Le cinéaste acadien Léonard Forest s’est éteint à l’âge de 96 ans
Léonard Forest était un vé‐ ritable pionnier du cinéma en Acadie. Né en 1928, il est décédé mardi à l'âge de 96 ans. Il laisse un legs in‐ contestable à l'histoire du cinéma francophone au pays.
Né au début de la grande dépression au Massachu‐ setts, ses parents acadiens reviennent au NouveauBrunswick alors qu’il n'avait pas encore un an.
Il grandit toute son en‐ fance à Moncton et fait des études au Collège St-Joseph de Memramcook.+
Cinéma canadien
Dès le début des années 1950, il met les pieds à l’ONF, à Ottawa et par la suite à Montréal, où il prend la direc‐ tion des productions fran‐ çaises.
Il ouvre des portes aux réalisateurs francophones du pays. Il joue aussi un rôle im‐ portant dans l'installation du Studio Acadie de l'ONF, en 1974. Aujourd'hui, une salle porte d'ailleurs son nom.
Que ce soit comme scéna‐ riste, producteur, ou réalisa‐ teur, Léonard Forest colla‐ bore à plus de 130 films dont plusieurs se situent en Aca‐ die.
Racines acadiennes
Son tout premier film, en tant que scénariste, le ra‐ mène en Acadie, donnant la parole aux Acadiens de la Vallée de Memramcook.
Le cinéaste savait déjà re‐ joindre les Acadiens dans leurs préoccupations, comme il le démontre dans Les Aboiteaux, en 1955, un film qui reçoit le Prix La Vague au Festival internatio‐ nal du cinéma francophone en Acadie des années plus tard.
Dans ses films, il est at‐ tentif à un monde qui n'a pas la parole. Cette écoute se re‐ flète dans ses films suivants, cette fois signant la réalisa‐ tion.
Avec son film Les Aca‐ diens de la dispersion, qu'il réalise en 1968, Léonard Fo‐ rest a voulu briser le silence.
Tourné au Canada, en France et en Louisiane, ce film révèle pour la première fois sur grand écran la quête identitaire des Acadiens.
Témoin d’une époque
Parmi les plus remarqués, Un soleil pas comme ailleurs, film témoin du réveil acadien qui se manifeste en 1972 dans le Nord-Est du Nou‐ veau-Brunswick. Ce docu‐ mentaire se veut une ré‐ flexion collective devant la caméra, dans une perspec‐ tive d'avenir.
Quant à La noce est pas fi‐ nie, ce long métrage est avant tout une aventure col‐ lective laissant entièrement la parole aux citoyens.
Une véritable enquête so‐ ciologique, toujours d'actua‐ lité un demi-siècle après sa première projection.
Un film n’est pas une ré‐ ponse, un film n’est qu’une façon de poser des ques‐ tions, c’est comme le poète qui part avec la seule intui‐ tion d’une chose à dire, ad‐ met-il dans le documentaire Léonard Forest : cinéaste et poète (ONF).
Il prend sa retraite de l'ONF en 1983.
Reconnaissances
Son talent de réalisateur est reconnu pour plusieurs de ses films.
Parmi ses pairs, Herméné‐ gilde Chiasson reconnaissait le talent de réalisateur de Léonard Forest : C'est facile de prendre la parole, mais c’est difficile de la donner et la grande particularité d'un artiste c'est sa faculté d'écoute, disait-il.
Un documentaire sur la vie du cinéaste remporte le prix La Vague de la Meilleure oeuvre acadienne au Festival du Cinéma Francophone en Acadie. (2009)
Léonard Forest : cinéaste et poète est signé par Ro‐ dolphe Caron.
Traçant la voie à des ci‐ néastes qui l'ont suivi, le Fes‐ tival international du cinéma francophone en Acadie dé‐ cerne un prix en son nom.
Depuis 2009, le prix pour la meilleure oeuvre aca‐ dienne Moyen ou Long Mé‐ trage, porte désormais le nom de prix La Vague Léo‐ nard Forest.
Poésie au centre de son oeuvre
Sa vision artistique se tra‐ duit sur grand écran mais aussi sur à travers l'écriture. Le montage [d’un film] pour moi, ce n’est pas très diffé‐ rent de la naissance d’un poème, avançait Léonard Fo‐ rest.
Le recueil de poésie Comme en Florence a obtenu le prix France Acadie en 1980, influençant des écri‐ vains venus après lui.
La jointure du temps aux Éditions Perce-Neige a ob‐ tenu le Prix Champlain en 1999.
Et puis en 2001, Le pom‐ mier d'août aux Éditions Perce-Neige rassemble des poèmes et quelques textes de chanson écrits par Léo‐ nard Forest depuis une cin‐ quantaine d'années.
Le cinéaste et poète réagit au monde qui l’entoure, comme c'est le cas lors des événements du 11 sep‐ tembre 2001, avec un poème créé un an après la tragédie.
Laisser une empreinte
Sa longue carrière lui vaut de nombreuses reconnais‐ sances. En 2001, l'Université de Moncton lui décerne un doctorat honorifique.
Le Festival Northrop Frye Festival lui rend hommage, soulignant ses productions cinématographiques et litté‐ raires.
Le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick lui dé‐ cerne le Prix d'excellence en 2005. Et puis, c’est l'ensemble de son oeuvre qui est récom‐ pensé dans le cadre des Éloizes au Nouveau-Bruns‐ wick en 2016.
Considéré à juste titre comme étant le pionnier du cinéma en Acadie, son oeuvre aura tracé la voie à des géné‐ rations d'artistes.