Atteinte d’un cancer du cerveau, elle déplore l’inaccessibilité d’un traitement prometteur
Manon Laverdière est at‐ teinte d’un glioblastome de stade 4, une forme de can‐ cer du cerveau aux pronos‐ tics défavorables. Elle a eu vent de l'existence du casque Optune, une forme de traitement prometteur approuvé par Santé Ca‐ nada. Mais l'Institut natio‐ nal d'excellence en santé et en services sociaux (IN‐ ESSS) a déconseillé la cou‐ verture du casque. Son coût : 27 000 $ par mois.
En mars, Manon Laver‐ dière franchissait le seuil des 17 mois depuis son diagnos‐ tic, pour lequel on lui avait donné un pronostic de deux ans. À cette annonce, Manon Laverdière se rappelle avoir ressenti un désespoir pro‐ fond.
Ma vie est finie, a-t-elle pensé. [Mes proches] étaient avec moi et je me suis dit : "Bon, je vais m’en sortir, je vais me battre", confie-t-elle entre deux pauses, détermi‐ née à défier les prédictions.
Manon Laverdière a déjà subi une chirurgie, de la chi‐ miothérapie et de la radio‐ thérapie. Il y a quelques mois, elle a entendu parler du dispositif Optune dans les médias. Elle est actuellement sur la liste d’attente pour un essai clinique.
Le casque Optune a été approuvé par Santé Canada le 8 novembre 2022. Le dis‐ positif utilise des champs électriques pour cibler les cellules cancéreuses et limi‐ ter leur division.
C’est un traitement qui a relativement peu d'effets se‐ condaires outre l'irritation de la peau, souligne le Dr David Roberge, chercheur en radiooncologie et professeur ad‐ joint à l’Université McGill. Se‐ lon lui, cela rend le dispositif d'autant plus attrayant pour le traitement des glioblas‐ tomes.
L’INESSS doute de l’effi‐ cacité en situation réelle
Dans son rapport publié en novembre 2023, l'INESSS émet des réserves quant à l'efficacité du dispositif en si‐ tuation réelle. Les exigences du traitement, comme l'ins‐ tallation du dispositif sur le crâne du patient ou la néces‐ sité de le porter pendant une longue période de temps, peuvent être contraignantes, souligne-t-on.
Par exemple, l'INESSS af‐ firme que l'aide d'une per‐ sonne supplémentaire est nécessaire pour permettre aux patients de mettre le casque.
Le Dr Roberge, qui a pi‐ loté l'essai clinique du casque Optune, affirme que la grande majorité des patients peuvent suivre le traitement à la maison sans problème.
Toutefois, les patients [at‐ teints d'un glioblastome] ont souvent des limitations cau‐ sées par leur tumeur ou leur traitement. Ce n'est pas im‐ possible, mais ce n’est pas fa‐ cile, admet-il.
L’efficacité du traitement peut également être compro‐ mise si le dispositif est porté pour un nombre d'heures in‐ férieur au seuil recommandé. Selon le Dr Roberge, plus on porte [le casque Optune], mieux c’est. Ses patients le portent entre 12 et 22 heures par jour.
Au sujet du caractère exi‐ geant du traitement, Manon Laverdière affirme que cela ne [la] dérange pas plus que ça. Au début, c'est un deuil à faire, mais tu adaptes ton quotidien puis, pour prolon‐ ger ta vie, je pense que tu es prêt à [ça], ajoute Jacky La‐ verdière, sa fille.
Des coûts élevés
L'INESSS souligne égale‐ ment que les coûts associés à l'utilisation du casque sont élevés par rapport aux béné‐ fices. L’ajout du dispositif au standard de soins ne consti‐ tue pas une option de traite‐ ment efficiente au prix sou‐ mis, est-il mentionné.
Le Dr Roberge conteste ces conclusions, soulignant le bénéfice potentiel du traite‐ ment pour de nombreux pa‐ tients. Il insiste sur la néces‐ sité de rendre le dispositif ac‐ cessible à ceux qui en ont be‐ soin. Je ne vois pas dans le rapport qu'on s'interroge sur les bénéfices du traitement. Il pense plutôt qu'on devrait négocier le prix.
Selon lui, il s’agit égale‐ ment d’un enjeu de temps pour les patients qui comptent leurs derniers jours. Il souligne les avancées dans le traitement de cette maladie, bien que les pronos‐ tics demeurent sombres. Beaucoup de patients vont décéder entre la première et la deuxième année postdiagnostic. Peu de patients survivent à très long terme, soit 5 à 10 ans.
L'INESSS conclut qu'il ne serait pas juste et équitable d’offrir une couverture pu‐ blique au dispositif Optu‐ neMC en raison des incerti‐ tudes soulevées dans ce rap‐ port. Le Dr Roberge pense plutôt que ce serait un peu particulier de dire qu'on em‐ pêche tout le monde d'avoir un traitement parce que cer‐ taines personnes ne pour‐ raient pas l'avoir.
Découragées
Mme Laverdière et sa fa‐ mille ont lancé une pétition en février dans l'espoir de sensibiliser les autorités à leur cause et de permettre l'accès au casque Optune pour les patients atteints d’un glioblastome.
Pour l'instant, Manon La‐ verdière et sa famille se disent découragées par les réponses obtenues.
Une demande adressée au député de Jean-Lesage, Sol Zanetti, n'a pas été de l'avant à la suite de la paru‐ tion du rapport de l'INESSS. Les responsables de l'essai clinique ont avisé Mme La‐ verdière que le recrutement était suspendu.
Jacky Laverdière trouve la situation fâchante. Il y a une solution et on n'y a pas re‐ cours. Je trouve ça plate qu'une question d'argent et d'accessibilité ne pourrait pas sauver la vie de ma mère, dé‐ plore-t-elle.
Chaque IRM et chaque rendez-vous médical est an‐ xiogène pour la famille. C'est un stress qui s'ajoute tout le temps au quotidien, explique Carolane Laverdière, la fille de Manon.
Ça remet beaucoup en question ta perspective de la vie aussi. [On pense] tout le temps que notre mère va être là pour nous accompa‐ gner dans toutes les étapes de notre vie, confie-t-elle dif‐ ficilement, alors qu’elle pré‐ pare son mariage pour 2025.