Le « courage de Mulroney », l’Afrique du Sud et Gaza
Le haut-commissaire de l’Afrique du Sud au Canada rend hommage à Brian Mulroney, qui a contribué à fissurer le régime de l'apar‐ theid dans son pays. Selon lui, le leadership de l’an‐ cien premier ministre de‐ vrait servir d’exemple à Jus‐ tin Trudeau dans sa ré‐ ponse au conflit au ProcheOrient. Le diplomate, qui qualifie la situation dans la bande de Gaza « d’apar‐ theid israélien », encou‐ rage le Canada à recon‐ naître l’État palestinien.
Entrevue avec Rieaz Shaik, haut-commissaire de l’Afrique du Sud au Canada.
Si vous aviez à décrire Brian Mulroney en un mot, quel serait-il?
Le courage de M. Mulro‐ ney. C’était courageux, ce qu’il a fait pour l’Afrique du Sud à un moment extrême‐ ment difficile, où l’appui au gouvernement de l’apartheid était consolidé derrière le Royaume-Uni de Margaret Thatcher et les États-Unis de Ronald Reagan.
Ils étaient assez hégémo‐ niques dans leur soutien à l’apartheid, et le courage de Brian Mulroney a brisé cette hégémonie. Cela a conduit à une ouverture, une petite fis‐ sure par laquelle la lumière est entrée. C’est ce qu’on ap‐ pelle Vulindlela, ouvrir la voie (en langue xhosa) à d’éven‐ tuelles sanctions contre l’Afrique du Sud.
À quel point le fait de te‐ nir tête à Margaret That‐ cher fut déterminant?
C’était énorme. Je lisais sur cette rencontre du Com‐ monwealth à Vancouver (1987) où Brian Mulroney s’est emporté contre Marga‐ ret Thatcher. Il faut com‐ prendre que son règne sur le Commonwealth était su‐ prême à l’époque et Brian Mulroney lui a tenu tête à propos de l’enjeu moral du moment, c’est-à-dire la mise en échec de l’apartheid, une forme de gouvernement fon‐ dée sur l'origine ethnique et la discrimination raciale.
Il nous a appris que cer‐ taines mesures prises par les gouvernements en période de crise, même si elles peuvent sembler sans consé‐ quences sur le moment, peuvent constituer une étape cruciale vers le changement.
Brian Mulroney a été fait compagnon de l’Ordre d’O.R. Tambo en raison de ses contributions pour l’Afrique du Sud : premièrement dé‐ noncer l’apartheid, deuxiè‐ mement militer pour la libé‐ ration de Nelson Mandela et finalement imposer des sanc‐ tions contre l’Afrique du Sud.
Nelson Mandela avait de l’intuition pour reconnaître une personne authentique. Pour lui, le combat de M. Mulroney pour l’Afrique du Sud n’était pas opportuniste, mais un geste authentique.
C’est ce que M. Mandela a voulu honorer quand il est venu au Canada et cela ex‐ plique les commentaires très personnels à l’endroit de M. Mulroney dans son discours aux Communes (juin 1990).
Comment le combat de Brian Mulroney contre l’apartheid peut-il inspirer nos leaders politiques au‐ jourd’hui?
Difficile de ne pas faire le parallèle entre l’apartheid sud-africain et l’apartheid is‐ raélien. [...] Je pense que le premier ministre Mulroney peut servir de modèle pour inciter un dirigeant ou un groupe de dirigeants à suivre ses traces et faire pour le conflit israélo-palestinien ce qu’il a fait pour l’Afrique du Sud.
C’est une simple question de courage. Nous voyons tous quotidiennement la souffrance des gens à la télé‐ vision. Je pense qu'il arrive un moment où la souffrance humaine est telle que vous ne pouvez plus la supporter et vous vous exprimez. C'est ce qu'a fait M. Mulroney. Au‐ jourd’hui, des dirigeants mondiaux doivent le faire. Je pense certainement que Joe Biden, le président des ÉtatsUnis, doit le faire. Je pense certainement que le premier ministre Trudeau devrait y penser. Nous avons besoin d'un leader qui se rallie et dit : C’est assez. Ce qui se passe