Radio-Canada Info

Les coordonnée­s d’une victime de violence conjugale envoyées à l’agresseur par la DPJ

- Raphaël Brouillett­e

Un homme détenu à la pri‐ son de Trois-Rivières pour avoir battu et harcelé son ex-conjointe s’est vu re‐ mettre les nouvelles coor‐ données de sa victime sur un plateau d'argent. Un travailleu­r de la Direction de la protection de la jeu‐ nesse (DPJ) de la Mauricie et du Centre-du-Québec n’a pas caviardé les renseigne‐ ments personnels de la femme lorsqu’il a remis un document au détenu.

Denis* a été surpris en voyant le bulletin scolaire de sa fille en novembre dernier. La nouvelle adresse de son ex-conjointe était inscrite, bien en vue, en première page, tout juste en haut du numéro de téléphone. RadioCanad­a a pu consulter le do‐ cument.

Le problème est que De‐ nis est un criminel qui purge actuelleme­nt une peine d’emprisonne­ment de 18 mois pour agression sexuelle, voies de fait et har‐ cèlement envers la mère de sa fille. Cette peine est ac‐ compagnée, comme dans la grande majorité des cas simi‐ laires, d'un interdit de contact avec sa victime.

Cette informatio­n semble avoir échappé à l’intervenan­t de la DPJ en décembre der‐ nier lorsqu’il a télécopié le bulletin scolaire à l’attention de Denis à la prison de Bor‐ deaux, située à Montréal. Le criminel a depuis été trans‐ féré à Trois-Rivières.

Selon le détenu, qui a luimême communiqué avec Ra‐ dio-Canada, la dame était re‐ venue vivre dans une ville de la Mauricie à la fin de l’été, mais il n’avait aucune idée de son adresse. C’était caché par la cour, a-t-il déclaré lors d'une entrevue téléphoniq­ue. Que des adresses puissent sortir comme ça du bureau de la DPJ, c’est inconcevab­le.

Des impacts majeurs

Les impacts de cette bé‐ vue sur la victime peuvent être majeurs, selon la res‐ ponsable du soutien clinique chez SOS Violence conjugale, Claudine Thibaudeau. Le che‐ min menant à une dénoncia‐ tion et une condamnati­on est extrêmemen­t stressant, ditelle, et la victime doit, dans bien des cas, recommence­r sa vie à zéro.

S’il faut qu’elle déménage encore, ça va ajouter du stress, surtout dans le contexte de pénurie de loge‐ ments. On vient de faire tom‐ ber son château de sable et lui dire qu’elle doit peut-être recommence­r à zéro.

Claudine Thibaudeau, res‐ ponsable du soutien clinique chez SOS violence conjugale

Madame Thibodeau croit qu’il y a présence d’un dan‐ ger même si l’homme est derrière les barreaux et qu’il a lui-même dénoncé la situa‐ tion. Il a quand même été re‐ connu coupable de violence envers elle et ces hommes sont des manipulate­urs.

L’agresseur prétend ne plus ressentir de sentiments violents envers sa victime. Or, il traîne tout de même un lourd passé judiciaire. Il a ef‐ fectué plusieurs séjours en prison depuis le début des années 2000 et il cumule plus d’une vingtaine de dos‐ siers criminels notamment liés à des menaces, du harcè‐ lement, des voies de fait et au non-respect de ses condi‐

tions.

Une plainte et des ex‐ cuses

Selon des documents consultés par Radio-Canada, le détenu a lui-même for‐ mulé une plainte officielle au Centre intégré universita­ire de santé et de services so‐ ciaux de la Mauricie-et-duCentre-du-Québec (CIUSSS MCQ) à l’endroit de l’interve‐ nant fautif le 18 décembre dernier.

Une enquête a été entre‐ prise et l’intervenan­t a admis sa faute tout en se disant vraiment désolé. On peut lire dans le rapport d'analyse que la gestionnai­re responsabl­e de l’intervenan­t a fait les rap‐ pels nécessaire­s à son em‐ ployé et qu’un rapport d’inci‐ dent sera inscrit au dossier de l’intervenan­t.

Appelé à réagir, le CIUSSS MCQ n’a pas voulu commen‐ ter ce dossier pour fins de confidenti­alité. Le relation‐ niste Guillaume Cliche sou‐ tient que la marche à suivre dans les cas de violation de confidenti­alité inclut la divul‐ gation de l’incident à la vic‐ time, un déploiemen­t d’ac‐ tions pour mieux prévenir et une évaluation des préju‐ dices.

La victime aurait effective‐ ment été mise au courant de cette bévue via l’intervenan­t de la DPJ peu de temps après, selon Denis.

Quant à ce dernier, il sera admissible à une libération conditionn­elle cet été.

*Denis est un nom fictif.

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