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Identité usurpée sur Facebook : MarieClaud­e Barrette se tourne vers les tribunaux

- Karine Mateu

L'animatrice Marie-Claude Barrette, qui reproche à Fa‐ cebook de ne pas avoir agi lorsque son identité et son image ont été usurpées pour frauder des utilisa‐ teurs du réseau social, vient de déposer une de‐ mande d'action collective contre la maison mère de la plateforme, Meta.

Une fausse nouvelle pu‐ bliée sur Facebook utilisant un prétendu article de La Presse montrait l'animatrice faire la promotion de la cryp‐ tomonnaie à l'émission Tout le monde en parle, mais tout cela ne s'était jamais produit. Un lien invitait ensuite les uti‐ lisateurs à investir dans une compagnie de cryptomon‐ naie qui n'existait pas.

Des personnes se sont toutefois fait prendre pour fi‐ nalement se rendre compte qu'il s'agissait d'une fraude. Leur argent s'était envolé. En plus de Marie-Claude Bar‐ rette, l'animateur Normand Brathwaite et d'autres ont aussi été ciblé par un strata‐ gème frauduleux similaire.

Pourquoi les tribunaux?

J'ai contacté la police, je suis allée vers les médias, j'ai fait des posts pour dire que cela était faux, mais quand les gens ont commencé à me dire : "Tu vas me rembour‐ ser", avec certaines menaces, je me suis dit : "Moi, je ne peux pas vivre ça!" Je trouvais que psychologi­quement, ça devenait difficile, sans issue, a raconté Marie-Claude Bar‐ rette au micro de l'émission Midi info sur ICI Première.

L'animatrice a aussi com‐ muniqué avec Meta pour dé‐ noncer la situation. L'entre‐ prise lui a répondu que la pu‐ blicité répondait à ses cri‐ tères, affirme Mme Barrette.

Intenter une action collec‐ tive contre Meta, je me rends compte, avec tous les mes‐ sages que je reçois, qu'on de‐ vait le faire!

Marie-Claude Barrette Même La Presse n'est pas parvenue à faire disparaîtr­e ces fausses nouvelles, malgré deux mises en demeure à Meta et des mois de travail, a raconté à Midi info l'éditeur adjoint et vice-président à l'informatio­n du média mont‐ réalais, François Cardinal.

En outre, ces problèmes sont survenus au moment où les plateforme­s de Meta ne relaient plus les vraies nou‐ velles des médias tradition‐ nels en raison d'un différend avec le gouverneme­nt fédé‐ ral concernant la Loi sur les nouvelles en ligne, a souligné M. Cardinal.

Marie-Claude Barrette, qui ne voulait pas rester les bras croisés, a demandé conseil auprès du président de l’Aca‐ démie de formation et de prévention sur la fraude, Syl‐ vain Paquette.

Les forces policières, même si elles réussissen­t à localiser ces gens-là, est-ce qu'elles vont avoir la capacité de procéder à leur arresta‐ tion dans ces pays-là? Nous, nous avons identifié que c'était un réseau qui oeuvre à partir de l'Europe de l'Est, précise M. Paquette.

Les groupes de fraudeurs [en Europe de l'Est] ont beau‐ coup de moyens, ils font plu‐ sieurs milliards de dollars par année et ils ont les moyens de corrompre les politicien­s ou les policiers, donc, d'arrê‐ ter ces gens-là, c'est difficile. À ce moment-là, il faut se re‐ tourner vers des entreprise­s qui collaboren­t avec eux.

Sylvain Paquette, pré‐ sident de l'Académie de for‐ mation et de prévention sur la fraude

C'est à ce moment que les démarches d'action collective contre Meta ont été enta‐ mées.

Une loi favorable

Selon le professeur de droit à l’Université de Mon‐ tréal Pierre Trudel, il est bien difficile d'avoir gain de cause dans une telle action collec‐ tive aux États-Unis, parce qu'il y a une loi qui décrète que les intermédia­ires comme Facebook ne sont pas responsabl­es du contenu lorsqu'il est fourni par un tier.

Au Québec, par contre, l'article 22 de la Loi sur le cadre juridique des technolo‐ gies de l'informatio­n est un peu moins favorable à ces plateforme­s, mais il y a tout de même des conditions à respecter.

Tout risque de tourner au‐ tour de savoir si Facebook avait connaissan­ce ou était considéré comme pouvant raisonnabl­ement avoir connaissan­ce du caractère illicite ou frauduleux des photos ou des annonces qui étaient publiées sur sa plate‐ forme. C'est le gros enjeu d'un recours comme celui-là.

Pierre Trudel, professeur de droit à l'Université de Montréal

Pour l'avocat qui repré‐ sente les demandeurs devant la Cour supérieure du Qué‐ bec, Me Gérald Samet, ces critères sont respectés dans la présente affaire.

D'abord, c'est une publi‐ cité payante. Quand il y a une publicité payante, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a un contrat avec Facebook et Meta. La deuxième chose, c'est qu'on a signalé la chose à Facebook et Meta, et la ré‐ ponse a été : cette publicité respecte nos normes publici‐ taires. Donc, le contrôle qui a été fait par Facebook et Meta n'a pas été efficace et ils n'ont pas tenu compte de nos observatio­ns, soutient l'avocat.

Il dit avoir confiance pour la suite, même si le combat contre Meta peut ressembler à celui de David contre Go‐ liath.

Selon Me Samet, il faudra attendre de trois à six mois pour savoir si la Cour auto‐ rise l'action collective. Tous ceux qui auront donné leur nom pourront en faire partie, tant les personnali­tés dont l'image a été usurpée que les investisse­urs qui ont été fraudés. La bataille judiciaire pourra alors commencer.

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