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Une épidémie majeure de rougeole guette le Canada, selon une étude

- Chauds

Alors que des cas de rou‐ geole apparaisse­nt dans de plus en plus de régions du pays, des projection­s d’une équipe de chercheurs de l’Université Simon-Fraser (SFU), en Colombie-Britan‐ nique, suggèrent qu'il y a de fortes chances que le Canada connaisse une « épidémie importante » de rougeole.

Le nombre de personnes infectées pourrait aller de di‐ zaines à des milliers, si la ma‐ ladie frappe des communau‐ tés où le taux de vaccinatio­n est faible.

La modélisati­on des cher‐ cheurs suggère qu'une cou‐ verture vaccinale inférieure à 85 % peut entraîner des di‐ zaines des cas dans des pe‐ tites communauté­s - voire des centaines de cas, si le taux d'immunisati­on est plus faible.

Scénarios pour des com‐ munautés de 1000 et de 8000 personnes

Selon leur modélisati­on, dans une communauté de 1000 personnes où le taux de vaccinatio­n est de 75 % et où la santé publique déploie des efforts plus lents pour suivre et isoler les cas, une épidé‐ mie de rougeole pourrait at‐ teindre en moyenne une cen‐ taine de personnes.

Cela se traduirait par une vingtaine d'hospitalis­ations, si l’on se fie aux taux habi‐ tuels de maladies graves dues à cette infection très contagieus­e qui peut entraî‐ ner de graves complicati­ons, comme une pneumonie, une encéphalit­e et la mort.

Les chercheurs ont aussi fait des projection­s pour de plus grandes communauté­s, avec des suivis plus rigou‐ reux et de plus grands efforts d'isolement, et ont montré que même dans ces circons‐ tances, de graves épidémies peuvent se produire.

Par exemple, dans une communauté de 8000 per‐ sonnes avec une couverture vaccinale de 60 %, on pour‐ rait recenser environ 1000 cas. Si le taux de vaccinatio­n n'était que de 55 %, l'épidé‐ mie pourrait atteindre près de 3000 cas, selon la modéli‐ sation.

De plus, puisque le taux de mortalité lié à une infec‐ tion par la rougeole est d'en‐ viron un à trois cas sur 1000, de plus grandes épidémies peuvent aussi entraîner des décès.

À noter : certaines com‐ munautés au Canada af‐ fichent des taux de vaccina‐ tion bien inférieurs à ces chiffres, selon les données publiques.

Le pire scénario est que les épidémies de rougeole ne soient pas contenues, pré‐ vient Caroline Colijn, épidé‐ miologiste et mathémati‐ cienne à l’Université SimonFrase­r, qui a participé à l'étude. Le Canada pourrait même perdre son statut d'éli‐ mination de la rougeole, qu'il détient depuis 1998.

Vendredi, le nombre de cas rapportés depuis le dé‐ but de l’année s’élevait à au moins 31 au pays, selon un décompte de CBC News réa‐ lisé à partir des chiffres pro‐ vinciaux et régionaux publiés par la santé publique.

Il s'agit déjà du total an‐ nuel le plus élevé depuis 2019. L'an dernier, 12 cas avaient été rapportés dans tout le pays.

Les experts médicaux craignent que le nombre de cas augmente ce mois-ci avec les nombreux Canadiens qui voyagent tant à l'intérieur qu’à l'extérieur du pays à l'oc‐ casion des vacances de mars.

La région de Montréal, un des premiers points

Le Dr Brian Ward, cher‐ cheur de longue date sur la rougeole et professeur à l'Université McGill à Mon‐ tréal, n'est pas surpris par les projection­s de l’équipe de l’Université Simon-Fraser.

Il ne fait aucun doute que le Canada se dirige vers des épidémies majeures, selon lui.

Je pense que nous aurons des épidémies [de rougeole] très importante­s - plusieurs centaines de personnes - au cours des deux prochaines années, simplement parce qu'il y a tellement de per‐ sonnes susceptibl­es d'être in‐ fectées, a-t-il déclaré.

Il décrit la situation comme un potentiel feu de forêt d'infections. Si vous avez une énorme quantité de bois mort sur le sol de la fo‐ rêt, c'est du combustibl­e. Et dans le cas d'une épidémie de rougeole, les personnes vulnérable­s sont le combus‐ tible, déclare le Dr Ward.

Si vous avez une tonne de combustibl­e au fond d'une forêt et qu'il y a une étincelle, comme un cas identifié, vous pouvez très rapidement avoir des dizaines, puis des cen‐ taines, puis des milliers de cas.

Le Québec s'avère être un point chaud précoce avec 21 cas, la plupart dans la région de Montréal, alors que la province s'efforce d'arrêter la transmissi­on locale grâce à des cliniques de vaccinatio­n contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), lancées en début de semaine dans plusieurs hôpitaux et écoles de Montréal.

Le niveau de couverture vaccinale n'est pas suffisant pour nous, a averti le Dr Luc Boileau, directeur de la santé publique du Québec, dans une entrevue à CBC News.

Il estime qu'il pourrait y avoir 100 000 enfants dans le système scolaire de la pro‐ vince qui n'ont pas été com‐ plètement vaccinés contre la rougeole - sans compter ceux qui fréquenten­t les écoles maternelle­s et les garderies et qui sont peut-être tout simplement trop jeunes pour avoir reçu les deux doses standard du vaccin ROR.

Si les taux de vaccinatio­n restent globalemen­t élevés au Québec, le Dr Boileau souligne que dans certaines écoles de la région de Mon‐ tréal, le taux de vaccinatio­n contre la rougeole est infé‐ rieur à 50, 40, voire 30 %.

Ces endroits risquent fort de connaître d'importante­s épidémies de rougeole, selon le directeur de la santé pu‐ blique.

De l’avis du Dr Ward, les communauté­s vulnérable­s ont soit toujours hésité à se faire vacciner, soit elles re‐ fusent actuelleme­nt les vac‐ cins, ou elles sont tout sim‐ plement en retard dans leur vaccinatio­n.

Dans certains cas, il peut s'agir de personnes qui rat‐ trapent les retards causés par la pandémie de COVID19, ou de nouveaux immi‐ grants qui peuvent venir de régions du monde où les en‐ fants ne reçoivent qu'une seule dose du vaccin RRO, ce qui n'offre pas une protection aussi solide qu’avec deux doses.

À lire et à écouter :

Pourquoi un retour de la rougeole? Des réponses à vos questions 19 cas confir‐ més de rougeole au Québec, dont 14 à Montréal(en date du 13 mars 2024) AUDIO Rougeole : portrait d'un virus

Pour Nazeem Muhajarine, épidémiolo­giste et chercheur de l'Université de la Saskat‐ chewan, même si l'adminis‐ tration de vaccins comme ce‐ lui de la rougeole a été frei‐ née pendant la pandémie, les interventi­ons de santé pu‐ blique mises en place pour contrer la COVID-19 ont fait en sorte que les maladies évitables par la vaccinatio­n, telles que la rougeole, n'ont pas ressurgi plus tôt.

Le risque est que les taux de vaccinatio­n ne reviennent

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