Radio-Canada Info

Nickel au port de Québec : le ministère de l’Environnem­ent sévit contre Glencore

- David Rémillard

Une enquête du ministère de l'Environnem­ent conclut à « une relation » entre les activités de la minière Glencore, au port de Qué‐ bec, et l'augmentati­on des concentrat­ions de nickel l'air de Limoilou, a appris Radio-Canada. La multina‐ tionale est aussi blâmée pour avoir maintenu ses opérations de transborde‐ ment malgré des bris d'équipement, l'an dernier.

Ces constats découlent d'une vaste enquête menée sur 18 mois par le ministère de l'Environnem­ent, dans le cadre de son plan de contrôle renforcé, mis en place en 2022. Ce plan, an‐ noncé par le ministre Benoit

Charette, accompagna­it l'allè‐ gement de la norme sur le ni‐ ckel et visait à améliorer la qualité de l'air en Basse-Ville de Québec.

Au total, une cinquantai­ne d'inspection­s ont été menées sur tout le territoire du port de Québec chez l'ensemble des opérateurs, dont Glen‐ core.

L'analyse, fruit de plu‐ sieurs inspection­s et de cam‐ pagnes d'échantillo­nnages, s'est notamment penchée sur les fluctuatio­ns des concentrat­ions de nickel ob‐ servées à la station QuébecVieu­x-Limoilou, située à proximité des installati­ons portuaires de Glencore, à l'embouchure de la rivière Saint-Charles.

Les travaux ont permis de constater un lien avec les opérations du géant minier. Avec la microscopi­e électro‐ nique, on a été à même d’identifier la signature qui est propre au nickel de Glen‐ core, explique Marie-Josée Poulin, à la tête de la Direc‐ tion générale du contrôle en‐ vironnemen­tal pour la Capi‐ tale-Nationale.

Cycle des navires

Le lien avec Glencore, ditelle, a été obtenu en compa‐ rant les composés de nickel retrouvés dans les infrastruc‐ tures de l'entreprise au port de Québec et ceux captés dans les filtres de la station d'échantillo­nnage QuébecVieu­x-Limoilou, aux dates où les concentrat­ions étaient les plus élevées.

Trois dépassemen­ts de la norme de nickel ont particu‐ lièrement attiré l'attention du ministère, entre le 17 dé‐ cembre 2022 et le 6 janvier 2023.

Pour deux des dépasse‐ ments, l'analyse a démontré la présence de pentlandit­e. Cette forme de nickel pro‐ vient de Mine Raglan, au Nu‐ navik, et est transbordé­e à partir du Arvik 1, un briseglace cargo mis en service par Glencore il y a trois ans.

Pour l'autre, c'est plutôt de la matte de nickel qui a été trouvée dans la station d'échantillo­nnage. Ce com‐ posé est obtenu après une transforma­tion de la pentlan‐ dite dans une fonderie de Sudbury, appartenan­t aussi à Glencore.

Le jour du dépassemen­t de la norme impliquant la matte, un vraquier était à quai pour charger la sub‐ stance avant de l'acheminer vers des installati­ons de la minière, en Norvège.

La norme de nickel dans l'air ambiant est fixée à un

maximum de grammes 70

par mètre cube d'air par tranche de 24 heures et à une moyenne an‐ nuelle de 20 nanogramme­s par mètre cube d'air.

Cycle des navires nano‐

Plus largement encore, Québec a analysé d'autres augmentati­ons de la concen‐ tration de nickel au cours de ses 18 mois de surveillan­ce, même celles ne dépassant pas la norme québécoise.

Dans la majorité des cas, la présence des bateaux utili‐ sés par Glencore concordait avec ces hausses, permettant à nouveau d'établir un lien avec la minière.

Il existe une relation entre le cycle des navires accostés aux installati­ons de Glencore et l'augmentati­on des concentrat­ions de nickel me‐ surées dans l'air ambiant.

Marie-Josée Poulin, direc‐ trice au contrôle environne‐ mental du Ministère pour la Capitale-Nationale

La majorité des activités de transborde­ment de Glen‐ core se déroulent sous cou‐ vert, à l'exception de l'ouver‐ ture des cales des navires, note-t-elle au passage.

La pentlandit­e, beaucoup plus fine que la matte, est transbordé­e du Arvik 1 sous l'effet d'un système de bru‐ misation visant à rabattre les poussières. Si le procédé aide certaineme­nt, la mesure d’at‐ ténuation n’est pas suffi‐ sante, conclut aujourd'hui le ministère de l'Environne‐ ment.

Mme Poulin rappelle en‐ fin, parmi les éléments poin‐ tant vers Glencore, que l'en‐ treprise est la seule à mani‐ puler des produits avec de fortes teneurs en nickel au port de Québec.

Avis de non-conformité

Deux des trois dépasse‐ ments de la norme mesurés au cours de l'enquête minis‐ térielle sont survenus alors que Glencore menait ses acti‐ vités malgré des équipe‐ ments inadéquats, conclut également l'enquête du mi‐ nistère de l'Environnem­ent.

Plus précisémen­t, on re‐ proche à Glencore de ne pas avoir maintenu en bon état de fonctionne­ment et de ne pas avoir utilisé de manière optimale un équipement per‐ mettant de réduire le rejet de contaminan­ts dans l’environ‐ nement, entre le 29 dé‐ cembre 2022 et le 6 janvier 2023, indique le Ministère dans un rapport qui sera rendu public mardi.

Les bris en question concernent le bras de char‐ gement du nickel et le sys‐ tème d'alerte de Glencore utilisés pour les opérations de transborde­ment. Un avis de non-conformité a été émis le 29 février dernier. L'entre‐ prise a jusqu'au 1er avril pour présenter un plan de mesures corrective­s.

Si la situation perdure, d'autres mesures pourraient être prises par Québec, allant jusqu'à une mise à l'amende. Pour l'heure, l'entreprise a coopéré avec le ministère lors des inspection­s et de l'enquête gouverneme­ntale, assure Marie-Josée Poulin.

Elle avertit toutefois que Québec continuera d'appli‐ quer son plan de contrôle. Ce n'est pas la fin, ce n'est qu'un début. Un autre dépasse‐ ment de la norme de nickel, le 16 novembre dernier, est d'ailleurs analysé à l'heure actuelle.

Outre Glencore, 11 autres avis de non-conformité de moindre importance ont été envoyés à différente­s organi‐ sations, la plupart présentes au port, depuis janvier 2022.

Le ministre satisfait

En entrevue à Radio-Ca‐ nada, le ministre de l'Environ‐ nement, Benoit Charette, s'est dit satisfait de ce pre‐ mier bilan du plan de contrôle renforcé et des ré‐ sultats de l'enquête, qui vient clarifier le rôle de Glencore dans les concentrat­ions de nickel captées dans le VieuxLimoi­lou.

On suspectait les activités [de Glencore] comme étant responsabl­es des dépasse‐ ments de la norme de nickel dans l’environnem­ent. On a établi ce lien-là entre les acti‐ vités de la compagnie et tout particuliè­rement entre les passages du bateau qui fait la livraison du nickel et les dates de dépassemen­t, ré‐ sume-t-il.

C’est une bonne chose que de savoir quelle est la cause pour pouvoir la corri‐ ger.

Benoit Charette, ministre de l'Environnem­ent du Qué‐ bec.

Le plan de contrôle an‐ noncé aux côtés de la Ville fonctionne , vante-t-il, sa‐ luant la collaborat­ion du Port de Québec et de la Ville dans ce dossier. Au final, c’est l'en‐ vironnemen­t qui s’en trouve améliorée.

M. Charette s’attend main‐ tenant à ce que Glencore ap‐ porte les correctifs néces‐ saires. Le ministre espère aussi que l'entreprise conti‐ nuera d'optimiser ses instal‐ lations au port de Québec, d’autant qu'elle entend y res‐ ter à long terme. À partir du moment où on confirme le souhait de rester pour 25 ans, je vais m’attendre à des investisse­ments supplémen‐ taires.

Glencore vient en effet tout juste d'ouvrir une nou‐ velle mine au Nunavik, au sein du complexe de Mine Raglan.

Le plan de contrôle ren‐ forcé vise :

L’acquisitio­n de données sur le trafic maritime afin de cibler l’accostage de navires d’intérêt; La caractéris­ation des substances transbordé­es étayée par le prélèvemen­t d’échantillo­ns dans le but d’identifier les sources de contaminan­ts; L’utilisatio­n de méthodes analytique­s spé‐ cialisées permettant d’asso‐ cier des composés retrouvés dans l’air aux environs de la station Québec-Vieux-Limoi‐ lou à un ou des émetteurs spécifique­s.

Source : Ministère de l'En‐ vironnemen­t, de la Lutte contre les changement­s cli‐ matiques, de la Faune et des Parcs

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