L’abordabilité, l’argument des pétrolières pour défendre leur survie
La stratégie actuelle de transition énergétique est « un échec », a défendu le président-directeur général de la pétrolière saoudienne Aramco, Amin Nasser, lors d’un discours à Houston, au Texas. D’autres entreprises pétrolières, réunies pour la conférence CERAWeek par S&P Global, ont rejoint son appel à prendre en compte le coût de cette transition sur le consommateur.
Le message d’Amin Nas‐ ser est limpide : Nous de‐ vrions abandonner le fan‐ tasme de mettre fin au pé‐ trole et au gaz et plutôt in‐ vestir [dans cette industrie] pour répondre à la demande, a-t-il lancé au premier jour de ce grand rassemblement du monde énergétique. La conférence CERAWeek réunit plus de 7000 personnes.
Contrairement aux scéna‐ rios de l’Agence internatio‐ nale de l’énergie, Amin Nas‐ ser ne croit pas à un pic de la demande d’hydrocarbures dans cette décennie, mais plutôt à une croissance conti‐ nue jusqu'en 2045.
Il cite en exemple l'aug‐ mentation de la production de gaz naturel et de charbon, alors que la demande d’éner‐ gie des pays en voie de déve‐ loppement est encore sur la pente ascendante.
C’est loin d’être l’avenir que certains attendaient.
Amin Nasser, PDG de la pétrolière Aramco
En décembre, lors de la 28e conférence sur le climat de l'ONU, près de 200 pays ont signé une entente pour s’éloigner des combustibles fossiles.
Mais très vite, le ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdelaziz ben Sal‐ mane, a affirmé que l’entente n’engageait pas les produc‐ teurs à changer leurs façons de faire.
Priorité au consomma‐ teur
Le message des consom‐ mateurs est le suivant : ils veulent de l’énergie qui aide à protéger la planète et leurs finances avec peu de pertur‐ bations de leur vie quoti‐ dienne. Malheureusement, l’actuelle stratégie de transi‐ tion fait fi de ce message, a fait valoir Amin Nasser.
Le PDG d’Aramco n’est pas le seul à mettre l’accent sur la question de l’abordabilité. Si l’année dernière les pétro‐ lières insistaient sur l’impor‐ tance d’avoir des approvi‐ sionnements sécuritaires à la lumière des sanctions contre la Russie, cette année plu‐ sieurs entreprises évoquent en plus le coût de cette tran‐ sition sur le consommateur.
Tout le monde veut at‐ teindre zéro émission, mais personne ne veut payer le prix, a déclaré le PDG d’ExxonMobil, Darren Woods,
à la même conférence. En l’état, nous ne sommes pas sur la voie du zéro émission d’ici 2050.
Le dirigeant a aussi émis des doutes sur la faisabilité de certaines technologies, notamment la capture du carbone pour les secteurs où le dioxyde de carbone est moins concentré. Toutes ces technologies sont à des stades préliminaires. [...] Je suis optimiste, mais je ne suis pas persuadé qu’elles réussiront.
Aucune nouvelle techno‐ logie propre n’est pour l’ins‐ tant viable sans subvention et politique gouvernemen‐ tale selon Darren Woods.
Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a aussi rappelé aux gouvernements qu’ils devraient prendre en compte l’impact sur les consommateurs. Si vous allez trop vite, vous courrez le risque de devoir reculer. [...] Vous pouvez réglementer, mais si les gens ne le veulent pas, ils voteront pour
d’autres personnes.
Une autre vision
La secrétaire américaine de l’Énergie, Jennifer Gran‐ holm, a toutefois présenté une autre vision des de‐ mandes des consommateurs et des investisseurs. À quelques mois des élections américaines, elle a défendu la politique de son gouverne‐ ment qui met l’accent sur les technologies propres.
L’impulsion pour une tran‐ sition énergétique propre est indéniable, a-t-elle souligné plusieurs fois lors de son dis‐ cours. Elle a ajouté que l’in‐ vestissement pour l’énergie propre surpasse celui pour les hydrocarbures tous les ans depuis 2016.
Les consommateurs de‐ mandent un changement. Les communautés de‐ mandent un changement. Les investisseurs demandent un changement. Nous tous, dans cette pièce, avons le pouvoir de gérer cette transi‐ tion de manière responsable et urgente.
Jennifer Granholm, secré‐ taire américaine de l'Énergie
Dans une déclaration transmise par courriel, Keith Stewart, stratégiste à Green‐ peace Canada a affirmé ne pas être surpris des déclara‐ tions d’Amin Nasser.
La vérité est que nous avons déjà d’autres solutions plus abordables que le pé‐ trole et le gaz naturel en ma‐ tière de transport, de chauf‐ fage des maisons et de pro‐ duction d’électricité.