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« Traité comme un animal » en prison en attendant son expulsion du Canada

- Patrick Butler

À Terre-Neuve, un homme est resté au Pénitencie­r de Sa Majesté de Saint-Jean environ un an et demi après avoir purgé sa peine, en attendant que les auto‐ rités fédérales s'occupent de son dossier d’immigra‐ tion.

Dans cette prison vétuste où les conditions de déten‐ tion sont réputées pour être effroyable­s - infestatio­ns de rongeurs, manque de ventila‐ tion, chaleur extrême - Dou‐ dou Mpumudjie Kikewa au‐ rait été traité comme un ani‐ mal, selon des transcript­ions d’audiences de la Commis‐ sion de l'immigratio­n et du statut de réfugié du Canada (CISR).

Pendant son incarcéra‐ tion, le citoyen de la Répu‐ blique démocratiq­ue du Congo (RDC) aurait subi des traitement­s choquants et ra‐ cistes. Il aurait notamment été privé d’eau et forcé de boire de la cuvette de la toi‐ lette, selon les transcript­ions de la CISR. Il aurait aussi été placé en isolement cellulaire à la prison, où il n’existait au‐ cun service en français pour le détenu unilingue franco‐ phone.

Un renvoi en RDC re‐ porté à plusieurs reprises

En août 2019, l'homme de 34 ans a été reconnu cou‐ pable de vol d’identité, de fraude et de violations d’or‐ donnances de la cour.

M. Kikewa aurait dû rester en prison pendant environ un an, mais il a fini par subir une double peine. Résident permanent depuis 2006, la CISR a décidé de l’expulser du pays, en juin 2020. En atten‐ dant ce renvoi, il est resté en détention préventive parce qu'il présentait un risque de fuite et représenta­it un dan‐ ger au public, selon le tribu‐ nal.

Le renvoi de M. Kikewa en RDC, pays où il n’avait pas mis les pieds depuis son ado‐ lescence, a pourtant été re‐ poussé à plusieurs reprises, notamment parce qu’il refu‐ sait de parler aux agents de l’Agence des services fronta‐ liers du Canada (ASFC) et de passer un test de dépistage à la COVID-19, une mesure exi‐ gée par les autorités congo‐ laises.

Troubles de santé men‐ tale

Alors que le séjour au Pé‐ nitencier de Sa Majesté s'est prolongé, la santé mentale de M. Kikewa s'est détériorée, selon des documents du CISR.

Il avait été placé en isole‐ ment cellulaire et il était sous surveillan­ce parce qu’il pré‐ sentait un risque de suicide; on l’avait vu se frapper la tête contre le mur à plusieurs re‐ prises, peut-on lire dans un jugement de la Cour fédé‐ rale, en janvier 2022.

Dans une déclaratio­n sou‐ mise à la CISR en février 2021, l'assistant-surintenda­nt du pénitencie­r note qu'aucun service en français n'est dis‐ ponible pour le détenu. En plus de ne pas pouvoir béné‐ ficier du soutien de sa fa‐ mille, il indique que M. Ki‐ kewa n'a aucun moyen finan‐ cier pour acheter des pro‐ duits d’hygiène et de la nour‐ riture et n'a personne avec qui interagir et discuter.

Des incidents violents avec des agents correction‐ nels

À Terre-Neuve-et-Labra‐ dor, il n’existe aucun centre fédéral de détention pour les migrants.

M. Kikewa a demandé plu‐ sieurs fois d'être transféré dans un centre de détention au Québec, une province francophon­e où habitent des membres de sa famille. La demande a été acceptée, mais le transfert a été re‐ tardé à quelques reprises.

Monsieur Kikewa ne peut pas être transféré dans un avion commercial vu des questions de sécurité, et ça doit se faire par un avion privé avec l’aide de la GRC, a noté la commissair­e Dianne Tordorf lors d’une audience de la CISR, le 15 juillet 2021.

Une tentative de transfert quelques mois plus tard a aussi échoué. La commis‐ saire Élise Leclerc-Gagné a in‐ diqué pendant une audience de la CISR, le 15 février 2021, que M. Kikewa aurait reçu des menaces de la part d’un agent qui lui aurait dit qu’il al‐ lait rendre sa vie difficile avant de l’envoyer à Mon‐ tréal.

Il aurait été mis par terre et été un peu étranglé pen‐ dant environ une trentaine de minutes et aurait reçu aussi des coups de pied sur tout son corps. De plus, un agent aurait tenu des propos racistes durant son transport, a-t-elle indiqué, notant que le transfert n’a pas eu lieu, en fin de compte.

Des mesures pour sécu‐ riser le détenu

Le 3 mars 2022, 19 mois après le début de sa déten‐

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