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Travailleu­rs migrants temporaire­s : le problème balayé sous le tapis, selon des activistes

- Cédric Lizotte

Les changement­s aux pro‐ grammes de travailleu­rs étrangers annoncés jeudi ignorent les problèmes de ces travailleu­rs, selon des activistes. En fait, disentils, le secteur agricole n’est pas touché par la réforme. Or, c’est là que les pro‐ blèmes sont les plus fré‐ quents, selon eux.

Pour certains secteurs de l’économie, le pourcentag­e de travailleu­rs étrangers tem‐ poraires par employeur sera réduit et les employeurs de‐ vront davantage justifier la raison pour laquelle ils ne peuvent embaucher des gens déjà présents au pays.

Or, ce ne sont pas tous les secteurs de l’économie qui sont concernés par ces chan‐ gements qui entrent en vi‐ gueur le 1er mai. Les cultures agricoles - très importante­s dans le Sud-Ouest de l’Onta‐ rio - ne sont que très peu touchées. Et ce secteur em‐ bauche énormément de tra‐ vailleurs étrangers tempo‐ raires.

Le statu quo demeure pour les personnes qui cueillent les fruits et légumes dans la région de WindsorEss­ex, déplore Chris Ramsa‐ roop, qui est un organisate­ur de Justice for Migrant Wor‐ kers [Justice pour les tra‐ vailleurs migrants, traduction libre].

Malgré tout, le représen‐ tant des serres agricoles de la province rappelle le fait que très peu de Canadiens travaillen­t dans le secteur de l’agricultur­e.

Difficile de trouver des employés

Selon Richard Lee, direc‐ teur exécutif de Ontario Greenhouse Vegetable Gro‐ wers, Il est regrettabl­e que nous ne puissions pas trou‐ ver de travailleu­rs canadiens pour travailler dans l'agricul‐ ture et soutenir nos fermes. Dans l'ensemble de l'Ontario, plus de 12 000 travailleu­rs viennent dans ce pays pour soutenir la sécurité alimen‐ taire, ajoute-t-il.

C’est peut-être pour cette raison que les réformes an‐ noncées jeudi ne touchent pas ce secteur et le nombre de travailleu­rs étrangers tem‐ poraires n’en sera pas af‐ fecté.

En fait, ce sont les sec‐ teurs de la fabricatio­n d’ali‐ ments, la fabricatio­n de pro‐ duits en bois, la fabricatio­n de meubles et de produits connexes et les services d’hé‐ bergement et de restaurati­on qui devront réduire le plus le nombre de travailleu­rs tem‐ poraires dans leurs rangs en raison des changement­s ré‐ glementair­es annoncés par le ministre de l’Emploi et du Dé‐ veloppemen­t de la maind’oeuvre, Randy Boissonnau­lt.

Chris Conway, lui, repré‐ sente le secteur des transfor‐ mateurs de produits alimen‐ taires de la province. Doréna‐ vant, les employeurs de ce secteur devront limiter à 20 % le nombre d’employés qui proviennen­t des pro‐ grammes de travailleu­rs tem‐ poraires.

Nous n'utilisons pas au‐ tant de travailleu­rs étrangers temporaire­s que l'agricultur­e primaire, mais nous en utili‐ sons tout de même un nombre important dans cer‐ taines de ces entreprise­s, et il faudra du temps pour que cette mesure fasse son che‐ min dans le système, a dé‐ claré M. Conway, PDG de Food and Beverage Ontario.

Malgré tout, [ces change‐ ments réglementa­ires] ne sont pas perçus comme une bonne chose. La maind'oeuvre est notre principal défi.

Chris Conway, PDG de Food and Beverage Ontario

La nente? résidence perma‐

Le fait que le permis de travail des travailleu­rs tem‐ poraires étrangers soit lié à un employeur en particulie­r est une source constante d’inquiétude­s pour ces tra‐ vailleurs. Un employé tempo‐ raire étranger qui doit quitter son emploi doit ensuite trou‐ ver un nouvel employeur qui a en main une étude d’im‐ pact sur le marché du travail (EIMT) et qui accepte de l’em‐ baucher, sans quoi le tra‐ vailleur risque de retrouver dans les limbes administra‐ tives, ont expliqué des repré‐ sentants de Migrant Workers Alliance, plus tôt ce mois-ci.

Selon Santiago Escobar, du syndicat des Travailleu­rs et travailleu­ses unis de l'ali‐ mentation et du commerce, le programme actuel pré‐ sente un déséquilib­re des pouvoirs car les travailleu­rs migrants sont liés à un seul employeur, ce qui constitue un scénario idéal pour les employeurs peu scrupuleux qui profitent des travailleu­rs migrants.

M. Ramsaroop se dit d’ac‐ cord avec M. Escobar. Cette déclaratio­n du gouverne‐ ment fédéral, selon laquelle des mesures seront prises le 1er mai, ne fera rien pour at‐ ténuer les préoccupat­ions que [ces travailleu­rs] sou‐ lèvent et qu'ils ne cessent de soulever.

Il demande au gouverne‐ ment fédéral d’ouvrir plus de portes aux travailleu­rs tem‐ poraires. Si les voies d'accès à la résidence permanente sont élargies, ce serait une bonne nouvelle pour les tra‐ vailleurs migrants.

En septembre dernier, To‐ moya Obokata, le rapporteur spécial des Nations unies, a affirmé que les programmes de travailleu­rs étrangers tem‐ poraires du Canada sont un terrain propice aux formes contempora­ines d'esclavage.

Dans le cadre de l’engage‐ ment plus large du gouverne‐ ment à protéger les tra‐ vailleurs étrangers tempo‐ raires contre les mauvais trai‐ tements et les abus, le bud‐ get de 2021 a engagé 49,5 millions de dollars sur trois ans pour mettre en oeuvre un nouveau Programme de sou‐ tien aux travailleu­rs migrants afin de mieux soutenir les travailleu­rs étrangers tempo‐ raires en remédiant aux dés‐ équilibres de pouvoir entre les employeurs et les tra‐ vailleurs, précise le gouver‐ nement fédéral dans un com‐ muniqué émis jeudi.

De son côté, le ministre de l’Immigratio­n, Marc Miller, a affirmé jeudi que le nombre grandissan­t de de‐ mandeurs d’asile qui ont un permis de travail ouvert en attendant que leur pape‐ rasse soit traitée est un fac‐ teur dans les décisions du gouverneme­nt fédéral.

Nous ne pouvons pas ignorer les pressions créées par les volumes historique­s de demandeurs d'asile arri‐ vant au Canada. Il est essen‐ tiel de disposer d'un système doté de ressources suffi‐ santes pour traiter efficace‐ ment et équitablem­ent les demandes d'asile et gérer les volumes de résidents tempo‐ raires.

Avec des informatio­ns de CBC

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