Les cliniques urbaines en santé autochtone, un chemin de réussite à poursuivre.
Quarante-cinq ans après la création du premier centre d’amitié autochtone au Québec, une centaine de personnes se sont réunies pour la première fois afin de discuter de gouver‐ nance en santé autoch‐ tone, constater le chemin parcouru et les obstacles qui demeurent.
Le Forum était organisé par le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ), qui re‐ présente 10 centres aux quatre coins de la province.
En quatre ans, on en a parcouru du chemin, lance la directrice de l’Observatoire des réalités autochtones ur‐ baines mis sur pied par le RCAAQ, Julie Girard.
Car si la commission Viens et la mort de Joyce Echaquan ont mis en lumière l’urgence d’avoir des centres de santé autochtones, comme celui de Val-d’Or, ce n’est qu’en 2021 que Québec a délié les cor‐ dons de la bourse.
Québec avait alors an‐ noncé un investissement de 27 millions de dollars pour ouvrir des cliniques de santé autochtones. Pendant des di‐ zaines d'années, les centres étaient tenus à bout de bras par la volonté et la passion de leurs membres, mais cet investissement a été un tour‐ nant majeur. Il a permis à plusieurs centres d’amitié de consolider et bonifier leur offre et à d’autres d’avoir leur propre clinique de santé.
C’est une des belles mains tendues du Québec vers les Premières Nations que le Québec soit allé dans cette voie, a indiqué la directrice générale du Regroupement des centres d'amitié autoch‐ tones du Québec, Tanya Si‐ rois, qui a salué le climat col‐ laboratif.
Depuis, trois nouvelles cli‐ niques en santé autochtone ont été créées, portant le tout à huit actuellement et trois autres projets sont en développement. Par consé‐ quent, il y a eu une augmen‐ tation des ressources offerte : présence accrue de méde‐ cins, davantage de profes‐ sionnels comme des ortho‐ phonistes, des neuropsycho‐ logues, nutritionnistes, hygié‐ nistes dentaires, etc.
Sans compter les infir‐ mières embauchées qui sont désormais au nombre de huit. La moitié sont membres d’une Première Nation. C’est vraiment touchant et magni‐ fique. C’est une plus-value pour avoir des services sécu‐ risants pour les Premières Nations et les Inuit, c’est l’une des premières avancées qu’on a eues, explique Julie
Girard.
La place des interventions culturelles et de l’approche des aînés est une des autres grandes avancées qu’ont connues les centres d’amitié autochtones. Avant, ils étaient présents, mais on n'avait peut-être pas les res‐ sources de les intégrer de la façon dont on voulait, précise Julie Girard. Désormais, ils sont complètement intégrés et mis en valeur. L'approche est holistique.
Entre 4 à 47 personnes fréquentent quotidienne‐ ment chacune des huit cli‐ niques. L’an dernier, 16 000 heures de soins en tout genre ont été prodiguées, des gens qui ne seraient pas allés dans le réseau de la santé traditionnel, affirme Ju‐ lie Girard.
Car malheureusement, le réseau [public] n’est pas tou‐ jours sécurisant pour les Au‐ tochtones. Souvent, les Pre‐ mières Nations, les Inuit ne se reconnaissent pas dans le réseau québécois. Donc ils vont attendre, ils vont endu‐ rer tandis que l’approche de porte d'entrée que sont les centres d’amitié, ça va aider, poursuit-elle.
De plus en plus d’Autoch‐ tones vivent en ville. Selon le recensement de Statistique Canada de 2021, près de la moitié des Autochtones vi‐ vaient de façon permanente dans des villes d’au moins 100 000 habitants.
Des réalités différentes
Ces cliniques desservent plus qu’une nation, les centres d’amitié doivent donc avoir cette sensibilité cultu‐ relle qui va plus loin que de prendre les Autochtones comme un lot, comme c’est le cas généralement dans le réseau de la santé, ont avancé quelques interve‐ nants lors du forum.
La réalité du centre d’ami‐ tié de Senneterre est bien dif‐ férente de celle du centre de Montréal. Pourtant les deux sont des carrefours pour l’au‐ tochtonie urbaine, comme le souligne le coordonnateur de services et chargé de projets au Centre d’entraide et d’ami‐ tié autochtone de Senne‐ terre, Frank-Olivier Dubé. Si à Senneterre, on recréé une petite communauté avec les gens établis, une population vieillissante, et ceux de pas‐ sage, la taille de Montréal et le nombre de personnes au‐ tochtones y vivant rendent plus difficile cette image.
De 2016 à 2021, la plus forte croissance de popula‐ tion autochtone au Canada a d'ailleurs été observée à Montréal (+32,4 %).
Selon le directeur général de Montréal autochtone, Phi‐ lippe Meilleur, la majorité de l’équipe vient d’autres pro‐ vinces, il y a 40 dimensions culturelles dans son orga‐ nisme, la sécurisation cultu‐ relle n’est pas de la même envergure.
À Montréal, les Autoch‐ tones ne sont pas regroupés dans un seul quartier, un seul arrondissement. Ils sont même dans toute la cou‐ ronne, ce qui donne un défi de plus. À cela s’ajoute le tra‐ vail monumental, d’enver‐ gure de réussir à discuter et à se coordonner avec les dif‐ férents CIUSSS, centres de protection de la jeunesse, etc, explique Philippe Meilleur. La difficulté d’avan‐ cer est réelle, à cause de la ri‐ gidité du système.
Parmi les autres obstacles encore sur le chemin, les in‐ tervenants ont mentionné le problème de main d'oeuvre, la réalité linguistique pour ceux dont le français est la troisième langue ou encore la difficulté à naviguer dans le système de santé québé‐ cois. Plusieurs ont donc noté l’importance d’être partenaire dès le départ dans un projet afin de co-construire réelle‐ ment des offres en santé adéquates culturellement.
Il reste des barrières à faire tomber, reconnait Julie Girard, ce que l’Observatoire des réalités autochtones ur‐ baines va continuer à éva‐ luer. Car ce n’est pas encore parfait, il y a du travail à faire. Mais la reconnaissance du travail des centres d’amitié facilite et permet d’enclen‐ cher les vitesses.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a salué le re‐ groupement des centres d’amitié autochtones comme étant un excellent partenaire du réseau de la santé qui fait un travail incroyable pour dé‐ ployer l’approche de sécuri‐ sation culturelle et offrir des soins de santé adaptés aux réalités autochtones.
Selon lui, il y a eu des améliorations depuis que Québec a mis en place l’ap‐ proche de sécurisation cultu‐ relle dans le réseau. Mais il reconnaît que ce n’est pas parfait. Il reste encore beau‐ coup de travail à faire, mais je suis content de voir dans quelle direction on s’en va, at-il précisé.
À lire et écouter aussi :
Premier forum santé sur les préoccupations autoch‐ tones Une clinique pour Au‐
tochtones à Val-d’Or La cli‐ nique Minowé, porte d’entrée des Autochtones vers les soins de santé L'urgence de financer des centres de santé autochtones urbains au Qué‐
bec