Délais en immigration : la longue attente d’une patiente atteinte d’un cancer en Outaouais
Chaque jour, la résidente de l'Outaouais, Maria Fer‐ nanda Maxil Platas, attend patiemment que les ser‐ vices de l'immigration lui annoncent qu'elle sera dé‐ finitivement réunie avec ses parents au Canada. À des milliers de kilomètres de là, tout près de la ville de Mexico, ses parents font de même.
Mme Maxil Platas est seule au Canada. Et après trois ans d'attente - et un ré‐ cent diagnostic de cancer du sein - sa frustration ne cesse d’augmenter.
Fille unique, la femme de 36 ans explique que ses pa‐ rents comptent sur elle pour les aider à vieillir, comme ils l'ont aidée à son tour pen‐ dant son traitement contre le cancer. Dans cette famille, la prise en charge va dans les deux sens.
Le fait d'avoir quelqu'un à la maison qui s'occupe de vous fait la différence. Ça me permettrait de poursuivre mon rétablissement sereine‐ ment.
Installée à Montréal en 2010 pour poursuivre ses études, elle est finalement devenue citoyenne cana‐ dienne en 2018, avant de s'installer en Outaouais.
En 2021, elle a entamé le processus de parrainage de ses parents par le biais d'un programme du gouverne‐ ment fédéral. Malgré la ré‐ ponse d'Immigration, Réfu‐ giés et Citoyenneté Canada (IRCC) quelques mois plus tard, elle est aujourd’hui dans le flou le plus complet.
Ce n'est qu'après avoir contacté son député et CBC en février qu’elle a finale‐ ment reçu une mise à jour. On lui a alors fait savoir qu'il lui faudrait jusqu'à 50 mois pour faire venir ses parents au Canada.
Si nous disons que nous sommes une nation ac‐ cueillante pour les nouveaux arrivants, le système doit être amélioré, juge-t-elle. Les procédures d'immigration doivent être humaines.
Interrogé sur cette affaire, IRCC n'a pas fourni d'autres détails à CBC que l'estimation du délai déjà fournie.
Les personnes âgées tout en bas de l'échelle
Mme Maxil Platas n'est pas la seule personne dans cette situation. Selon les der‐ nières données d'IRCC, près d'un million de demandes d'immigration sont en at‐ tente :
570 900 demandes de ré‐ sidence permanente, 309 300 demandes de résidence temporaire, 49 800 de‐ mandes de citoyenneté.
Le délai de traitement ty‐ pique dans le cadre du pro‐ gramme de parrainage de parents et de grands-parents d'IRCC est de 26 mois dans le reste du Canada, mais au Québec, il atteint 51 mois.
Avocate spécialisée en droit de l'immigration à Ot‐ tawa, Betsy Kane juge ce temps d'attente déraison‐ nable.
Que diriez-vous si vous vouliez faire venir votre conjoint et que vous vous trouviez dans cette file d'at‐ tente? questionne Mme Kane.
Les cas comme celui de Mme Maxil Platas sont jugés moins prioritaires que ceux des immigrants écono‐ miques, y compris les tra‐ vailleurs et les étudiants étrangers, selon l’avocate.
D’une certaine manière, les personnes âgées sont au bas de l'échelle parce qu'elles ne sont pas essentielles au bon fonctionnement de l'éco‐ nomie. C'est la raison pour laquelle les délais de traite‐ ment sont si longs.
Le député de Mme Maxil Platas, Greg Fergus, a indiqué à CBC qu'il ne pouvait pas di‐ vulguer de détails spécifiques sur les dossiers d'IRCC pour des raisons de confidentia‐ lité.
C'est avec tristesse que j'ai appris les difficultés aux‐ quelles elle et sa famille sont confrontées, a-t-il toutefois réagi dans une déclaration écrite. Malheureusement, les députés n'ont qu'un pouvoir limité pour intervenir dans ces processus.
Des critiques envers les nouvelles exigences en ma‐ tière de visa
En attendant que leur dossier d'immigration évolue, les parents de Mme Maxil Platas peuvent toujours venir voir leur fille en qualité de touristes. Mais là aussi, la procédure est devenue plus compliquée.
À la fin du mois dernier, le gouvernement fédéral a réta‐ bli l'obligation de visa pour les ressortissants mexicains qui se rendent au Canada.
Le gouvernement conser‐ vateur avait imposé une obli‐ gation similaire au Mexique en 2009, afin d'endiguer le flux de demandes d'asile, avait-il justifié. Le gouverne‐ ment libéral de Justin Tru‐ deau avait assoupli cette me‐ sure en 2016.
Selon les autorités fronta‐ lières américaines, certains ressortissants mexicains utili‐ saient la règle canadienne d'exemption de visa pour en‐ trer dans le pays par avion et traverser ensuite illégale‐ ment vers les États-Unis par la voie terrestre.
Le Québec poussait les autorités fédérales à réimpo‐ ser un visa parce que la pro‐ vince était confrontée à un nombre sans précédent de demandes, a expliqué Mme Kane. Si vous accueilliez vos parents ou vos grands-pa‐ rents en visite le mois der‐ nier, vous n'aviez pas besoin de visa. Maintenant, ils ne peuvent pas venir sans pas‐ ser par le consulat canadien au Mexique. Il s'agit d'une couche supplémentaire de bureaucratie.
Mme Kane suggère de de‐ mander un super visa, qui permet de rendre visite à ses enfants ou petits-enfants pendant une période pou‐ vant aller jusqu'à cinq ans. Certains ont toutefois criti‐ qué ce programme, le ju‐ geant coûteux et restrictif.