Le spectre de compressions aux ministères dédiés aux Autochtones soulève l’inquiétude
Services aux Autochtones Canada (SAC) et le minis‐ tère des Relations Cou‐ ronne-Autochtones de‐ vront faire des compres‐ sions combinées s’élevant à 417 millions de dollars d’ici les trois prochaines années pour atteindre les cibles de réduction des dépenses fixées par Ottawa pour l’ensemble des départe‐ ments fédéraux. Or, à envi‐ ron un mois du prochain budget, ces coupes font craindre une diminution des services aux peuples autochtones.
Les questions sont d’au‐ tant plus importantes du fait que le financement annuel dans certains domaines cru‐ ciaux - infrastructures, ser‐ vices à l’enfance et à la fa‐ mille, santé - arrive à échéance.
Selon les plans déposés par les deux ministères dans le dernier mois, ce sont prin‐ cipalement la bureaucratie, les déplacements et les dé‐ penses liées aux firmes de consultants qui passeront au couperet. Certaines subven‐ tions et contributions pour‐ raient cependant être élimi‐ nées ou réduites.
Ce n’est pas de la réconci‐ liation, a martelé dans une déclaration écrite la grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Cathy Merrick. Elle dénonce des compressions inacceptables dans un contexte où les Pre‐ mières Nations sont souvent dans un état d’urgence.
Couper le financement fé‐ déral alors que beaucoup de Premières Nations ont déjà de la difficulté à combler des besoins de base est irrespon‐ sable et moralement répré‐ hensible.
Cathy Merrick, grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba
La pression est considé‐ rable pour le gouvernement fédéral. D'une part, il doit dé‐ cider quels programmes re‐ nouveler dans un contexte à la fois de réductions budgé‐ taires, mais aussi d’appels à bonifier le financement d’autres domaines comme l’assurance médicaments ou la défense.
D'autre part, le Canada s’expose aussi à des consé‐ quences légales s’il n’investit pas suffisamment dans les services à la famille ou pour le principe de Jordan, pro‐ gramme qui garantit aux en‐ fants autochtones un accès immédiat à des services de santé et de services sociaux, selon le communiqué de la cheffe Merrick.
Le plan ministériel 20242025 de SAC indique toute‐ fois que l’implantation du principe de Jordan demeure l’une de ses grandes priori‐ tés.
Les services ne seront pas touchés, dit Ottawa
Cathy Merrick - dont l’or‐ ganisation milite pour 62 communautés - a pressé les ministres Gary Anandasanga‐ ree et Patty Hajdu, à la tête des Relations Couronnes-Au‐ tochtones et de SAC, respec‐ tivement, de fournir plus de détails sur les compressions et sur la reddition de comptes pour leurs répercus‐ sions
La ministre Hajdu a déjà indiqué par le passé qu’il n’y aurait aucun effet sur les ser‐ vices directs à la population, ce qui a soulevé un certain scepticisme.
Nous nous sommes enga‐ gés à ne couper aucun ser‐ vice, et c’est ce que nous maintenons, a réitéré par écrit une porte-parole du bu‐ reau de la ministre. Nous ci‐ blons les inefficacités, les dé‐ placements des fonction‐ naires et une transformation départementale. Nous tra‐ vaillerons aussi de concert avec nos partenaires autoch‐ tones pour identifier com‐ ment optimiser des subven‐ tions qui ne sont pas pleine‐ ment utilisées.
C’est une promesse ab‐ surde pour la députée néodémocrate Niki Ashton, puisque les programmes sont déjà sous-financés et débordés.
C’est absolument impos‐ sible que des compressions de près d’un demi-milliard de dollars dans les services aux Autochtones n’affectent pas les services de première ligne [...] Je pense que c’est très in‐ quiétant que les libéraux dé‐ pensent de l’énergie pour tenter de nous convaincre de ça.
Niki Ashton, députée de Churchill-Keewatinook Aski
Un écart de 425 G$ dans les infrastructures
En parallèle de ces objec‐ tifs de rigueur budgétaire, le gouvernement libéral veut maintenir son engagement de combler l’écart d’infra‐ structures entre les commu‐ nautés autochtones (Pre‐ mières Nations et Inuit) et le reste de la population d’ici 2030.
Atteindre cette cible, qui est chère à beaucoup de Pre‐ mières Nations, pourrait coû‐ ter près de 425 milliards de dollars : l’Assemblée des Pre‐ mières Nations évalue à 329,2 milliards de dollars les besoins dans les communau‐ tés tandis que l’Inuit Tapiriit Kanatami estime que le rat‐ trapage dans les communau‐ tés du Nord à 75,1 milliards de dollars.
Le directeur parlemen‐ taire du budget, Yves Giroux, croit que le gouvernement pourrait maintenir son finan‐ cement des dossiers et des services aux Autochtones s’il emprunte davantage, qu’il ré‐ duit ses dépenses ailleurs ou par la taxation. C’est toute‐ fois plus facile à dire qu’à faire, note-t-il, d’autant plus qu’Ottawa fait face à de la pression d’ailleurs.
La dette publique fédérale devrait atteindre 46,5 mil‐ liards de dollars pour l’année 2024-2025, rapportait M. Gi‐ roux plus tôt ce mois-ci. Concrètement, le Canada pourrait devoir payer plus de deux fois le budget de 20,9 milliards de dollars demandé par SAC seulement en inté‐ rêts sur ses prêts.
Il y a très peu de marge de manoeuvre, souligne Yves Giroux.
D'après les informations de Brett Forester, de CBC In‐ digenous