Radio-Canada Info

Justin Trudeau sur le champ de bataille jusqu’à la fin

- Alec Castonguay

Il est rare que les déclara‐ tions du premier ministre du Canada fassent les man‐ chettes dans le monde, au‐ tant dans les endroits où le pays a plutôt bonne presse, comme au Royaume-Uni, que dans ceux où il n’est pas au sommet de sa popu‐ larité, comme en Chine ou en Inde.

Personne ne se lève un matin en se demandant ce que les dirigeants de la Nor‐ vège ou de l’Espagne pensent d’un sujet chaud, et il en va de même du Canada depuis toujours, malgré son appar‐ tenance au G7 et au G20.

Vrai qu'il n’est pas courant qu’un premier ministre dise candidemen­t que son travail à la tête du pays est une job de fou et que les sacrifices personnels sont à ce point nombreux qu’il se remet en question tous les jours, comme Justin Trudeau l’a af‐ firmé en entrevue à mon émission Midi info, vendredi midi.

On a plutôt tendance à voir les politicien­s comme des machines imperméabl­es aux critiques et capables d’endurer les aléas de la vie publique sans broncher.

C’est rarement le cas. Leur stoïcisme en public n’a d’égal que les remises en question en privé et les sautes d’hu‐ meur contre un député, un ministre ou un journalist­e.

Lucien Bouchard pouvait passer une fin de semaine exécrable à maugréer contre une mauvaise chronique dans un journal. Brian Mulro‐ ney appelait directemen­t les journalist­es pour leur expli‐ quer sa réalité. Bernard Lan‐ dry, surtout dans le domaine économique, aimait bien re‐ prendre un scribe qui avait fait une erreur. Et du temps de Stephen Harper, les co‐ lères du boss contre un dé‐ puté qui s'écartait de la disci‐ pline de fer qu’il imposait fai‐ saient frémir les élus. Ainsi de suite.

Or, malgré le tintamarre depuis vendredi midi, notam‐ ment chez les opposants po‐ litiques de Justin Trudeau, les Canadiens qui n’ont lu que les grands titres de la BBC, du Times of India, de Reu‐ ters, du Toronto Star ou de Radio-Canada sont passés à côté de l’essentiel de l’entre‐ vue de 24 minutes que le premier ministre a accordée à Midi info - dans laquelle nous avons abordé plusieurs sujets, comme l’immigratio­n, la crise du logement, l’envi‐ ronnement, la taxe sur le car‐ bone, Haïti et la bande de Gaza, notamment.

Ce que j’ai retenu du volet de l’entretien sur son avenir politique, ce n’est pas qu’il songe parfois à quitter ses fonctions ou qu’il se remet en question régulièrem­ent, mal‐ gré la candeur de ses propos. C’est plutôt la passion qu’il a mise dans la réponse de près de deux minutes où il ex‐ plique, au contraire, qu’il va rester en poste.

C’est à la toute fin de l’en‐ trevue, en répondant à une question d’une auditrice de Rimouski qui lui demandait s’il ne serait pas mieux de quitter la tête de son parti avant les élections, étant donné l’allure des sondages, que Justin Trudeau a abordé sa situation personnell­e à la tête du pays.

Voici la citation complète en ondes, à la suite d’une re‐ lance de ma part :

Je songe à [partir] tous les jours! C’est une job de fou que je suis en train de faire. Les sacrifices au niveau per‐ sonnel… Si je ne doutais pas presque tous les jours, je ne serais pas humain. C’est su‐ per tough, c’est super plate des fois, mais mon Dieu, la piste sur laquelle on est… Les démocratie­s sont tellement sous attaque à travers le monde avec du populisme extrême… C’est pour ça que je suis entré en politique, pas pour être populaire, pas pour des raisons personnell­es, mais parce que je veux servir, que j’ai quelque chose à of‐ frir.

Justin Trudeau, en entre‐ vue à Midi info, le 15 mars 2024

Passons rapidement sur la mauvaise traduction ini‐ tiale d’une agence de presse, qui a traduit en anglais l’ex‐ pression québécoise super plate des fois par boring, alors qu’il ne voulait claire‐ ment pas dire que son travail est ennuyant, mais plutôt qu’il est parfois ingrat… Les subtilités de la langue fran‐ çaise au Québec! Quelques heures plus tard, les agences anglophone­s qui ont repris la nouvelle ont d'ailleurs corrigé le tir et ajusté la traduction, mais la première mouture avait déjà voyagé.

Or, juste avant cette ti‐ rade, Justin Trudeau avait mentionné avec conviction qu’il allait rester à la tête du Parti libéral du Canada jus‐ qu’aux prochaines élections générales. Je ne pourrais pas être l’homme que je suis et abandonner le combat à ce moment-ci.

Puis, il a ajouté que les

Canadiens, aux prochaines élections, auront un choix tel‐ lement fondamenta­l à faire sur le genre de pays qu’on veut. Il a parlé des droits des femmes, des droits de la communauté LGBTQ, de la lutte contre les changement­s climatique­s, des investisse‐ ments dans les usines de batteries comme Northvolt et Volkswagen…

Ce ne sont pas des expli‐ cations anodines. En cam‐ pant sa décision de rester en politique dans une bagarre entre le progressis­me et le conservati­sme, entre la dé‐ mocratie et le populisme, un peu à la manière de Joe Bi‐ den contre Donald Trump aux États-Unis, Justin Tru‐ deau vient d’élever substan‐ tiellement la barre.

Bref, Justin Trudeau ne s’en va nulle part

En affirmant clairement je ne pourrais pas être l’homme que je suis et abandonner le combat à ce moment-ci, il a décapité toutes les rumeurs sur son avenir, y compris parmi les troupes libérales, où une possible démission fait jaser en coulisses depuis des semaines.

Plusieurs militants, stra‐ tèges - et même quelques députés - voyaient encore une fenêtre pour son départ après le dépôt du prochain budget fédéral, le 16 avril.

Une démission ce printemps laisserait encore suffisam‐ ment de temps au parti pour se choisir un nouveau chef à temps pour la rentrée poli‐ tique, en septembre.

Justin Trudeau pourrait toujours changer d’idée, bien sûr. La politique est imprévi‐ sible. Personne ne sait de quoi les prochains mois se‐ ront faits. Et il ne serait pas le premier. Si Denis Coderre, qui avait juré avoir fait une croix sur la politique pour de bon, est revenu sur sa parole, tout est possible.

Mais en ajoutant qu’il s’agit du combat d’une vie, que ses conviction­s pro‐ fondes l’incitent à affronter le chef conservate­ur Pierre Poi‐ lievre en campagne électo‐ rale et que le sort du pays est en jeu, ou presque, Justin Trudeau situe le débat audelà des sondages et de sa popularité. Reculer ne serait pas facile.

Et l’absence d’options de rechange ou de dauphin évident pour le remplacer au sein du caucus libéral rend improbable une rébellion in‐ terne à la Paul Martin contre Jean Chrétien.

Visiblemen­t, Justin Tru‐ deau s’estime encore capable de remonter la pente, de sur‐ prendre.

Est-ce que les électeurs canadiens, habitués de le voir et de l’entendre depuis 2015, avec la fatigue du pou‐ voir qui accompagne bientôt neuf ans de règne, font la même lecture que lui? Écoutent-ils encore? C’est loin d’être certain.

Peu importe les supputa‐ tions à droite et à gauche, Justin Trudeau a été très clair vendredi : il entend se battre jusqu’au bout, quitte à mou‐

rir sur le champ de bataille.

semaine, le président de la Russie a évoqué le risque d’une Troisième Guerre mon‐ diale.

Quand il a vu que cette guerre se poursuivai­t, il a in‐ terrompu ses contacts, et c’est la radicalisa­tion de Pou‐ tine qui a poussé Macron à être plus ferme, a souligné Sylvie Bermann, ancienne ambassadri­ce de France en Russie, à la chaîne de télévi‐ sion Public Sénat.

Selon elle, Emmanuel Ma‐ cron veut aujourd’hui mar‐ quer les esprits en montrant que c’est la France qui fixe la ligne, sauf que le rapport de force tient de l’unité des Eu‐ ropéens et des Occidentau­x.

Pour tenter de com‐ prendre le discours de plus en plus dur d’Emmanuel Ma‐ cron à l’égard de la Russie, on ne peut pas faire abstractio­n non plus du contexte poli‐ tique français, à quelques mois des élections euro‐ péennes et de la popularité indéniable du parti d'extrême droite de Marine Le Pen.

Les macroniste­s ne manquent pas une occasion d'accuser le Rassemblem­ent national et sa cheffe de faire preuve de complaisan­ce à l'égard de la Russie et de sou‐ tenir Vladimir Poutine, que Marine Le Pen a auparavant ouvertemen­t admiré et dont elle a vanté les politiques.

Le Rassemblem­ent natio‐ nal s’est d’ailleurs abstenu de voter la semaine dernière pour entériner un accord de sécurité entre la France et l'Ukraine, alors que l'extrême gauche a carrément voté contre.

Voter contre, c'est signifier à nos alliés que la France tourne le dos à son engage‐ ment et à son histoire et s'abstenir, c'est fuir, fuir ses responsabi­lités devant l'his‐ toire, a déclaré le premier mi‐ nistre Gabriel Attal devant le Parlement.

Par ailleurs, le ton va-t-enguerre du président français et de ses ministres ne semble pas émouvoir l'opi‐ nion populaire qui, selon un sondage, s’opposerait à 76 % au déploiemen­t de troupes occidental­es en Ukraine.

Soutenir l'Ukraine, oui. Souffler sur les braises d'un conflit mondial potentiel à des fins électorale­s, non, a écrit pour sa part le chef du parti Les Républicai­ns, Eric Ciotti.

Emmanuel Macron est-il opportunis­te, alarmiste ou sincère dans son désir de ré‐ veiller l’Europe face aux risques que la guerre s'étende?

Plusieurs analystes s'en‐ tendent pour dire qu'au-delà de soigner son ego et de briller par ses déclaratio­ns fracassant­es, le président de la France est réaliste quand il prévient : On vit dans un monde où ce qu’on croyait impensable arrive. On y est, la guerre est sur le sol euro‐ péen. Ce n’est pas une fic‐ tion.

les avocats qui représente­nt Donald Trump dans la pour‐ suite civile pour fraudes fi‐ nancières au sein de la Trump Organizati­on ont af‐ firmé, dans un document dé‐ posé en cour, qu'il lui est « pratiqueme­nt impossible » de fournir la garantie exigée de 455 millions de dollars américains (617 millions de dollars canadiens).

face à quatre procès au pénal qui n'ont pas encore com‐ mencé. L'un d'eux devait s'ouvrir la semaine prochaine à Manhattan, mais a été re‐ porté à la mi-avril, au plus

tôt.

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