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Début du procès d’Umar Zameer, accusé de meurtre d’un policier

- Jean-Philippe Nadeau

C'est ce matin à Toronto que commence la sélection du jury au procès d'Umar Zameer, qui est accusé du meurtre prémédité du poli‐ cier Jeffrey Northrup en 2021. Les audiences risquent d'être très média‐ tisées en raison des réac‐ tions que le meurtre avait soulevées dans la classe politique et dans le public.

Umar Zameer est accusé d'avoir délibéréme­nt happé à mort l'agent Jeffrey Northrup avec son véhicule dans le sta‐ tionnement souterrain de l'hôtel de ville de Toronto la nuit du 2 juillet 2021.

Selon le Service de police de Toronto, l'agent Northrup et sa coéquipièr­e partici‐ paient alors à une enquête sur des allégation­s de vol et de voies de fait armées. Les deux policiers étaient ha‐ billés en civil.

La police soutient que l'ac‐ cusé a foncé sur l'agent au moment où le policier répon‐ dait à un appel au sujet d'un vol à l'hôtel de ville.

L’agent Northrup avait succombé à ses blessures à l'hôpital St. Michael's. Il avait 55 ans.

Le policier, qui cumulait 31 ans de service, avait laissé dans le deuil sa femme, ses trois enfants et sa mère. Sa mort avait bouleversé la mé‐ tropole.

L'éclairage à l'hôtel de ville avait été réduit, les drapeaux y avaient été mis en berne et un livre de condoléanc­es avait été mis à la dispositio­n du public.

De nombreux témoi‐ gnages élogieux avaient été publiés sur les médias so‐ ciaux.

Le premier ministre Justin Trudeau lui avait rendu hom‐ mage en rappelant que l'agent Northrup avait été tué dans l’exercice de ses fonc‐ tions et en transmetta­nt ses condoléanc­es à la famille du policier.

Libération surprise de l'accusé

Umar Zameer est toujours en liberté et soumis à de sé‐ vères conditions d'assigna‐ tion à résidence.

La juge Jill Copeland, de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, l'avait par exemple obligé de vivre au domicile de ceux qui se sont portés garants de sa caution et de

sa personne.

Le Torontois, qui est au‐ jourd'hui âgé de 34 ans, avait donc été libéré en septembre 2021 moyennant une caution de 335 000 $.

Un fait assez exceptionn­el dans les annales judiciaire­s, puisqu'il est très rare au Ca‐ nada qu'un individu accusé de meurtre prémédité soit li‐ béré sous caution.

Il est sous surveillan­ce électroniq­ue depuis plus de deux ans. Il ne peut se dépla‐ cer à l'extérieur de sa rési‐ dence sans être accompagné par l'un de ses bienfaiteu­rs et dans des circonstan­ces extra‐ ordinaires.

La libération d'Umar Za‐ meer n'avait pas manqué de faire réagir la classe politique sur Twitter. Le premier mi‐ nistre ontarien Doug Ford et l'ex-maire de Toronto John Tory s'étaient dits choqués par une telle décision.

M. Ford avait écrit le ga‐ zouillis suivant : Notre sys‐ tème de justice doit se ressai‐ sir et commencer à faire pas‐ ser les victimes et leurs fa‐ milles avant les criminels.

M. Tory avait quant à lui demandé de connaître les raisons d'une décision qu'il avait qualifiée de discutable.

L'associatio­n d'avocats Law Union of Ontario avait déposé une plainte contre M. Tory auprès de la Commis‐ sion civile de l’Ontario sur la police [une instance quasi ju‐ diciaire indépendan­te, NDLR], parce qu'il siégeait à l'époque à la Commission des services de police de To‐ ronto dont il avait enfreint le code de conduite.

Le maire de Brampton, Patrick Brown, avait pour sa part affirmé sans preuve qu'Umar Zameer était déjà en liberté sous caution relati‐ vement à un autre crime qu'il aurait commis avant la mort de l'agent Northrup.

Peu d'informatio­ns dis‐ ponibles

Un interdit de publicatio­n avait été ordonné dès l'au‐ dience sur le cautionnem­ent.

Après sa victoire, la dé‐ fense d'Umar Zameer avait néanmoins demandé en dé‐ cembre 2021 que l'interdit soit en partie levé pour que la juge puisse publier les rai‐ sons pour lesquelles elle avait libéré son client.

La requête de la défense de l'accusé était inhabituel­le dans la mesure où c'est elle qui avait exigé un tel interdit en premier lieu.

À l'époque, la défense avait fait valoir qu'il souhai‐ tait à tout prix que le procès de son client reste juste, neutre et impartial.

Elle avait néanmoins ex‐ pliqué par la suite que l'ex‐ ception qu'elle demandait au sujet d'une levée partielle de l'interdit pourrait permettre aux Torontois de bien com‐ prendre la décision de la ma‐ gistrate.

La défense voulait notam‐ ment rectifier de fausses in‐ formations qui ont circulé, selon elle, dans les médias après l'arrestatio­n de son client et après l'imposition d'un interdit de publicatio­n sur toutes les procédures ju‐ diciaires.

Elle s'inquiétait de toute la mauvaise publicité qui aurait pu circuler au sujet de l'ac‐ cusé avant son procès, en particulie­r au moment de la sélection d'un jury impartial.

La Couronne s'était toute‐ fois opposée à la requête de la défense en affirmant qu'il était essentiel de maintenir l'impartiali­té de l'administra‐ tion judiciaire, d'assurer les droits de l'accusé à un procès juste et équitable et de gar‐ der confidenti­elles les preuves au dossier.

Après avoir entendu les arguments des deux parties, la juge avait finalement re‐ fusé de lever l’interdit, même de façon partielle, parce qu'elle craignait que cela ne fasse plus de mal que de bien à l'équité et à l'intégrité du procès à venir.

Les plaidoirie­s doivent dé‐ buter en principe mardi.

tion préventive, le transfert de M. Kikewa a lieu, mais non sans problèmes et de la vio‐ lence.

Ce que le tribunal a com‐ pris, c’est qu’il y a eu énormé‐ ment de mesures pour sécu‐ riser Monsieur [Kikewa], a in‐ diqué le commissair­e Ethan Friedman pendant une au‐ dience, le 15 mars 2022.

Monsieur Kikewa a expli‐ qué comme il avait été ligoté, qu’il [...] a porté un masque, il ne pouvait pas voir, on lui a donné une piqûre sans son autorisati­on, il avait énormé‐ ment de difficulté de respi‐ rer, il était dans son siège pendant 3 ou 4 heures pour le vol. À un certain moment, il s’est évanoui, a-t-il pour‐ suivi.

Selon le commissair­e Friedman, un calmant aurait été administré au détenu, une mesure prise afin de gé‐ rer son stress et sa détresse lors du vol.

Selon la conseil du mi‐ nistre, l'Agence [des services frontalier­s du Canada] a es‐ sayé de maîtriser une situa‐ tion qui était difficile, ajoute M. Friedman.

Une fois arrivé à l’Établis‐ sement de détention de Ri‐ vière-des-Prairies, M. Kikewa a été gardé en isolement cel‐ lulaire et n'a pu prendre que deux douches entre le 3 et le 15 mars, selon des transcrip‐ tions de la CISR.

Il n’a pas changé ses vête‐ ments depuis son arrivée. Il a les mêmes sous-vêtements, a indiqué le commissair­e Fried‐ man, le 3 mars 2022.

Radio-Canada n’a pas pu contacter M. Kikewa et son avocat, Pierre-Olivier Mar‐ coux, n'a pas voulu accorder d’entrevue sans entrer en contact avec son client. Nous n’avons pas été en mesure de confirmer si le renvoi de M. Kikewa a eu lieu.

On gère bien la déten‐ tion, croit le gouverneme­nt

Le traitement de M. Ki‐ kewa soulève bien des ques‐ tions sur le sort des per‐ sonnes détenues pour des motifs d’immigratio­n, à TerreNeuve-Labrador. Le ministre provincial de la Justice et de la Sécurité publique, John Ho‐ gan, a dit le 4 mars que la dé‐ tention des immigrants n’est pas pratique courante à Terre-Neuve-et-Labrador.

Je pense qu’on gère bien la détention, à l'heure ac‐ tuelle, a-t-il poursuivi, ajou‐ tant qu’à sa connaissan­ce, il y a eu seulement une poignée de cas au cours des der‐ nières années.

Des données de l’ASFC montrent pourtant que 28 personnes ont été gardées en détention préventive dans une prison de la province entre 2019 et 2023, la plupart au Pénitencie­r de Sa Majesté.

La détention est utilisée comme mesure de dernier recours, affirme pour sa part la porte-parole de l’ASFC, Ka‐ rine Martel. Environ trois quarts d’individus détenus dans les établissem­ents cor‐ rectionnel­s provinciau­x sont interdits de territoire pour des raisons de grande crimi‐ nalité, comme l’a été M. Ki‐ kewa.

Le ministère provincial de la Justice et de la Sécurité pu‐ blique réfute les chiffres de l’ASFC, affirmant que seules deux personnes ont été déte‐ nues pour des motifs liés uni‐ quement à l’immigratio­n de‐ puis deux ans.

Un porte-parole du minis‐ tère indique que la province a plaidé avec force afin que M. Kikewa soit pris en charge par l'ASFC une fois sa peine purgée.

Toute action impliquant ce détenu pendant sa déten‐ tion à Terre-Neuve-et-Labra‐ dor est le résultat des risques qu'il présente pour lui-même, pour le personnel et/ou pour les autres détenus, poursuitil.

M. Kikewa a été condamné pour voies de fait contre un agent correction‐ nel pendant sa détention, en juillet 2020.

T.-N.-L. n’acceptera plus les migrants dans ses pri‐ sons

Début mars, Radio-Ca‐ nada a rapporté que TerreNeuve-et-Labrador était la seule province canadienne qui ne prévoyait pas de mettre fin à la pratique controvers­ée d'incarcérer des migrants dans ses pri‐ sons.

Le gouverneme­nt provin‐ cial a changé d’avis depuis.

Le 12 mars 2024, le gou‐ vernement de Terre-Neuveet-Labrador a envoyé un avis officiel à l'Agence canadienne de sécurité frontalièr­e l'infor‐ mant qu'il cesserait d'accep‐ ter les personnes détenues uniquement en vertu de la Loi sur l'immigratio­n et la protection des réfugiés à compter du 31 mars 2025, af‐ firme Eric Humber. L'agence devrait recevoir cet avis dans les prochains jours.

sentiel du caribou forestier.

Deux processus distincts ont été lancés successive‐ ment par le cabinet du mi‐ nistre.

Le premier n'a jamais été utilisé au pays, à savoir le dé‐ cret pour freiner la destruc‐ tion de l'habitat essentiel d'une espèce en péril, aussi appelé le filet de sécurité. Si une province ou un territoire n'en fait pas assez, la loi pré‐ voit une interventi­on du fé‐ déral. Le titulaire du minis‐ tère, en l'occurrence Steven Guilbeault, en a même l'obli‐ gation légale.

L'objectif de cette mesure serait de limiter les usages permis sur certains terri‐ toires afin de ramener un taux de perturbati­on accep‐ table.

Au terme d'une analyse de son ministère présentée en février 2023, le ministre concluait que la quasi-totalité de l'habitat essentiel du cari‐ bou forestier n'était pas pro‐ tégé adéquateme­nt au Qué‐ bec. Je suis tenu de recom‐ mander au gouverneur en conseil la prise d'un décret de protection pour les par‐ ties non protégées de l'habi‐ tat essentiel du caribou bo‐ réal, disait-il.

Cette recommanda­tion a été faite au cours de l'hiver dernier, mais le cabinet des ministres du gouverneme­nt

Trudeau a plutôt penché pour une approche collabo‐ rative avec le Québec. M. Guilbeault n'écarte pas de re‐ venir à la charge ce prin‐ temps si le gouverneme­nt Legault ne respecte pas l'échéance du 1er mai.

Menace imminente?

Ottawa pourrait aussi uti‐ liser des décrets d'urgence pour certaines hardes en si‐ tuation plus critique.

Évoqués pour la première fois l'automne dernier, les décrets d'urgence s'en‐ clenchent en cas de menace imminente pour la survie ou le rétablisse­ment d'une es‐ pèce en péril protégée par la loi. Les Premières Nations ont fait pression sur Ottawa pour que de soient évalués.

Le Mnistère a transmis des parties de l’ébauche de l’évaluation des menaces au gouverneme­nt du Québec et aux Premières Nations du‐ rant la semaine du 12 février 2024 afin d’obtenir des com‐ mentaires, écrit Steven Guil‐ beault dans sa lettre au mi‐ nistre Charette envoyée la se‐ maine dernière.

Par conséquent, si je conclus que l’espèce est confrontée à des menaces imminentes pour sa survie ou son rétablisse­ment, je se‐ rai tenu, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, de recommande­r au gouverneur en conseil de prendre un dé‐

tels décrets cret d’urgence, précise-t-il.

Le dernier inventaire au Québec, rapporté par la Commission indépendan­te sur le caribou forestier et montagnard, en 2022, faisait état de 5252 bêtes réparties en 13 hardes.

Les hardes de Val-d'Or et de Charlevoix vivent aujour‐ d'hui en enclos de protection, alors que les caribous mon‐ tagnards de la Gaspésie font l'objet de captures de fe‐ melles afin de préserver les faons des prédateurs à la naissance.

Plusieurs hardes, dont celle du Pipmuacan, s'ap‐ prochent des seuils critiques de déclin.

agi sur Twitter Léonid Volkov, ex-bras droit en exil du dé‐ funt.

Des médias russes indé‐ pendants ont publié des images de bulletins de vote nuls diffusées par des élec‐ teurs, sur lesquels on pouvait lire Tueur et voleur inscrit sur l'un et On vous attend à La Haye sur l'autre, en référence à un mandat d'arrêt émis contre Poutine pour des ac‐ cusations de crimes de guerre liées à sa responsabi‐ lité présumée dans les enlè‐ vements d'enfants en Ukraine.

Pourtant, certaines per‐ sonnes ont déclaré à l'Asso‐ ciated Press qu'elles étaient heureuses de voter pour Poutine. Dmitri Sergienko, qui a voté à Moscou, a dit : Je suis content de tout et je veux que tout continue comme c'est le cas actuelle‐ ment.

Zelensky dénonce un si‐ mulacre

Cette élection s'est dérou‐ lée avec en toile de fond la guerre en Ukraine, ordonnée en février 2022 par Vladimir Poutine avec le lancement d'une opération militaire spé‐ ciale dans ce pays.

En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky n'a pas tardé à réagir aux premiers résultats qui ont déclaré Pou‐ tine largement vainqueur.

Ces jours-ci, le dictateur russe simule encore une élection. Il est évident pour chacun dans le monde que ce personnage, comme cela s'est déjà souvent produit au cours de l'Histoire, est ivre de pouvoir et fait tout pour gou‐ verner éternellem­ent, a-t-il écrit sur le réseau social X.

Les alliés occidentau­x de l'Ukraine ont eux aussi dé‐ noncé des élections qui n'étaient ni libres ni équi‐ tables.

Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a fait valoir que Poutine avait empri‐ sonné ses opposants poli‐ tiques et empêché les autres de se présenter contre lui, tandis que le ministère alle‐ mand des Affaires étrangères a affirmé que le régime de Poutine est autoritair­e [et qu']il repose sur la censure, la répression et la violence.

Dans un message diffusé sur le réseau X, le chef de la diplomatie britanniqu­e, Da‐ vid Cameron, a quant à lui dénoncé l'organisati­on illé‐ gale d'élections sur le terri‐ toire ukrainien, l'absence de choix pour les électeurs et l'absence de contrôle indé‐ pendant de l'Organisati­on pour la sécurité et la coopé‐ ration en Europe.

77 Russie interpella­tions en

Dans l'ensemble, la mobi‐ lisation de l'opposition s'est déroulée dans le calme, mais l'ONG OVD-Info, spécialisé­e dans le suivi de la répression, a fait état d'au moins 77 in‐ terpellati­ons en Russie pour diverses formes d'actions de protestati­on électorale­s.

La porte-parole de la di‐ plomatie russe a quant à elle affirmé que les électeurs qui se sont regroupés en masse aux ambassades russes, comme à Paris, à Londres et à Berlin, n'étaient pas des partisans de l'opposition.

Ils sont venus voter, sai‐ sissant l'occasion que leur pays, la Russie, leur a offerte malgré toutes les menaces de l'Occident, a écrit Maria Zakharova sur Telegram.

été assassinés, souligne Ceci‐ lia Farfan, qui redoute l’im‐ pact de cette violence sur la qualité de la démocratie.

Le type de personnes qui posent leur candidatur­e va changer, croit-elle. On va voir des gens qui ont peut-être déjà un accord avec ces structures criminelle­s, alors que d'autres ne se présente‐ ront pas par crainte qu'il leur arrive quelque chose.

Les attaques contre les politicien­s, les candidats, les fonctionna­ires et les repré‐ sentants du gouverneme­nt ont augmenté en janvier 2024, note ACLED. Au moins quatre candidats aux élec‐ tions de juin ont été assassi‐ nés alors que les disputes entre les groupes criminels pour le contrôle territoria­l s’intensifie­nt.

Le groupe de surveillan­ce Data Civica note dans son rapport sur la violence poli‐ tique que 2023 a été l’année la plus violente de notre base de données. Et tout porte à croire que 2024 sera pire.

Il est probable que les plus grandes élections de l’histoire subiront également les plus grandes attaques de la part du crime organisé. Data Civica

Outre la présidence, quelque 20 000 autres postes seront en jeu le 2 juin, dont ceux de l’ensemble des séna‐ teurs et des députés, de neuf gouverneur­s et de milliers de représenta­nts locaux, ce qui fait que ces élections seront historique­s.

Corruption au plus haut niveau

La corruption est un autre problème qui préoccupe les Mexicains. Elle a pris une nouvelle ampleur ces der‐ nières années, soutient Mme Farfan. Un cas flagrant est ce‐ lui de l’ex-procureur de l’État de Nayarit, Edgar Veytia, qui, entre autres crimes, est ac‐ cusé d’avoir abusé de son pouvoir pour forcer des pro‐ priétaires à lui céder leur ter‐ rain à bas prix.

On voit de plus en plus de dossiers qui ressemblen­t à celui de Nayarit : il ne s’agit plus de pots-de-vin [versés à des fonctionna­ires corrom‐ pus], mais plutôt des gens qui essaient de s’enrichir en utilisant l'appareil de l’État, soutient Mme Farfan.

Une corruption qui vient du sommet de l’État, note Tony Payan. Arrivé au pou‐ voir en critiquant la corrup‐ tion, AMLO doit maintenant s’en défendre.

Un de ses fils aurait aidé des amis à obtenir des contrats de plusieurs millions de dollars, ont révélé des en‐ quêtes journalist­iques. Un autre vivrait dans une mai‐ son à Houston appartenan­t à un dirigeant d’une compa‐ gnie pétrolière qui reçoit des contrats très lucratifs de Pe‐ mex, la compagnie pétrolière publique. Des allégation­s fausses, selon le président.

Qu’est-ce qui le différenci­e des familles d’autres prési‐ dents qui se sont enrichis grâce au trafic d’influence et aux contrats publics? se de‐ mande M. Payan.

C’est une des administra‐ tions les plus corrompues qu’on a eues depuis au moins 40 ans.

Tony Payan, directeur de l’Institut Baker pour les ÉtatsUnis et le Mexique de l’Uni‐ versité Rice

Sans parler des alléga‐ tions contre AMLO lui-même, allégation­s portant sur des paiements qu’il aurait reçus de la part de cartels pour la campagne électorale de 2006. Le président a qualifié ces enquêtes journalist­iques de calomnies.

Une économie qui peine à décoller

La situation économique des Mexicains ne s’est guère améliorée ces dernières an‐ nées.

Il y a bien eu des verse‐ ments ponctuels, mais cela n’est pas suffisant, croit Adriana Baez Carlos, profes‐ seure à l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et spécialist­e des questions de genre. Le gou‐ vernement a lancé des pro‐ grammes d’appui pour les jeunes, les mères célibatair­es ou les aînés, mais il n’y a pas eu de progrès en ce qui concerne le taux d’emploi ou l’activité économique, sou‐ ligne-t-elle.

Les gens ont de quoi man‐ ger, mais ce n’est pas grâce à leur travail c’est plutôt grâce à l’aide de l’État.

Adriana Baez, professeur­e à l'UNAM et spécialist­e des questions de genre

La pauvreté au Mexique est au même niveau qu’il y a six ans, déplore Tony Payan. Les programmes de transfert d’argent ne règlent pas le manque de compétence­s qui empêche les gens d’avoir ac‐ cès à de meilleurs emplois et à de meilleurs salaires.

Quelque 47 millions de Mexicains sont pauvres, dont 9 millions souffrent de pau‐ vreté extrême, selon des données gouverneme­ntales.

Le nombre de Mexicains qui quittent leur pays en dit long sur l’échec des poli‐ tiques économique­s, estime M. Payan. Ce sont des gens qui disent : dans ce pays, il n’y a pas d’avenir, pas d’occa‐ sions économique­s, pas de croissance, pas de sécurité.

Entre 2015 et 2020, plus de 800 000 Mexicains ont émigré, selon les données of‐ ficielles.

Militarisa­tion tous azi‐ muts

Le gouverneme­nt de Fe‐ lipe Calderon (2006-2012) avait fait appel aux militaires pour combattre les narcotra‐ fiquants et reprendre le contrôle de certaines régions du pays.

Pendant la campagne, Andres Manuel Lopez Obra‐ dor avait promis de renvoyer les militaires dans leur ca‐ serne. Il leur a plutôt donné une place croissante dans la gestion du pays.

Le Mexique est en train de se militarise­r, soutient Mme Baez. Le président leur a re‐ mis des activités civiles, comme la constructi­on de l’aéroport, l'administra­tion des douanes ou l’entretien des routes.

Ce sont notamment les forces armées qui ont construit le fameux train maya, qu’elles vont égale‐ ment administre­r.

Tony Payan s’inquiète des risques que cela représente pour la démocratie, notam‐ ment à cause du manque de transparen­ce. En invoquant la sécurité nationale, on donne très peu d'informatio­n aux citoyens, précise-t-il.

Quelles solutions?

La propositio­n de Claudia Sheinbaum est très claire. Son slogan est la continuité, résume Tony Payan. Les mili‐ taires vont rester dans les rues et les programmes pré‐ sidentiels vont se poursuivre.

On offre de la continuité quand les choses vont bien, mais on ne peut pas le faire lorsqu'elles vont mal.

Tony Payan, directeur de l’Institut Baker pour les ÉtatsUnis et le Mexique de l’Uni‐ versité Rice

Son problème est qu’elle ne peut pas offrir autre chose, puisqu’elle est la can‐ didate du président sortant. AMLO a été son mentor, il l’a choisie, souligne M. Payan. Elle ne peut pas, du moins pas tout de suite, prendre de distance envers lui ou ses programmes.

En ce qui concerne la sé‐ curité, Claudia Sheinbaum entend poursuivre la straté‐ gie du gouverneme­nt, intitu‐ lée des câlins plutôt que des balles, et s’attaquer aux ra‐ cines de la violence en of‐ frant d'autres options aux jeunes pour éviter qu’ils soient recrutés par le crime organisé.

Pour sa part, Xochitl Gal‐ vez propose la constructi­on de trois prisons à sécurité maximale, une initiative de type Bukele, selon Mme Baez. Elle veut retirer les acti‐ vités civiles aux militaires et améliorer la relation avec les États-Unis, notamment en créant une agence binatio‐ nale des douanes pour ren‐ forcer le contrôle à la fron‐ tière, en ciblant particuliè­re‐ ment le trafic d’armes des États-Unis vers le Mexique.

Fini les câlins pour les cri‐ minels, dit-elle, on appliquera la loi.

Aucune des deux candi‐ dates ne pose toutefois un diagnostic clair sur les causes de la violence, estime Mme Farfan. Qui plus est, elles ne proposent pas de remplacer l'armée par une sécurité pu‐ blique civile.

Une niste? approche fémi‐

Ce qui est sûr, c’est qu’on verra une différence du fait que le pays sera gouverné par une femme, croit Adriana Baez.

Les deux candidates ont proposé une série de me‐ sures visant spécifique­ment les femmes. Claudia Shein‐ baum a notamment annoncé qu’elle mettra en place un programme en vertu duquel sera versée une rente aux femmes au foyer de plus de 60 ans afin de leur donner une compensati­on pour les soins aux enfants. Les deux veulent prioriser un système de garderies.

Que deux femmes se re‐ trouvent en lice pour la prési‐ dence montre bien les avan‐ cées des Mexicaines dans l’espace public, souligne Mme Baez. C’est le résultat de dif‐ férentes lois imposant la pa‐ rité à différents niveaux de l’État et au sein des partis.

Il y a eu une poussée im‐ portante en faveur des droits politiques des femmes; l'éga‐ lité n'a pas été atteinte parce que le machisme est très profondéme­nt enraciné, mais nous avons fait des pro‐ grès majeurs.

Adriana Baez, professeur­e à l'Université nationale auto‐ nome du Mexique

Que ce soit l'une ou l'autre qui l'emporte, croitelle, les Mexicaines seront gagnantes.

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