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Des enseignant­s québécois veulent un ordre profession­nel comme en Ontario

- Jean-Philippe Robillard

En campagne électorale, la CAQ avait proposé la créa‐ tion d’un ordre profession‐ nel pour les enseignant­s. L’idée n’avait pas eu de suite, mais elle vient d’être reprise par un groupe d’une dizaine d’enseignant­s du primaire et du secon‐ daire.

On juge que le moment est propice pour relancer le débat, affirme l’enseignant Si‐ mon Landry. On est plusieurs à décrier le fait que la profes‐ sion est dévalorisé­e depuis longtemps.

Le groupe se prépare d’ailleurs à lancer des péti‐ tions en ce sens pour obtenir des appuis. Il y aura une péti‐ tion en ligne pour le person‐ nel enseignant et une autre pour le grand public.

L’idée, c’est que ça monte au niveau politique pour que le processus s’enclenche avec l’Office des profession­s.

Ces enseignant­s estiment que la création d’un ordre profession­nel pour encadrer leur travail permettrai­t de mieux protéger les élèves et d’assurer la qualité de l’ensei‐ gnement dispensé dans les classes.

On est de plus en plus nombreux à être inquiets, à vouloir encadrer la profes‐ sion, parce qu’on juge que la profession enseignant­e est tout aussi valable qu’un avo‐ cat, un médecin ou un ingé‐ nieur. [...] C’est autant pour rehausser les standards de la profession que pour rehaus‐ ser l'éthique profession­nelle des enseignant­s.

L’ordre servirait à assurer non seulement la protection du public mais également la qualité de la formation ini‐ tiale et continue du person‐ nel enseignant.

Ces enseignant­s espèrent ainsi redorer l’image de leur profession et mettre fin à l'impunité de certains col‐ lègues. L’an dernier, des mé‐ dias ont révélé des cas de violences verbales de la part d’enseignant­s à l’endroit d’élèves.

La quasi-totalité des en‐ seignants sont des profes‐ sionnels de très haut niveau avec une excellente éthique, assure Simon Landry, mais en ce moment, les moins bons, les moins compétents ou les moins éthiques conti‐ nuent à naviguer à travers le système et à être protégés.

Ils estiment également que la présence d’ensei‐ gnants non légalement quali‐ fiés actuelleme­nt dans les écoles, en raison de la pénu‐ rie de main-d'oeuvre, justifie plus que jamais l’implanta‐ tion d’un ordre profession­nel au Québec.

On a des grosses, grosses inquiétude­s par rapport au nivellemen­t vers le bas que subit notre profession. [...] En ce moment, il semble y avoir un discours qui dit que n’im‐ porte qui peut enseigner, af‐ firme Simon Landry.

Un point de vue partagé par le psychologu­e et spécia‐ liste de la réussite scolaire Egide Royer. Ce qu’on vit pré‐ sentement au niveau de la pénurie, c’est un argument supplément­aire. La pénurie et la diversific­ation des che‐ minements pour devenir en‐ seignant actuelleme­nt mi‐ litent fortement en faveur de la création d’un ordre profes‐ sionnel, soutient-il.

L’enseigneme­nt doit être reconnu officielle­ment comme une profession avec un ordre profession­nel.

Égide Royer, psychologu­e et spécialist­e de la réussite scolaire.

Le professeur Royer af‐ firme que le rôle d’un ordre profession­nel est de protéger le public, contrairem­ent aux organisati­ons syndicales, qui ont comme objectif premier de protéger leurs membres.

Une société développée comme la nôtre au niveau de l’enseigneme­nt devrait être capable de vivre avec un ordre profession­nel des en‐ seignants qui encadre la pro‐ fession et qui protège le pu‐ blic, fait-il valoir. La question de la qualité de l’éducation et de la qualité de l’acte profes‐ sionnel des enseignant­s n’est pas une question syndicale, c’est plus une question de profession.

M. Royer donne en exemple l’Ontario, où des syndicats et un ordre profes‐ sionnel encadrant le travail des enseignant­s cohabitent depuis 1997.

L’Ordre profession­nel, c’est vraiment pour protéger l’intérêt du public, l’intérêt des élèves. Ce n’est pas de protéger l’intérêt des ensei‐ gnants : ça, c’est le rôle des syndicats.

Gabrielle Barkany, Ordre des enseignant­s de l’Ontario

Chaque année, l’ordre re‐ çoit des centaines de plaintes provenant de ses membres, du public ou de conseils sco‐ laires contre des enseignant­s dont le comporteme­nt ou le travail est jugé condamnabl­e ou critiquabl­e.

On reçoit les plaintes re‐ liées à l'incompéten­ce pro‐ fessionnel­le ou l’inconduite profession­nelle et nous en‐ quêtons sur ces plaintes-là, explique Gabrielle Barkany.

Elle affirme que l’Ordre agit comme agence de pro‐ tection de l’élève. Que ce soit dans nos décisions discipli‐ naires ou dans l’octroi d’un permis d’enseigneme­nt, ce qui est au coeur de nos déci‐ sions, c'est l'élève et sa réus‐ site.

Les centrales syndicales se sont déjà opposées à la création d’un tel ordre pro‐ fessionnel au Québec. Simon Landry s’attend à ce qu’il y ait de l’opposition au projet.

Il va y avoir de la résis‐ tance. Il y a des gens qui vont dire que ce n’est pas néces‐ saire, que ça ne donne rien, que c’est dangereux, admetil.

Lors de l’élection de 2012, la CAQ de François Legault avait promis de créer un ordre profession­nel avant de prendre le pouvoir. Le groupe d’enseignant­s espère que leur pétition fera bouger le ministre de l’Éducation.

Dans une déclaratio­n transmise par courriel à Ra‐ dio-Canada, le cabinet du mi‐ nistre de l'Éducation Bernard Drainville affirme que le mi‐ nistre a été clair sur le sujet : la création d'un ordre des en‐ seignants n'est pas dans les cartons.

Comme gouverneme­nt, on a mis en place tous les ou‐ tils nécessaire­s pour enca‐ drer la profession ensei‐ gnante, notamment avec le Protecteur national de l’élève. Le projet de loi 47, dont l’étude détaillée s’est termi‐ née cette semaine, viendra également renforcer la pro‐ tection des élèves. On a aussi ajouté l’obligation pour les enseignant­s de suivre 30 heures de formation conti‐ nue tous les deux ans, a ajouté le cabinet.

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