Radio-Canada Info

L’économie autochtone minée par un manque d’informatio­ns, dit la Banque du Canada

- Myriam Boulianne

L'expression « réconcilia‐ tion économique » a la cote, mais c'est un objectif qui serait particuliè­rement difficile à atteindre, croit la Banque du Canada. L'insti‐ tution déplore que les don‐ nées concernant l'écono‐ mie autochtone com‐ portent des lacunes, ce qui, ultimement, poserait « une entrave au progrès écono‐ mique » des Premières Na‐ tions, des Métis et des In‐ uit. Des données limitées

Les tentatives pour éva‐ luer divers aspects de l’éco‐ nomie autochtone au Ca‐ nada sont limitées par des problèmes de disponibil­ité et de qualité des données, sou‐ tient d'emblée le rapport d'une trentaine de pages paru en octobre 2023.

Car la Banque du Canada s'est penchée sur le sujet, mais elle souligne s'être bu‐ tée à des données irrégu‐ lières ou incomplète­s, et à des estimation­s trop variées les unes des autres.

La rareté des données de haute qualité reflète [...] le manque de confiance et de participat­ion des peuples au‐ tochtones dans les enquêtes menées par le gouverne‐ ment, en raison de l'absence d'un système de suivi et d'évaluation de la qualité des données.

Extrait du rapport de la Banque du Canada

Par exemple, la meilleure estimation de Statistiqu­e Ca‐ nada concernant le PIB au‐ tochtone pour 2022 est de 48,9 milliards de dollars, soit environ 2,2 % du PIB total du pays. Toutefois, la Banque du Canada reconnaît qu'il ne s'agit là que de l'une des nombreuses estimation­s réa‐ lisées au cours des dernières années, qui varient considé‐ rablement.

De plus, dans les rapports mensuels de Statistiqu­e Ca‐ nada sur l'emploi et l'infla‐ tion, l'activité dans les com‐ munautés - où vit environ 17 % de la population autoch‐ tone - n'est pas prise en compte, ce qui ne donne qu'une image partielle de la prospérité autochtone, dé‐ plore la Banque centrale.

Les industries de la pêche, de la chasse ou de l'artisanat sont aussi largement ou‐ bliées dans les enquêtes. Mais l’absence de ces activi‐ tés pourtant essentiell­es dans les statistiqu­es contri‐ bue à sous-estimer l’ampleur économique autochtone.

Des progrès sont néces‐ saires pour améliorer les données sur l'économie au‐ tochtone. Cela permettrai­t aux décideurs politiques et aux dirigeants autochtone­s de mesurer les progrès réali‐ sés et de prendre des déci‐ sions éclairées.

Extrait du rapport de la Banque du Canada

Droits fonciers et bar‐ rières institutio­nnelles

Le rapport souligne égale‐ ment que la propriété d'en‐ treprise est moins répandue dans la population autoch‐ tone que dans le reste de la population. En 2018, il y avait environ 39 entreprise­s pri‐ vées appartenan­t à des Au‐ tochtones pour 1000 per‐ sonnes autochtone­s âgées de 15 à 64 ans, comparativ­e‐ ment à 108 entreprise­s non autochtone­s pour 1000 per‐ sonnes non autochtone­s dans la même tranche d'âge.

Si la Banque du Canada énumère dans son rapport plusieurs barrières institu‐ tionnelles qui freinent l'entre‐ preneuriat chez les Autoch‐ tones, les restrictio­ns rela‐ tives au droit à la propriété contenues dans la Loi sur les Indiens ressortent tout parti‐ culièremen­t.

Le régime foncier restrictif prévu par la Loi sur les In‐ diens est l'obstacle systé‐ mique le plus notable.

Extrait du rapport de la Banque du Canada, tiré d'une citation du National In‐ digenous Economic Develop‐ ment Board

Ces restrictio­ns en ma‐ tière de propriété se tra‐ duisent souvent par le manque des garanties néces‐ saires pour obtenir des prêts commerciau­x, ce qui entrave la création d'entreprise­s et, par conséquent, les possibili‐ tés d'emploi dans les com‐ munautés.

Les restrictio­ns aux droits de propriété prévues par la Loi sur les Indiens sont sou‐ vent citées comme un obs‐ tacle important au dévelop‐ pement économique des communauté­s des Premières Nations, car elles aug‐ mentent les frais de transac‐ tion et entravent l'accès aux ressources naturelles, pour‐ suit la Banque centrale.

L'éliminatio­n des obs‐ tacles systémique­s à la sou‐ veraineté foncière autoch‐ tone est considérée comme nécessaire pour parvenir à la réconcilia­tion économique.

Extrait du rapport de la Banque centrale, tiré d'une citation de la Stratégie éco‐ nomique nationale autoch‐ tone pour le Canada (2022)

Par conséquent, la majo‐ rité des entreprise­s autoch‐ tones se trouvent à l'exté‐ rieur des communauté­s. Plus précisémen­t, 86 % du PIB au‐ tochtone a été généré hors des communauté­s en 2016, ce qui crée un autre pro‐ blème économique pour celles-ci.

Parmi les autres barrières, le rapport mentionne les la‐ cunes en matière d'infra‐ structures, l'accès difficile au financemen­t ainsi que les écarts sur le marché du tra‐ vail (écarts de revenus, taux d'emploi, niveau d'éduca‐ tion).

De plus, outre les dispari‐ tés soulevées avec les nonAutocht­ones, le rapport sou‐ lève celles entre les Autoch‐ tones eux-mêmes.

Par exemple, en 2015, les Métis représenta­ient près de 44 % du PIB autochtone, soit une part relativeme­nt élevée si l'on considère qu'ils ne re‐ présentaie­nt que 35 % de la population autochtone. Par ailleurs, près de la moitié du PIB autochtone pouvait être attribuée aux Premières Na‐ tions, et près de 4 % aux In‐ uit.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada