Radio-Canada Info

« La descriptio­n "personne avec un vagin" est chargée », maintient Martine Biron

- Anne Marie Lecomte

La ministre Martine Biron dit n'avoir « aucun regret » d'avoir fait adopter, par l'Assemblée nationale, une motion dénonçant un juge‐ ment de la Cour suprême qui, selon la ministre, « in‐ visibilise les femmes » en recourant aux termes « personne ayant un vagin ».

En entrevue à Tout un ma‐ tin, lundi, sur ICI Première, la ministre responsabl­e de la Condition féminine s'est dé‐ fendue de prêter des inten‐ tions à la juge Sheilah Martin, qui a rédigé le jugement dans lequel les mots personne ayant un vagin sont utilisés une seule fois.

Le jugement de plus d'une centaine de pages utilise le mot femme à 67 reprises, mais la ministre Biron per‐ siste à défendre l'adoption d'une motion qui déplore le choix des mots spécifique‐ ment, et non pas la décision rendue par la juge Martin.

C'est un excellent juge‐ ment qui fait avancer le droit des femmes, je le reconnais, poursuit la ministre respon‐ sable de la Condition fémi‐ nine qui affirme l'avoir lu avant de déposer sa motion. Martine Biron dit reconnaîtr­e également que le jugement recourt au mot femme 67 fois et une seule fois cette descriptio­n de la femme comme "personne ayant un vagin".

C'est une descriptio­n qui est chargée et qui fait débat dans la société, poursuit-elle cependant, et je ne pense pas, moi, que les 67 réfé‐ rences à la femme banalisent cette référence-là.

La Cour suprême ne pou‐ vait pas ignorer que l'expres‐ sion spécifique "personne ayant un vagin" fait débat dans notre société.

Martine Biron, ministre responsabl­e de la Condition féminine

De l'avis de la ministre Bi‐ ron, pour parler de la biolo‐ gie des femmes et de ses spécificit­és sensoriell­es, le plus haut tribunal du pays aurait pu trouver une tout autre expression pour le faire. La ministre n'a pas fourni d'exemples d'autre ex‐ pression, mais elle se ques‐ tionne à savoir si la juge a voulu utiliser cette expres‐ sion-là, ou si c'est une erreur de bonne foi.

On ne le saura jamais, dit Martine Biron, qui ajoute que c'est la Cour suprême qui parle; le choix des mots est important.

Le jugement fait jurispru‐ dence et va servir dans d'autres instances, insiste-telle, en rappelant que la mo‐ tion qu'elle a déposée a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, jeudi.

La motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale jeudi va comme suit :

Que l’Assemblée nationale dénonce le choix des mots utilisés dans un récent juge‐ ment de la Cour suprême pour désigner les femmes; Qu’elle réitère l’importance de conserver le mot "femme"; Qu’elle se dissocie de l’utilisatio­n de termes ou de concepts contribuan­t à in‐ visibilise­r les femmes; Qu’elle rappelle les gains importants réalisés dans les dernières décennies afin de faire avan‐ cer les droits des femmes et la nécessité de protéger ces droits acquis.

Une décision qui donne lieu à une controvers­e

Rendue par la Cour su‐ prême le 8 mars dernier, la décision porte sur deux causes d'agressions sexuelles (non reliées entre elles) et sti‐ pule ce qui suit pour l'une de ces causes : Lorsqu’une per‐ sonne ayant un vagin té‐ moigne de manière crédible et avec certitude avoir res‐ senti une pénétratio­n pénovagina­le, le juge du procès doit pouvoir conclure qu’il est peu probable qu’elle se trompe.

Dans un commentair­e pu‐ blié le 13 mars à propos de ce jugement, le quotidien The National Post avait pos‐ tulé que, pour la Cour su‐ prême, la plaignante dans une cause d'agression sexuelle devrait être dési‐ gnée comme "une personne ayant un vagin". D'écrire Tris‐ tin Hopper dans le quotidien torontois : la Cour suprême du Canada a jugé qu'il était problémati­que pour un juge de première instance de faire référence à une victime allé‐ guée comme à une "femme", impliquant que le terme plus approprié aurait dû être "per‐ sonne avec un vagin".

Sur X, le 14 mars dernier, la ministre Biron s'était dite très fière de l'adoption à l'unanimité de cette motion et avait écrit qu'en choisis‐ sant de ne pas utiliser le mot "femme", nous les invisibili‐ sons.

Après tant d’années de combat, les droits des femmes doivent continuer d’être respectés.

Martine Biron, ministre responsabl­e de la Condition féminine, sur le média social X

Mais au sujet de cette controvers­e, Rachel Cha‐ gnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, a déclaré ceci à Radio-Canada.ca : pré‐ sumer que la Cour suprême du Canada a employé l’ex‐ pression personne ayant un vagin dans son jugement pour éviter d’utiliser le mot femme est un bon exemple d’hypothèse non fondée.

La règle interdisan­t les hy‐ pothèses logiques infondées, explique Rachel Chagnon, sert à assurer que les juges ne puissent pas se baser sur des préjugés ou des stéréo‐ types lorsqu’ils portent un ju‐ gement.

À lire et à voir :

Non, la Cour suprême du Canada ne préfère pas « per‐ sonne ayant un vagin » à« femme » Une motion pour garder le mot « femme » dans les lois

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada