur maligne. Selon Statistique Canada, il s’agit de la deuxième cause de décès en importance pour cette ca‐ tégorie d’âge, après les acci‐ dents.
En Colombie-Britannique, environ 130 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez des personnes de moins de 17 ans chaque an‐ née, selon BC Cancer. Les cancers les plus répandus dans la province sont les leu‐ cémies, les cancers du cer‐ veau et les lymphomes.
Les médicaments, principal défi le
Chinten James Lim estime que l'un des plus grands dé‐ fis du traitement contre les cancers infantiles est l'acces‐ sibilité des médicaments.
Les cancers infantiles sont des cancers très rares au sein de la population. [...] On ne dispose donc pas de très nombreuses données pour réaliser des études cliniques de grande envergure, indique le chercheur.
Par conséquent, le nombre de produits théra‐ peutiques approuvés pour les enfants n'est pas le même que pour les cancers des adultes.
Chinten James Lim, pro‐ fesseur adjoint au départe‐ ment de pédiatrie de l'Uni‐ versité de la Colombie-Bri‐ tannique
L’Agence de la santé pu‐ blique du Canada indique que le taux de survie au can‐ cer après cinq ans est de près de 84 % chez les en‐ fants. Chinten James Lim, de son côté, estime que ce taux peut s’améliorer avec des traitements plus précis.
L'oeuf dans la médecine de précision
Chinten James Lim se spé‐ cialise dans l'oncologie de précision, qui consiste à ca‐ ractériser la tumeur ou le cancer d'un patient spéci‐ fique, à comprendre ce qu'il a de différent, ce qui est à l'origine de ce cancer.
Si le processus s'accom‐ pagne d'une analyse géné‐ tique, la tumeur qui grandit dans un oeuf permet d’éva‐ luer le traitement le plus adé‐ quat pour un jeune patient. Il s'agit ensuite d'identifier un médicament, une chimiothé‐ rapie ou un agent spécial particulier que l'on n'a jamais utilisé pour ce cancer et de tester le traitement directe‐ ment sur l’oeuf.
Cela permet de prendre ce type de décision et de ne pas attendre que le médica‐ ment soit administré à un pa‐ tient.
Chinten James Lim, pro‐ fesseur adjoint au départe‐ ment de pédiatrie de l'Uni‐ versité de la Colombie-Bri‐ tannique
La xénogreffe sur oeuf, une technique plus que centenaire
Une xénogreffe est la transplantation de cellules d’un donneur d'une espèce biologique qui diffère de celle du receveur.
Les premières greffes de cellules cancéreuses hu‐ maines sur un embryon de poule ont été décrites au dé‐ but du 20e siècle. Depuis, le modèle de l’oeuf a été utilisé dans de nombreux autres domaines : la bio-ingénierie tissulaire, les biomatériaux, les maladies vasculaires, la pharmacologie et l'infectiolo‐ gie.
Melany Juarez, candidate en doctorat en biologie à l'Institut national de la re‐ cherche scientifique, ex‐ plique que les modèles opti‐ maux en recherche sur le cancer doivent être repro‐ ductibles, efficaces, moins chers, rapides et avec un po‐ tentiel de standardisation. Et avec les xénogreffes sur des oeufs, ça marche très, très bien, dit-elle.
Le défi de la quantité
Les échantillons de tissus cancéreux greffés aux oeufs proviennent principalement de biopsies. Si vous faites une xénogreffe sur une sou‐ ris, par exemple, vous dispo‐ serez de l'ensemble du mor‐ ceau, dit Chinten James Lim.
Il ajoute que le modèle de l'oeuf de poule utilise une proposition réduite de l'échantillon. La difficulté ré‐ side dans la disponibilité d'un nombre suffisant d'échan‐ tillons pour réaliser autant d'études qu’on le souhaite, précise toutefois Chinten James Lim.