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Dans le Grand Victoria, « un tapis rouge » pour recruter des médecins de famille

- Mélinda Trochu

Début février, plus de 100 000 personnes inscrites sur le registre de la ColombieBr­itannique attendaien­t toujours un médecin de fa‐ mille sur l’île de Vancouver. Plusieurs équipes s’at‐ tellent à travers l’île pour en attirer et l’un des méde‐ cins chargés de cette mis‐ sion dans le Grand Victoria considère que « l'avenir s'annonce plutôt promet‐ teur ».

Le Dr Aaron Childs, méde‐ cin de famille à Victoria de‐ puis 13 ans, est le respon‐ sable du recrutemen­t et de la rétention à la Victoria Divi‐ sion of Family Practice, dont la mission est de recruter au‐ tant de médecins que pos‐ sible.

Selon les données les plus récentes, seulement 66,3 % des habitants du centre-ville de Victoria et de Victoria West sont attachés à un pra‐ ticien de soins primaires ou à un cabinet.

Le Dr Aaron Childs recon‐ naît que le travail pour recru‐ ter des médecins est un défi, mais que plusieurs stratégies sont en cours. Le ministère de la Santé précise quant à lui que des recruteurs profes‐ sionnels ont été engagés pour les réseaux de soins pri‐ maires du Westhore, de la péninsule de Saanich et de Victoria.

Un tapis rouge

Quand un médecin envi‐ sage de s’installer à Victoria, le programme de tapis rouge de la Victoria Division of Fa‐ mily Practice est déclenché. Le profession­nel est accueilli, présenté à plusieurs cli‐ niques et médecins, invité pour un repas et orienté sur les possibilit­és de logement, de travail et d'écoles pour sa famille.

Le but est de trouver les meilleures compatibil­ités pour une installati­on à long terme. Au besoin, les méde‐ cins sont mis en contact avec d’autres équipes à travers l’île qui pourraient mieux corres‐ pondre à leurs aspiration­s. La Comox Valley Division of Family Practice et la South Is‐ land Division of Family Prac‐ tice ont refusé nos de‐ mandes d'entrevue.

Nous avons appris que les médecins qui viennent dans des communauté­s où ils ne se plaisent pas ont tendance à ne pas y rester très long‐ temps. C'est difficile à la fois pour l'équipe de recrute‐ ment, pour le médecin, mais aussi pour les patients et les communauté­s.

Dr Aaron Childs

Parmi les autres straté‐ gies, il y a des campagnes de marketing dans des confé‐ rences médicales nationales et à l’étranger comme celle en Grande-Bretagne.

Le Dr Lindsay Waterman, installé depuis 2016 à Victo‐ ria, estime qu’une quinzaine de médecins britanniqu­es sont déjà arrivés dans la ré‐ gion.

Des sortes défis de toutes

Le Dr Aaron Childs note qu'un tiers des médecins in‐ téressés à venir à Victoria le sont à cause du bouche-àoreille d’un collègue. Cepen‐ dant, les défis sont réels.

[À Victoria] le coût du lo‐ gement est assez élevé et pour les nouveaux diplômés qui sortent de la faculté de médecine avec une dette à six chiffres, c'est un peu diffi‐ cile de pouvoir se lancer dans le coût de la vie ici tout en démarrant un cabinet. Dr Aaron Childs

Le Dr Lindsay Waterman, qui a aussi exercé à Port Mc‐ Neill, évoque sa soeur, elle aussi médecin de famille, qui a choisi de s’installer à Camp‐ bell River plutôt qu’à Victoria en raison du coût de la vie.

Le médecin recruteur ex‐ plique quant à lui que l'an‐ cien modèle qui consiste à ouvrir son cabinet, répandu dans le Grand Victoria, plaît moins aux jeunes généra‐ tions.

C'est très intimidant de démarrer un nouveau cabi‐ net dans une nouvelle com‐ munauté, dit-il. Selon lui, les jeunes préfèrent une ap‐ proche de soins en équipe avec des médecins, des phar‐ maciens, des infirmière­s, des services de soutien en santé mentale et des travailleu­rs sociaux.

Malgré les défis, le Dr Lindsay Waterman considère qu'actuelleme­nt il y a beau‐ coup de possibilit­és, [car] le gouverneme­nt veut soutenir [la] profession. Le rythme de travail a diminué, notam‐ ment par rapport à 2020, ditil, et la qualité des services est meilleure grâce au nou‐ veau modèle de paiement. Il souligne que la facturatio­n est facile à apprendre pour les nouveaux médecins.

Le nouveau modèle de paiement a facilité le recrute‐ ment et a encouragé des mé‐ decins à retourner vers la médecine familiale, renchérit le Dr Aaron Childs.

Quand les médecins quittent le Grand Victoria, ils n’ont pas tendance à se confier sur leurs raisons, re‐ connaît le recruteur. Cepen‐ dant, il ajoute que cela est souvent dû au fait que les partenaire­s ont des difficul‐ tés à trouver du travail, que les enfants ont besoin d'autres écoles ou que la communauté ne leur convient pas.

Faire des remplace‐ ments pour tester les lieux

Depuis un an et demi, un programme de remplace‐ ment a été lancé et permet actuelleme­nt à 19 médecins de tester différents cabinets lors de remplaceme­nts allant d’une semaine à plusieurs mois. Cela permet ainsi aux médecins de partir en congé et de se reposer.

Nous avons une équipe dédiée qui travaille avec les suppléants pour faire toute la planificat­ion, organiser le paiement, se mettre en lien avec les cliniques et fournir des commentair­es [mais aussi] un programme de mentorat.

Dr Aaron Childs

Le Dr Lindsay Waterman étudie la possibilit­é de faire venir en septembre un mé‐ decin étranger déjà accrédité pour un an dans son cabinet, mais c'est aussi du travail, précise-t-il.

Le ministère de la Santé explique que depuis depuis juillet 2023 grâce au registre Health Connect, 28 060 pa‐ tients ont trouvé un médecin de famille ou sont en cours d’en trouver un.

La province explique qu’en décembre 2023, ap‐ proximativ­ement 5000 méde‐ cins de famille prodiguaie­nt les soins de santé primaires longitudin­aux, soit 708 mé‐ decins ou 16,5 % de plus qu’en décembre 2022.

Cependant, pour le Dr Lindsay Waterman, même un afflux de médecins pourrait ne pas résoudre la situation, car il y a beaucoup de per‐ sonnes sans médecin de fa‐ mille et la population est vieillissa­nte.

Ça serait [une] bonne sur‐ prise si la situation se règle dans les cinq prochaines an‐ nées, [mais] je pense qu’il sera toujours difficile d’ame‐ ner tous les médecins là où nous voulons qu’ils soient. Dr Lindsay Waterman Il explique également que de plus en plus de médecins veulent concilier leur vie pro‐ fessionnel­le et familiale et ne pas travailler plus cinq jours par semaine. Les besoins sont intenses et certains pré‐ fèrent travailler seulement trois jours et demi, précise le Dr Lindsay Waterman.

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