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Christine Beaulieu et Lothaire Bluteau rencontren­t le pardon dans La fonte des glaces

- Élise Jetté

Christine Beaulieu et Lo‐ thaire Bluteau incarnent deux humains en quête de liberté dans le long mé‐ trage La fonte des glaces, en salle depuis vendredi.

Louise Denoncourt (Chris‐ tine Beaulieu) est agente cor‐ rectionnel­le dans une aile spéciale consacrée à des per‐ sonnes qui ont commis des meurtres. Marc St-Germain (Lothaire Bluteau) se joint au groupe d’hommes prison‐ niers que Louise côtoie tous les jours en tentant d’instal‐ ler une paix d’esprit en cha‐ cun d’eux.

C’est le scénario qui m’a ramené au Québec, lance Lo‐ thaire Bluteau, quand Chris‐ tine Beaulieu lui demande ce qui l’a convaincu de quitter Los Angeles pour revenir dans la province.

Une femme qui ne montre pas son émotion, mais qui ne parle que de ça, et un homme qui ne veut pas parler de comment il se sent, mais qui est, au contraire, ex‐ plosif, je trouvais ça excep‐ tionnel, explique l'acteur, qui déploie son talent un peu partout dans le monde de‐ puis sa révélation dans Jésus de Montréal, de Denys Ar‐ cand, en 1989.

Christine Beaulieu se rap‐ pelle le personnage de Lo‐ thaire dans Jésus de Mon‐ tréal et avoue avoir été mar‐ quée par son aplomb. Cette posture-là par rapport à la vie, je la trouve forte. Rien ne faisait plier ce gars-là, et Lo‐ thaire est comme ça aussi. Ma vie n’est jonchée que de gens comme ça. Des gens francs, sans bullshit.

Des personnage­s inspi‐ rants

Le réalisateu­r François Pé‐ loquin et la coscénaris­te Sa‐ rah Lévesque ont écrit une lettre à Christine Beaulieu pour lui offrir le rôle de Louise.

Je n’ai jamais reçu une lettre comme celle-là, soufflet-elle en entrevue. C’est à un moment où je ne voulais plus rien faire. J’étais fatiguée. Je suis allée souper avec mon agente et je ne voulais pas parler de travail. Elle a mis le scénario sur la table avec la lettre. J’ai eu les larmes aux yeux. C’est une bonne his‐ toire et c’est mon genre de ton.

Elle a tout de suite été happée par la candeur, la lu‐ mière, la beauté et l’absence de retenue du personnage qu’elle allait habiter.

À ses côtés durant l’entre‐ vue, Lothaire Bluteau s’ex‐ clame, en riant : Je ne l’ai pas eue, moi cette lettre-là. Il a plutôt passé une audition pour jouer le rôle de Marc StGermain.

Ils voulaient voir de quoi j’avais l’air aujourd’hui. C’est normal, je suis un dinosaure. Ils ont travaillé presque dix ans sur ce scénario-là et ils devaient être sûrs que ce que je pouvais amener au per‐ sonnage après l’avoir décou‐ vert en quelques jours, c’était ce qu’ils avaient en tête. Lothaire Bluteau, acteur Sa méthode de travail, très spécifique, l’amène à construire une énergie au‐ tour de son personnage. L’histoire qu’il invente pour la personne qu’il s’apprête à in‐ carner dépasse toutes les lignes du scénario. Quand j’ai fait mon premier film à Paris, je jouais quelqu’un qui avait une maladie et on a changé la maladie de mon person‐ nage après trois mois de tra‐ vail et j’ai dit : "non, vous allez juste changer d’acteur", ra‐ conte Lothaire Bluteau, dé‐ montrant ainsi l’importance qu’il accorde à tout ce qui gravite autour de ses person‐ nages.

Les limites du pardon

La fonte des glaces ex‐ plore toutes les facettes du pardon. De la remise en question aux conséquenc­es, l’action de pardonner se dé‐ ploie du début jusqu'à la fin du film.

J’ai eu à pardonner à une personne autour de moi, se rappelle Christine Beaulieu. J’ai pardonné des affaires que d’autres n’auraient pas par‐ données. Le pardon, je pense que c’est l’une des plus belles choses si on peut l’atteindre.

Je crois qu’on peut se transforme­r. Je suis l’exemple vivant. J’ai vu un psychologu­e chaque semaine pendant huit ans. Je ne suis plus la personne que j’étais avant ça. Je n’ai pas le choix de croire que les humains sont aptes à changer, poursuit l'actrice.

L'emploi de Louise Denon‐ court, son personnage, illustre d'ailleurs ce puissant trait de caractère : croire qu’il est possible de bâtir du beau sur du laid pour avancer.

Du côté de Marc St-Ger‐ main, incarné par Lothaire Bluteau, tout se joue dans les vagues d’émotions qui s'em‐ parent de lui, parce qu’il n’a pas appris à communique­r avec les mots. Son langage est intéressan­t. C’est comme s’il était resté à l’adolescenc­e, dit-il. Il va t’envoyer chier juste parce qu’il n’est pas ca‐ pable de faire autre chose que ça.

Le dosage émotif de son jeu a fait partie de ses princi‐ pales préoccupat­ions durant le tournage. Il y a des choses que tu n’as pas envie de montrer dans la vie, lance-t-il. Il y a des émotions que je sors et après, je trouve ça im‐ portant de les ramener à un autre niveau. J’essaye des af‐ faires. Si tu veux t’envoler, faut que tu aies le courage de te péter la gueule.

Le résultat nous pousse à croire que tout a été mesuré correcteme­nt. Les émotions vives du prisonnier tra‐ versent l’écran. Mais je ne vais pas aller vérifier, s’em‐ presse de préciser Lothaire Bluteau. Je n’aime pas me voir. Je ne regarde jamais mes films. Je n’ai jamais vu Jé‐ sus de Montréal et je ne re‐ garderai pas La fonte des glaces.

Ce que la société est prête à accepter

Au-delà du film, François Péloquin et Sarah Lévesque soumettent une réflexion par rapport à l’évolution de la so‐ ciété. Le sport d’équipe, la nature et le yoga, entre autres, accompagne­nt les meurtriers dans leur réhabili‐ tation auprès de Louise De‐ noncourt dans l’aile spéciale de cette prison.

La musique, au coeur de l’histoire et du film, adoucit le propos, tempère les contextes plus durs. Les chansons nous apaisent, du premier chant de karaoké de Marc St-Germain qui inter‐ prète La laideur de Safia No‐ lin, jusqu’au chant de Louise qui souffle les mots de De‐ main il fera beau d’Étienne Coppée dans la scène finale.

Ce sont des choses qui aident les humains à chan‐ ger, croit Christine Beaulieu. Quand le personnage de Lo‐ thaire est dépassé par l’émo‐ tion au moment de sa pre‐ mière excursion en bateau, on sent quelque chose. Je ne pense pas que c’est dans une cellule qu’on peut réaliser ce qu’il y a de beau dans la vie, ce qui la rend précieuse.

En regardant le film, on fait face à nos propres ré‐ flexions, on rencontre nos propres dilemmes. Ce n’est pas nous qui concluons le film, complète Lothaire Blu‐ teau. Chacun conclut. S’il y avait eu une conclusion, ça aurait été futile de faire ce film-là.

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