Qu’est-ce qui bloque les projets de captage et stockage du carbone?
Les gouvernements fédéral et albertain ont annoncé des incitatifs aux projets de captage et stockage du carbone (CSC). Malgré cela, les investissements ne se débloquent pas.
Même aux États-Unis où les incitatifs du Inflation Re‐ duction Act étaient considé‐ rés comme un fleuron, les projets sont lents à prendre forme.
Les incitatifs actuels ont échoué à fédérer les indus‐ tries, notent les analystes de S&P GlobalCommodity In‐ sights. Des défis pour com‐ mercialiser [la technologie] persistent, à cause surtout du coût.
Effet de l'inflation
Selon Claude Letourneau, président-directeur général de l’entreprise Svante, l’incita‐ tif américain de 85 $ la tonne de CO2 entreposée était suf‐ fisant il y a deux ans. Mais il y a eu l'inflation et le coût des projets a grimpé d'envi‐ ron 30 %.
L’entreprise canadienne développe un filtre pour cap‐ ter le CO2. Son usine de fa‐ brication est en cours de construction en ColombieBritannique, mais la plupart de ses projets sont aux ÉtatsUnis.
Au sud de la frontière, son entreprise a réussi à contour‐ ner le problème en bénéfi‐ ciant d’un autre incitatif qui finance la commerciale.
démonstration
Des annonces, mais pas encore de loi
Au Canada, un autre pro‐ blème s’ajoute à l’inflation, selon Claude Letourneau. Le gouvernement a développé plusieurs crédits d’impôt à l’investissement, dont un qui rembourse jusqu’à 50 % des dépenses d’infrastructure de CSC.
Ce sont de très bons pro‐ grammes pour stimuler l'in‐ dustrie du captage de CO2. Mais malheureusement, ces programmes-là n’ont pas été mis sous forme de loi, ex‐ plique-t-il.
Le projet de loi est encore en discussion en comité.
Sans loi proclamée, les in‐ vestisseurs ne libèrent pas les cordons de leur bourse, dit-il, d’autant plus que l’arri‐ vée d’un nouveau gouverne‐ ment pourrait changer la donne.
Il faut absolument que le gouvernement convertisse chacun de ces programmes en loi, dans les prochaines semaines, pas dans les huit prochains mois.
Claude Letourneau, PDG de Svante
L’Alliance nouvelles voies, un regroupement de six ex‐ ploitants des sables bitumi‐ neux, dit rencontrer le même problème. Son projet de CSC, sur la table depuis 18 mois, est évalué à 16,5 milliards de dollars.
On a beaucoup d’outils sur la table, du point de vue financier et réglementaire, qui sont suffisants, mais il y a beaucoup d'incertitudes, ex‐ plique le président de l’Al‐ liance, Kendall Dilling.
Il cite en exemple les contrats sur la différence car‐ bone qui visent à garantir un prix sur le carbone, même si la politique change au cours de la durée de vie du projet.
On est proche [...] Je crois qu’on va finir par prendre une décision d’investisse‐ ment final pour procéder.
Kendall Dilling, président de l'Alliance nouvelles voies
En attendant, l’Alliance dé‐ posera une demande régle‐ mentaire dans les prochains jours.
Pourquoi des fonds pu‐ blics?
L’attribution de fonds pu‐ blics à des entreprises très profitables a suscité de nom‐ breuses critiques. À la confé‐ rence CERAWeek, le ministre albertain de l'Énergie, Brian Jean, a toutefois expliqué qu'une fois en place, le projet de CSC de l'Alliance ajoutera 1 $ au coût du baril de pé‐ trole sortant des sables bitu‐ mineux.
L’industrie et les gouver‐ nements parient que le mar‐ ché passera outre ce coût plus élevé pour privilégier un pétrole à faible intensité car‐ bone. Ce n’est toutefois pas encore le cas, note Kendall Dilling, ce qui rend peu at‐ tractif l’investissement privé.
Selon le président de l’Al‐ liance, le groupe a jusqu’à la fin de l’année pour prendre une décision d’investisse‐ ment et atteindre ses objec‐ tifs de réduction d’émissions d’ici 2030.