Radio-Canada Info

Le leader démocrate du Sénat américain plaide pour des élections en Israël

- Sophie-Hélène Lebeuf

Le leader de la majorité dé‐ mocrate au Sénat, Chuck Schumer, a attaqué le pre‐ mier ministre israélien, Be‐ nyamin Nétanyahou, dans des termes très durs, le présentant comme un des plus grands « obstacles à la paix » au Moyen-Orient.

Dans un discours pro‐ noncé au Sénat jeudi, il a montré du doigt à la fois le Hamas et les Palestinie­ns qui soutiennen­t ce mouvement islamiste, le président de l'Autorité palestinie­nne, Mah‐ moud Abbas, les Israéliens de la droite radicale ainsi que le premier ministre Nétanya‐ hou, qu'il a désignés comme les quatre principaux obs‐ tacles à la paix dans la ré‐ gion.

M. Schumer, l'élu de reli‐ gion juive le plus haut placé dans la hiérarchie politique américaine - et un allié fidèle d'Israël -, a déclaré que le premier ministre Nétanya‐ hou s'était égaré, laissant sa survie politique passer avant l'intérêt supérieur d'Israël.

Après cinq mois de guerre dans la bande de Gaza à la suite de l'attaque du Hamas en territoire israélien, le 7 oc‐ tobre dernier, le gouverne‐ ment de M. Nétanyahou ne répond plus aux besoins d'Is‐ raël, a-t-il dit.

En tant que démocratie, Israël a le droit de choisir ses propres dirigeants [...]. Mais l'important, c'est que les Is‐ raéliens aient le choix. Il faut un nouveau débat sur l'ave‐ nir d'Israël [...]. À mon avis, la meilleure façon d'y parvenir est d'organiser des élections, a-t-il déclaré.

[Benyamin Nétanyahou] a été trop enclin à tolérer le nombre de victimes civiles à Gaza, ce qui amène le sou‐ tien à Israël dans le monde entier à des niveaux histori‐ quement bas. Israël ne peut pas survivre s'il devient un paria.

Chuck Schumer, leader de la majorité démocrate au Sé‐ nat

M. Schumer a aussi ap‐ pelé à la démission du pré‐ sident de l'Autorité palesti‐ nienne, Mahmoud Abbas, qu'il a qualifié de mauvais di‐ rigeant.

Le leader de la minorité républicai­ne au Sénat, Mitch McConnell, a répliqué au dis‐ cours de son vis-à-vis démo‐ crate en critiquant une sortie sans précédent.

Il est grotesque et hypo‐ crite que des personnes qui font de l'hyperventi­lation au sujet de l'ingérence étran‐ gère dans notre propre dé‐ mocratie lancent un appel à la destitutio­n du dirigeant démocratiq­uement élu d'Is‐ raël, a-t-il lancé.

Le Parti démocrate n'a pas de problème anti-Bibi, at-il ajouté en référence au surnom du premier ministre Nétanyahou. Il a un pro‐ blème anti-israélien.

Le discours de M. Schu‐ mer a offert un contraste frappant avec l'attitude du Parti républicai­n. Mercredi, les sénateurs républicai­ns ont invité Benyamin Néta‐ nyahou à prendre la parole lors d'une rencontre de leur formation, mais il n'a pas pu y prendre part en raison d'un conflit d'horaire.

C'était la deuxième fois que M. Schumer prenait la parole dans l'enceinte du Sé‐ nat au sujet de la guerre qui a éclaté il y a cinq mois. En novembre dernier, il avait dé‐ noncé la montée de l'antisé‐ mitisme après l'offensive mi‐ litaire israélienn­e.

Selon un sondage Asso‐ ciated Press-NORC publié le mois dernier, 50 % des Amé‐ ricains estiment que la ri‐ poste israélienn­e est allée trop loin.

L'administra­tion Biden prend ses distances

Le porte-parole de la Mai‐ son-Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, a indi‐ qué que M. Schumer avait in‐ formé la Maison-Blanche à l'avance de ce discours mais que celle-ci n'avait ni donné son approbatio­n ni désap‐ prouvé le discours, pas plus qu'elle ne l'avait modifié de quelque façon que ce soit.

Interrogé sur l'organisa‐ tion d'élections après la guerre, il a répondu que c'est une décision qui appartient aux Israéliens.

Le départemen­t d'État a lui aussi insisté sur l'indépen‐ dance des diverses branches du gouverneme­nt.

Il s'agit de déclaratio­ns faites par le sénateur Schu‐ mer, pas par l'administra­tion Biden, a déclaré le porte-pa‐ role du départemen­t d'État, Matthew Miller, en assurant que le leader démocrate n'avait pas relayé des propos tenus en privé par des membres de l'administra­tion Biden.

Écoutez, il y a un certain nombre de choses que nous voudrions voir Israël faire dif‐ féremment, a-t-il cependant concédé. Je l'ai dit à plusieurs reprises sur cette tribune et nous l'avons dit très claire‐ ment lors de conversati­ons directes avec le premier mi‐ nistre [Nétanyahou].

Le président Joe Biden a à plus d'une reprise exprimé publiqueme­nt sa frustratio­n face à Benyamin Nétanya‐ hou, dénonçant entre autres le mois dernier une riposte excessive.

Il a récemment dit estimer que M. Nétanyahou fait plus de mal que de bien à Israël, avertissan­t que ce pays risque de perdre le soutien de la communauté interna‐ tionale. Il n'est cependant pas allé jusqu'à réclamer le départ du premier ministre israélien.

Schumer rabroué

Sans surprise, le chef de file démocrate du Sénat a été rappelé à l'ordre par des poli‐ ticiens israéliens.

Nous attendons de la plus grande démocratie du monde qu'elle respecte la dé‐ mocratie israélienn­e, a réagi le ministre des Finances, Be‐ zalel Smotrich, un politicien d'extrême droite qui, l'an der‐ nier, a nié l'existence des Pa‐ lestiniens comme individus et comme peuple.

Le parti de M. Nétanya‐ hou, le Likoud, a pour sa part dit s'attendre à ce que le sé‐ nateur Schumer respecte le gouverneme­nt élu d'Israël et ne l'affaibliss­e pas.

Contrairem­ent aux pro‐ pos de M. Schumer, le public israélien soutient une victoire totale sur le Hamas, rejette tout diktat internatio­nal vi‐ sant à établir un État palesti‐ nien terroriste et s'oppose au retour de l'Autorité palesti‐ nienne à Gaza, a affirmé cette formation dans un communiqué.

La popularité du premier ministre Nétanyahou a chuté au cours des derniers mois. Un sondage mené en Israël en début d'année stipulait que seuls 15 % des électeurs souhaitaie­nt que Benyamin Nétanyahou reste en poste après la guerre, même si une majorité est en faveur de la guerre.

En Israël, certains l'ac‐ cusent de vouloir poursuivre la guerre dans la bande de Gaza le plus longtemps pos‐ sible afin de se maintenir au pouvoir.

Frustratio­n croissante dans les rangs démocrates

Plusieurs élus démo‐ crates, en majeure partie de l'aile gauche de la formation, ont critiqué l'intensité de la riposte militaire israélienn­e dans la bande de Gaza après l'attaque du Hamas du 7 oc‐ tobre, mais aucun démocrate de haut niveau n'avait jus‐ qu'ici livré une critique aussi cinglante que celle du séna‐ teur Schumer.

Cette semaine, huit séna‐ teurs démocrates, dont ne

fait pas partie M. Schumer, ont indiqué qu'ils s'oppose‐ raient à une aide américaine à Israël si ce pays n'autorisait pas l'entrée de l'aide humani‐ taire dans la bande de Gaza.

À mesure que le nombre de victimes civiles palesti‐ niennes a augmenté dans le conflit entre Israël et le Ha‐ mas, le président Biden a vu son soutien s'éroder parmi Américains musulmans ou d'origine arabe ainsi qu'au sein de l'aile progressis­te de sa formation. Cette situation envoie des signaux d'alarme pour la présidenti­elle de no‐ vembre.

Ce mouvement de contes‐ tation concernant le rôle du président Biden dans la crise à Gaza s'est exprimé, par exemple, lors de la primaire démocrate au Michigan, pen‐ dant laquelle plus de 100 000 électeurs ont voté non en‐ gagé, l'équivalent d'un vote blanc.

Le groupe Listen to Michi‐ gan avait encouragé ce vote de protestati­on contre M. Bi‐ den pour livrer un message puissant et sans équivoque, selon lequel le financemen­t et le soutien de la guerre à

Gaza sont en contradict­ion avec les valeurs du Parti dé‐ mocrate. Il réclame entre autres un cessez-le-feu im‐ médiat.

La directrice de cette cam‐ pagne, Layla Elabed, a d'ailleurs accueilli froidement le haussement de ton du lea‐ der de la majorité démocrate au Sénat.

Le sénateur Schumer commence à changer d'atti‐ tude, mais beaucoup trop lentement et avec peu de substance quant aux actions que M. Biden peut entre‐ prendre maintenant pour mettre fin au nombre scan‐ daleux de morts civiles à Gaza, a-t-elle réagi, citée par le New York Times.

La guerre a été déclen‐ chée le 7 octobre par une at‐ taque sans précédent menée dans le sud d’Israël par des commandos du Hamas infil‐ trés à partir de Gaza. L'at‐ taque a fait environ 1200 morts, pour la plupart des ci‐ vils.

Les militants ont égale‐ ment pris environ 250 otages, dont des dizaines ont été libérés lors d'une trêve d'une semaine en novembre. Israël estime qu'il reste envi‐ ron 130 captifs à Gaza, dont 32 sont présumés morts.

L'offensive israélienn­e dé‐ clenchée en représaill­es a jusqu’à présent fait plus de 30 000 morts dans la bande de Gaza, en majorité des ci‐ vils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Selon l'agence des Na‐ tions unies pour les réfugiés palestinie­ns (UNRWA), plus d'enfants ont été tués dans la bande de Gaza en quatre mois de guerre qu'en quatre ans de conflits dans le monde entier.

L’avocate reconnaît que la procédure peut être frus‐ trante.

On ne peut jamais parler à personne. Il faut naviguer sur des pages web contenant des informatio­ns qui ne sont pas exactes. C'est vraiment, vraiment difficile.

Avec les informatio­ns de Sam Konnert de CBC News

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada