Israël acceptera-il de libérer Marwan Barghouti?
Le Hamas demande la libé‐ ration du militant palesti‐ nien emprisonné Marwan Barghouti, issu du Fatah, dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu et de libé‐ ration des otages qui est toujours en discussion.
Lundi, le comité des pri‐ sonniers palestiniens lançait l’alerte : Marwan Barghouti subirait de la torture dans sa prison israélienne, coupé de tout contact.
Pour la justice israélienne, c'est un terroriste. Marwan Barghouti purge cinq peines de prison à perpétuité depuis 20 ans.
Pour les Palestiniens, c'est un résistant, un héros de la trempe de Nelson Mandela en Afrique du Sud.
Pour moi, bien sûr, c’est un père, d’abord et avant tout. Et c’est mon modèle, dit Arab Barghouti, fils du mili‐ tant palestinien, dans le sa‐ lon de l’appartement familial de Ramallah, en Cisjordanie.
Cadet de quatre enfants, Arab Barghouti n’avait que 11 ans quand son père a été condamné. Depuis, l'homme de 33 ans ne le voit que quelques fois par année.
Aujourd’hui, son père Marwan se trouve au coeur des négociations entre Israël et le Hamas, qui a demandé sa libération.
La question de la gouver‐ nance d’après-guerre à Gaza reste entière et Marwan Bar‐ ghouti apparaît, pour plu‐ sieurs, comme une solution de rechange au Hamas et à la corruption de l’Autorité pa‐ lestinienne de Mahmoud Ab‐ bas.
Sa place est auprès du peuple palestinien. Mon père n’est pas une personne vio‐ lente. En même temps, il ne fera pas de compromis, il n’abandonnera jamais les droits des Palestiniens.
Arab Barghouti, fils de Marwan Barghouti
Israël a accusé Marwan Barghouti d’avoir fondé les Brigades des martyrs d’AlAqsa, la branche armée du Fatah, début 2000 et l’a in‐ culpé de 26 chefs d’accusa‐ tion de meurtre et de tenta‐ tive de meurtre attribués au groupe.
Il n’a jamais coopéré avec la cour israélienne. Il ne re‐ connaissait pas la légitimité qu'avait le tribunal israélien de le condamner en tant que membre du Parlement, ex‐ plique Arab Barghouti.
Un engagement précoce pour la cause palestinienne
Marwan Barghouti est tombé très jeune dans la po‐ litique, au service de la cause palestinienne. À 15 ans, il s’est joint au Fatah de Yasser Arafat. Il a connu la prison une première fois, cinq ans après la première Intifada de 1987, puis l’exil forcé en Jor‐ danie.
À la signature des accords d’Oslo, il a pu rentrer chez lui. Le jeune leader charisma‐ tique était pressenti pour succéder au révolutionnaire vieillissant. Il croyait et croit toujours à la paix avec ses voisins, dit son fils.
Ce n’est pas comme si du jour au lendemain, mon père, un dirigeant palesti‐ nien, avait décidé qu’il voulait tuer les Israéliens comme on veut le faire croire. Non. Il a travaillé avec eux, il les a ren‐ contrés, il a voyagé avec eux.
Arab Barghouti, fils de Marwan Barghouti
Yossi Beilin, un politicien israélien, a bien connu Mar‐ wan Barghouthi alors qu’il était ministre de la Justice.
Il soutenait beaucoup le processus d’Oslo, il croyait au bon voisinage et à la solution à deux États, si je peux le dire comme ça, sans baratin, se rappelle M. Beilin.
Yossi Beilin croit que l’échec des négociations de Camp David, en 2000, a poussé Marwan Barghouti à durcir le ton. Quand le pre‐ mier ministre israélien Ariel Sharon s’est rendu sur l’es‐ planade des Mosquées, le site de la mosquée d’Al-Aqsa, il a mis le feu aux poudres en ce qui touche le ressentiment des Palestiniens, dit-il.
Lors de notre dernière rencontre, deux ans avant son arrestation, il m’a dit qu’il avait cru aux accords d’Oslo, qu’il avait voulu la paix avec nous, mais qu’on l’avait jeté en l’air. Il m’a prévenu : "Nous sommes en compétition avec le Hamas et si nous démon‐ trons à notre peuple que la voie de la paix était un échec, le Hamas va prospérer, parce qu’eux disent depuis toujours : ne faites pas confiance aux Juifs, ne faites pas la paix avec eux."
Yossi Beilin, ancien mi‐ nistre israélien de la Justice
Un acteur majeur
Marwan Barghouti a joué un rôle clé lors des soulève‐ ments populaires de la pre‐ mière et de la deuxième Inti‐ fada. Il a mené des manifes‐ tations en prononçant des discours incendiaires.
Peu de temps avant son arrestation, en 2002, il a sur‐ vécu à une tentative d’assas‐ sinat des Israéliens.
Le gars n’est pas innocent, je le reconnais, dit Yossi Bei‐ lin. Je dis simplement que c’était stupide de l’arrêter et stupide de le garder en pri‐ son.
C’était un ami, se souvient avec le sourire Meir Chetrit, alors ministre israélien de la Justice. Mon impression de lui, c’est qu’il était contre la corruption de l’Autorité pa‐ lestinienne. Il était contre Arafat et il soutenait la paix avec Israël sérieusement. Il croyait que nous devions vivre en paix et il voulait bâtir un État démocratique.
M. Chetrit aime raconter que Marwan Barghouti a passé une nuit entière à le soigner lors d’un voyage d’af‐ faires en Italie. Victime d’un malaise, fiévreux, c’est au Pa‐ lestinien qu’il a demandé de l’aide. Il a apporté les couver‐ tures de toute la délégation palestinienne et s’est allongé sur moi toute la nuit.
Malgré l’amitié qu’il a en‐ tretenue avec Marwan Bar‐ ghouti, il croyait légitime d’ar‐ rêter le leader palestinien.
Ça me désole parce que je crois que c’est un des bons.
Selon moi, encore au‐ jourd’hui, même en prison, s’il y avait des élections au sein de l’Autorité palesti‐ nienne, personne ne pourrait le battre. Il gagnerait, depuis la prison.
Meir Chetrit, ancien mi‐ nistre israélien de la Justice
Il est vrai que, depuis sa cellule, Marwan Barghouti a toujours pesé lourd sur la si‐ tuation politique. Les gens l’admirent, les jeunes. Et bien sûr, la prison lui donne en‐ core plus d’importance, elle en fait un leader évident, dé‐ crit Meir Chetrit.
Selon un sondage publié en décembre 2023 par le Centre palestinien de re‐ cherche politique et d’en‐ quête, 57 % des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vo‐ teraient pour lui, devant Mahmoud Abbas, l’actuel président, et Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas.
Il est accepté par beau‐ coup de membres du Hamas; aucun dirigeant palestinien n’est aussi accepté de tous les partis et mouvements, fait valoir l'ex-ministre israé‐ lien Yossi Beilin. Si la ques‐ tion est de savoir si le gou‐ vernement israélien doit l'empêcher d’être libéré, bien sûr que non.
Cet espoir qu’il repré‐ sente, le gouvernement ac‐ tuel n’en veut pas, selon Meir Chetrit, un ancien du Likoud de Benyamin Nétanyahou. Le gouvernement actuel ne le laissera jamais sortir de pri‐ son.
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L’isolement et la torture
Depuis l'attaque du Ha‐ mas du 7 octobre, Marwan Barghouti a été placé en iso‐ lement. Ses avocats et sa fa‐ mille s'inquiètent des mau‐ vais traitements qu’il subit, affirment-ils. Il est roué de coups, on lui a cassé la clavi‐ cule et il est privé de soins, affirme Arab Barghouti.
Il n’y a pas à manger, ils ne donnent que trois cuillères de riz et deux petits morceaux de pain pour une