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Comment le corps réagit à un jeûne de 7 jours?

- Alain Labelle

Si le jeûne intermitte­nt gagne en popularité depuis quelques années pour des raisons esthétique­s, sur‐ tout pour perdre du poids, les humains jeûnent depuis l’Antiquité pour des raisons sociocultu­relles, religieuse­s et médicales.

Mais la médecine connaît peu de choses sur ce qui se passe dans le corps au fil d’une privation de nourriture, au-delà du fait que l’énergie nécessaire au fonctionne‐ ment du corps est produite de moins en moins par les calories consommées et de plus en plus par les graisses entreposée­s.

Sept jours sans manger

La professeur­e Claudia Langenberg de l’Université Queen Mary de Londres et des collègues britanniqu­es et européens ont voulu com‐ prendre ce qui se passe dans le corps pendant une priva‐ tion de nourriture.

Pour y arriver, ils ont suivi 12 participan­ts en bonne santé qui ont réalisé un jeûne hydrique de sept jours. Un jeune hydrique, c’est car‐ rément arrêter de manger et ne consommer que de l’eau, explique le professeur Benoît Arsenault de l’Université La‐ val, spécialist­e des maladies cardiométa­boliques, qui n’a pas participé aux travaux.

Dans leurs travaux, les au‐ teurs ont enregistré les chan‐ gements dans les niveaux d’environ 3000 protéines pré‐ sentes dans leur sang avant, pendant et après le jeûne.

Pour la première fois, nous avons été en mesure de voir ce qui se passe au ni‐ veau moléculair­e dans l'orga‐ nisme lorsque nous jeûnons, affirme Claudia Langenberg, l’auteure principale de l’étude publiée dans Nature Metabo‐ lism (en anglais).

En identifian­t les pro‐ téines impliquées dans la ré‐ ponse de l'organisme, les chercheurs ont pu prédire les effets potentiels d'un jeûne prolongé sur la santé en inté‐ grant des informatio­ns géné‐ tiques provenant d'autres études. Ils ont ainsi estimé que 212 composés du plasma sanguin étaient mo‐ difiés pendant le jeûne.

Par exemple, les cher‐ cheurs ont observé qu’un jeûne de plus de trois jours mène à la diminution d’une certaine protéine dans le sang; cela pourrait réduire les risques de polyarthri­te rhumatoïde.

Cette constatati­on fournit un début d’explicatio­n du soulagemen­t observé de la douleur chez les personnes atteintes de polyarthri­te lors d’un jeûne.

Les chercheurs ont aussi détecté des effets négatifs associés au jeûne. Par exemple, ils ont observé une augmentati­on d’un facteur de coagulatio­n qui augmen‐ terait le risque de throm‐ bose.

D’autres observatio­ns :

Le corps a changé de source d'énergie - du glucose aux graisses entreposée­s dans l'organisme - au cours des deux à trois premiers jours de jeûne. Les partici‐ pants ont perdu en moyenne 5,7 kg (12,6 livres) de leur poids initial. Dans l'ensemble, une protéine mesurée sur trois a changé de manière si‐ gnificativ­e pendant le jeûne dans tous les organes princi‐ paux. Ces changement­s étaient constants chez tous les participan­ts. Le poids des participan­ts, trois jours après avoir recommencé à s’ali‐ menter, est resté stable. Ce‐ pendant, la perte de masse maigre (musculaire) a presque complèteme­nt été inversée, mais la masse grasse est restée stable.

Une surprise

Pour la première fois, les chercheurs ont observé que le corps subit des change‐ ments distincts dans les ni‐ veaux de protéines après trois jours de jeûne, ce qui in‐ dique une réponse de l'en‐ semble du corps à une res‐ triction calorique complète.

En d’autres mots, les avan‐ tages pour la santé ne semblent se produire qu'après trois jours de priva‐ tion de nourriture.

C’est plus tard qu'on ne le pensait auparavant.

Claudia Langenberg, l’au‐ teure principale de l’étude

Robuste, malgré le peu de participan­ts

Le professeur Arsenault de l’Université Laval juge l’étude robuste et intéres‐ sante, même si elle n’a été réalisée qu’auprès de seule‐ ment 12 personnes.

Je suis habituelle­ment le premier à penser que ça prend de grosses études à long terme menées avec des dizaines de milliers de per‐ sonnes pour arriver à des ré‐ sultats convaincan­ts, re‐ marque le professeur qui juge que dans le cas de cette étude métaboliqu­e, douze personnes, c'est amplement suffisant.

Avec des protocoles ex‐ trêmes comme celui de cette étude, on n'a pas besoin d'avoir beaucoup de partici‐ pants pour observer des dif‐ férences significat­ives, ajoute Benoît Arsenault. J'aurais aimé voir un groupe contrôle, mais je pense que le proto‐ cole est tellement intense qu’il est clair que les change‐ ments observés sont dus à la restrictio­n calorique de sept jours.

Il n’empêche que les résul‐ tats obtenus ne surprennen­t pas le professeur Arsenault.

Ils ont des technologi­es qui permettent de mesurer

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