Radio-Canada Info

Des militants climatique­s québécois veulent retrouver l’élan de 2019

- Violette Cantin

Le 15 mars 2019, des cen‐ taines de milliers de jeunes ont marché partout dans le monde pour exiger davan‐ tage d’actions contre les changement­s climatique­s. À Montréal, la manifesta‐ tion avait rassemblé 150 000 personnes, surtout des étudiants. Cinq ans après cette mobilisati­on inédite, comment se porte le mili‐ tantisme climatique au sein de la jeunesse québé‐ coise?

Albert Lalonde évoque avec une émotion évidente la journée du 15 mars 2019. C’était vraiment ce sentiment d’avoir accompli l’impossible de manière collective, ra‐ conte celui qui n’avait que 16 ans à l’époque et qui était coporte-parole de l’organisme Pour le futur Montréal.

L’année 2019 a été faste pour les mobilisati­ons clima‐ tiques : le 27 septembre, près d’un demi-million de per‐ sonnes avaient accompagné la militante suédoise Greta Thunberg dans les rues de Montréal, dans une manifes‐ tation d’une ampleur inéga‐ lée. Le mouvement avait le vent dans les voiles, jusqu’à ce que le cours de l'histoire change en 2020.

La pandémie est venue dissoudre des structures sur les campus, où on avait des milliers de personnes impli‐ quées, se désole Albert La‐ londe, maintenant étudiant en droit à l'université. Ces structures-là, qui permet‐ taient des mobilisati­ons très rapides et à grande échelle, se sont simplement évapo‐ rées, parce que tout s'est dé‐ matérialis­é avec la pandémie et les cours à distance.

Les dommages de pandémie la

Le responsabl­e de la mo‐ bilisation chez Greenpeace Canada, Louis Couillard, abonde dans le même sens. Les mouvements les plus forts, ce sont aussi ceux qui tombent le plus bas, je pense. C'est ce qu'on a vu avec la pandémie. Les cam‐ pus ont fermé, on a arrêté de se réunir.

Nous le rencontron­s au centre-ville de Montréal, alors qu’il prend part à un sitin pour réclamer une en‐ quête du Bureau d'audiences publiques en environnem­ent (BAPE) sur le projet d'usine de batteries de Northvolt en Montérégie. Une foule d'envi‐ ron 200 personnes est réunie; on peut y voir beau‐ coup de familles et de têtes grisonnant­es.

Louis Couillard reconnaît volontiers que les actions en‐ vironnemen­tales actuelles n’ont pas l’envergure de celles de 2019.

Mais dans les coulisses, ça s'organise, précise-t-il. À l’époque, c'était vraiment beau, ce qui se passait. Il y avait des tentatives de s'orga‐ niser, mais c'était un chaos, c'était difficile de retenir les membres, de quantifier si on avançait ou pas. Maintenant, les choses se sont plus pla‐ cées, mais il y a un momen‐ tum qui est à reconstrui­re.

Le 15 mars 2019, Louis Couillard avait 22 ans et il était dans la rue, comme tant de ses camarades. Selon nous, il va y avoir un avant15 mars et un après-15 mars, et ce, au Québec et à travers toute la planète, avait-il dé‐ claré à l’époque.

Aujourd’hui, voici son constat : Il y a encore des gens qui sont très mobilisés, mais il n'y a plus le même buzz, c'est sûr. Il n’y a plus ce momentum-là.

Diversific­ation causes

La mobilisatr­ice de sou‐ tien au sein de l'organisme Mères au front et étudiante à l'Université Concordia, Ashley Torres, croit que la jeunesse est bel et bien mobilisée, mais pour plusieurs causes distinctes.

On vit une précarité en ce moment, note-t-elle. Les étu‐ diants vivent la crise du loge‐ ment, qui s’est vraiment ac‐ centuée depuis la pandémie. Il y a aussi la hausse des frais de scolarité pour les étu‐ diants anglophone­s du Ca‐ nada. Louis Couillard cite pour sa part le génocide en Palestine comme un enjeu qui préoccupe les jeunes.

Il y a beaucoup de luttes, ça fait en sorte qu'on est un peu plus divisés. Mais l'éner‐ gie est encore là, croit Ashley Torres.

Au sein de l’organisme En‐ vironnemen­t Jeunesse, qui conscienti­se les jeunes aux enjeux environnem­entaux, on remarque que plusieurs d’entre eux vivent leur mili‐ tantisme climatique à travers des actions très concrètes.

Comme mettre sur pied un frigo solidaire dans son cégep, par exemple, ou un espace de partage dans le‐ quel on peut emmener des denrées, explique sa direc‐ trice générale, Sarah-Kathe‐ rine Lutz.

Elle estime que la conjonctur­e économique peut limiter l’implicatio­n de certains. Les loyers coûtent plus cher, l’épicerie coûte plus cher. [...] Les jeunes nous le rapportent claire‐ ment : ils doivent travailler plus, ce qui fait que leur temps disponible pour s'im‐ pliquer diminue.

Une « pluralité moyens » à l'oeuvre de

Des mobilisati­ons d’enver‐ gure pour l’environnem­ent ont tout de même eu lieu de‐ puis la pandémie : à l’au‐ tomne 2021, plus de 100 000 étudiants québécois ont fait la grève des cours pour le cli‐ mat.

Il faut voir ces manifesta‐ tions comme un élément parmi un ensemble de moyens, rappelle le profes‐ seur Oumar Kane, du Dépar‐ tement de communicat­ion sociale et publique de l'Uni‐ versité du Québec à Mon‐ tréal.

Il constate notamment que des organismes sont ac‐ tivement mobilisés pour faire des plaidoyers environne‐ mentaux auprès des gouver‐ nements ou dans les écoles.

Je ne pense pas qu'il faille regarder 2022 ou 2023, se rendre compte qu'il n'y a pas eu autant de monde qu'en 2019, et se dire que c'est donc un échec. Il y a une plu‐ ralité de moyens qui sont mis en oeuvre par ces organisa‐ tions qui sont très actives.

Et il croit que le Québec pourrait être témoin de nou‐ velles manifestat­ions clima‐ tiques d'envergure... avant longtemps.

Nous allons avoir une conjonctur­e, un moment plus favorable dans deux, trois ou cinq ans. Et à ce moment-là, nous allons avoir quelque chose d'une envergure extrê‐ mement importante… Mais on ne peut pas s'attendre à avoir ça chaque année.

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