Le New York Times s’attaque aux clones de Wordle… à quel prix?
Depuis le début de l’année, le quotidien américain The New York Times a de‐ mandé à une centaine de sites - dont un en langue autochtone - de débran‐ cher leur variante du popu‐ laire jeu de lettres Wordle, invoquant des violations de droits d’auteur.
Le New York Times (NYT) a acheté Wordle en janvier 2022 à son créateur, Josh Wardle, un ingénieur infor‐ matique américain qui sou‐ haitait divertir ses proches pendant les confinements liés à la COVID-19.
Le jeu, un casse-tête quo‐ tidien dont l’objectif est de trouver un mot de cinq lettres en un maximum de six essais, est devenu viral aussitôt publié. Si bien qu’il a inspiré nombre de gens à créer leur propre version en différentes langues, de l’hé‐ breu au cantonais, en pas‐ sant par le gitxsanimx, une langue autochtone, et le fran‐ çais.
C’est le cas du dévelop‐ peur web français Louan Bengmah, qui a créé en 2021 Le mot, après un défi lancé par ses proches qui souhai‐ taient y jouer dans la langue de Molière. Le mot est aussi le nom qu’a donné le quoti‐ dien québécois La Presse à son jeu de lettres quasi iden‐ tique, inauguré en sep‐ tembre 2023. Les deux ne sont toutefois pas liés.
Des clones voués à dis‐ paraître?
Ces versions du jeu, ou‐ vertement inspirées de Wordle, sont toutefois mena‐ cées : le New York Times a commencé à sévir contre une centaine de ces sites, plai‐ dant une violation des droits d’auteur.
Le média américain est notamment propriétaire de la marque Wordle et de sa mécanique de jeu, dont la mise en page des tuiles en rangées de cinq par six et l’assortiment de couleurs gris, jaune et vert.
Si tu reprends la grille exacte de Wordle, le même code de couleurs, les mêmes explications du jeu et que tu mentionnes Wordle, c’est dangereux.
Thomas Burelli, profes‐ seur de droit au Départe‐ ment de droit civil de l’Uni‐ versité d’Ottawa
Selon le site spécialisé 404 Media, le premier à avoir rap‐ porté la nouvelle, deux de‐ mandes de retrait ont été émises en janvier contre des versions non officielles du jeu en coréen et en bos‐ niaque. Au début de mars, une nouvelle demande a été acheminée au jeu Wirdle, en shetland, un dialecte écos‐ sais menacé.
Le nerf de la guerre est toutefois Reactle, ce clone de Wordle créé avant le rachat du jeu par le NYT, dont le programme est offert en ac‐ cès libre sur le site GitHub. Son code a été copié près de 2000 fois, selon les données de GitHub, permettant la naissance de nombreux déri‐ vés du jeu de lettres. Reactle a depuis été débranché.
Au Canada, le linguiste et développeur Aidan Pine, créateur du jeu Not Wordle : Gitksan, qui met en valeur le gitxsanimx, une langue au‐ tochtone parlée en Colom‐ bie-Britannique, affirme avoir reçu un avis. J'ai apporté quelques modifications au code et je l'ai soumis à Gi‐ tHub pour un examen, mais je n'ai pas encore reçu de ré‐ ponse à ce sujet, mentionnet-il.
Je serais extrêmement dé‐ çu, et de nombreuses per‐ sonnes de la communauté mondiale de revitalisation des langues aussi, si le NYT décidait d'exercer son droit d'auteur en interdisant les jeux à but non lucratif en langues autochtones, sans proposer de solutions de re‐ change.
Aidan Pine
Le [New York] Times a in‐ tenté une action contre un utilisateur de GitHub et d'autres personnes qui ont partagé son code pour dé‐ fendre ses droits de pro‐ priété intellectuelle de Wordle, a expliqué à RadioCanada Jordan Cohen, direc‐ teur des communications du New York Times.
L'utilisateur de GitHub a créé un projet de clone de Wordle qui expliquait aux autres comment créer une version contrefaite du jeu, comportant de nombreux éléments protégés par le droit d'auteur.
Jordan Cohen, directeur des communications du New York Times
En conséquence, des cen‐ taines de sites web ont com‐ mencé à apparaître avec des jeux contrefaits qui utilisent la marque Wordle sans auto‐ risation ou permission. Gi‐ tHub a offert à l'utilisateur la possibilité de modifier son code et de supprimer les ré‐ férences à Wordle, mais il a refusé, a ajouté le porte-pa‐ role par courriel.
Le NYT affirme ne pas voir d'inconvénient à ce que des personnes créent des jeux de mots semblables qui n'en‐ freignent pas les marques déposées Wordle du [New York]Times ou les droits d'au‐