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Les cimenterie­s confrontée­s à leur énorme empreinte carbone

- Vincent Rességuier

« Quand on parle de GES, c'est ici que ça passe », lance Gilles Autote, en pointant les fours de la ci‐ menterie de SaintConst­ant, en Montérégie.

L'usine produit près de 900 000 tonnes de ciment par année et exploite sur le même site une carrière de calcaire, précise le porte-pa‐ role québécois de l'entreprise Lafarge, une filiale de Holcim, le premier producteur mon‐ dial de béton.

La températur­e des im‐ menses tubes métallique­s monte au-delà de 1400 de‐ grés Celsius pendant la trans‐ formation du calcaire en clin‐ ker, le principal élément du ciment standard, appelé gé‐ néralement ciment Portland.

Pour produire une tonne de clinker, près 800 kilos de gaz carbonique sont relâchés dans les airs au moment de la combustion. C'est la princi‐ pale raison pour laquelle ce matériau a une lourde em‐ preinte carbone.

Conséquemm­ent, il sera difficile pour cette industrie d'atteindre l'objectif de car‐ boneutrali­té fixé par Québec en 2050.

La cimenterie de SaintConst­ant a émis 774 000 tonnes de GES en 2021 et, d'ici 2030, elle veut réduire ses émissions de 30 %. Tout un défi, reconnaît M. Autote, en se disant tout de même optimiste.

Le recours à des pro‐ duits alternatif­s

Pour atteindre cet objec‐ tif, Lafarge vient de modifier sa méthode de fabricatio­n. Jusque-là, le carbone calciné représenta­it plus de 70 % de la compositio­n du ciment. Dans la nouvelle recette, une partie du clinker est rempla‐ cée par du calcaire brut, qui n’a donc pas besoin d’être chauffé.

Les anciennes normes ca‐ nadiennes imposaient un maximum de 5 % de calcaire dans le produit fini. La limite s’élève désormais à 15 %. La cimenterie entend ainsi dimi‐ nuer ses émissions de GES de 60 000 tonnes dès cette année.

Pour réduire la proportion de clinker, Lafarge a déjà re‐ cours à d'autres produits dits alternatif­s. La plupart sont des résidus industriel­s comme les cendres volantes, une matière issue de la com‐ bustion du charbon, ou le lai‐ tier, un résidu de la fabrica‐ tion de l'acier.

Le but ultime, explique Gilles Autote, est d’augmen‐ ter progressiv­ement la pro‐ portion d’ingrédient­s ayant une empreinte carbone moindre par rapport au car‐ bone calciné.

Mais pour chaque modifi‐ cation de la recette, le défi est d'obtenir un béton de qualité et de gagner la confiance des clients parfois dubitatifs, précise-t-il.

Des cimenterie­s en re‐ tard

Dans son laboratoir­e de l’Université de Sherbrooke, le professeur en génie civil et chimique Arezki Tagnit-Ha‐ mou mène justement des re‐ cherches pour faire évoluer la compositio­n des ciments.

Il collabore avec les ci‐ mentiers pour adopter de nouvelles technologi­es et avec le gouverneme­nt qué‐ bécois pour faire adopter des normes en conséquenc­e.

Selon lui, les solutions sont connues depuis très longtemps et il ne faut pas perdre de temps pour ré‐ pondre à l’urgence des chan‐ gements climatique­s.

Il observe d'ailleurs un changement de paradigme et soutient que l’empreinte car‐ bone du ciment s’avère dé‐ sormais un paramètre incon‐ tournable.

Il faut vraiment inclure dans le plan de match la di‐ minution du CO2.

Arezki Tagnit-Hamou, di‐ recteur du Centre de re‐ cherche sur les infrastruc‐ tures en béton de l’Université de Sherbrooke

Sauf que les cimenterie­s ne partent pas toutes du même point. Certaines ont recours à des technologi­es très avancées, d’autres sont très en retard et, selon lui, elles devraient profiter de ce changement de paradigme pour aller vers des solutions plus innovantes.

L'usine de Ciment Québec, située à Saint-Basile, dans la région de Portneuf, a investi près de 150 millions de dol‐ lars pour moderniser ses ins‐ tallations, grâce notamment à une contributi­on de Qué‐ bec à hauteur de 46 millions

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