Atteintes d’endométriose, elles traversent l'Atlantique pour recevoir des soins
En 2021, la première cli‐ nique spécialisée dans l’en‐ dométriose de l'Atlantique a ouvert à Halifax. Trois ans plus tard, elle reste la seule structure à prendre en charge les patientes de la région. C'est insuffisant pour répondre aux besoins des malades dans les quatre provinces. Faute de mieux, certaines partent se faire soigner à l'étranger.
Victoria Martin habite dans la vallée d’Annapolis et souffre d’endométriose. Elle attend depuis plus de six mois un rendez-vous dans la seule clinique spécialisée si‐ tuée au centre de santé IWK, à Halifax.
Cette maladie gynécolo‐ gique touche environ 10 % des femmes et des per‐ sonnes issues de la diversité de genre. Elle se caractérise par des tissus semblable à l'endomètre, la muqueuse qui se forme dans l'utérus durant le cycle menstruel, qui vont se développer dans d’autres parties du corps. Cela crée des douleurs invali‐ dantes, voire handicapantes.
Attendre, Victoria Martin en a l’habitude. Il aura fallu huit ans pour que le corps médical comprenne de quoi elle souffrait. En moyenne au pays, il faut cinq ans pour ob‐ tenir un diagnostic mais cette errance médicale peut at‐ teindre 20 ans, selon certains organismes.
Avant son diagnostic, quand elle vivait alors en Al‐ berta, elle a dû se rendre plu‐ sieurs fois aux urgences pour de fortes douleurs. J’ai fini par avoir une opération d’ur‐ gence, car on suspectait une septicémie ou un cancer du côlon. Finalement à mon ré‐ veil, ils m’ont dit que j’avais des lésions d’endométriose partout.
Elle souffre d’une endo‐ métriose de stade 4, le plus sévère. Son appareil digestif est gravement touché. Quand elle s'installe en Nou‐ velle-Écosse, en 2016, c’est le désert médical, dit-elle. Au‐ cune clinique spécialisée n'existe à ce moment-là.
Faute de prise en charge dans la province, Victoria Martin choisit de se faire opérer en France, où vit sa famille.
Aujourd’hui, enceinte de son deuxième enfant, elle at‐ tend avec impatience son rendez-vous à Halifax. Je n'ai pas fait d’IRM depuis mon opération [en 2021], donc je sais pas du tout où j'en suis. C’est un peu le néant ici, je ne sais même pas si on va me laisser avoir une IRM, alors qu’en France on m’a dit que je devais en passer tous les quatre mois. C’est alarmant.
Se faire soigner à l'étranger, faute de mieux
Léonore Bailhache, qui vit à Moncton, avait eu un ren‐ dez-vous à la clinique d'Hali‐ fax après six mois d’attente. L’ultrason que j’y ai passé n’avait pas été concluant, ce sont des techniques compli‐ quées et il faut plusieurs an‐ nées pour réussir à déchif‐ frer ces examens.
Finalement, face à la diffi‐ culté de prise en charge en Atlantique, elle se tourne, comme Victoria Martin, vers un spécialiste à l'étranger.
Léonore Bailhache s'est rendu en Roumanie où un médecin a posé un diagnos‐ tic sur ses douleurs qui l'han‐ dicapent depuis près de 15 ans. Elle y a également subi une opération qui réduit for‐ tement l’impact de la maladie sur sa vie.
Je n’avais plus envie d’at‐ tendre plus longtemps et j’ai la chance d’avoir les moyens financiers pour me rendre en Roumanie. En deux mois, j’ai eu un rendez-vous, explique la trentenaire.
Des soins insuffisants
Cette errance médicale et cette lenteur à obtenir des soins sont le quotidien de nombreuses malades.
L’ouverture de la clinique dédiée à l'endométriose en 2021 était une petite lueur d’espoir pour les patientes de l'Atlantique. Mais elle peine à répondre à la demande.
L’an dernier, les médecins ont vu 247 patients, dont en‐ viron 15 % venant de pro‐ vinces voisines. La popula‐ tion de patientes souffrant d’endométriose a longtemps été sous-estimée, confie la Dre Elizabeth Randle, en charge de la clinique.
Il y a sûrement beaucoup de patientes qui souffrent en silence ou qui se sentent dé‐ çues par le système médical. Ici, ils ont l’impression que c’est la première fois qu’ils sont entendus par des méde‐ cins.
Une dizaine de personnes travaillent actuellement dans la clinique et une nouvelle gynécologue est arrivée en août, mais les délais d'at‐ tente sont encore très longs.
À l'heure actuelle, il faut un à deux ans pour avoir une consultation en gynécologie et 12 à 18 mois pour avoir un rendez-vous dans la clinique.
Nous avons besoin d’un fi‐ nancement public plus im‐ portant pour les physiothéra‐ peutes, nous avons besoin de plus d’argent pour finan‐ cer la recherche, et nous avons besoin de financement dans l’assurance maladie pour que les patients ne paient pas des sommes énormes pour des médica‐ ments qui leur permettent d’avoir une qualité de vie rai‐ sonnable, plaide la Dre Eliza‐ beth Randle.