Radio-Canada Info

Il n’y aura plus de kinésiolog­ues dans les CHSLD de la région de Québec

- Pierre-Alexandre Bolduc

Le CIUSSS de la CapitaleNa­tionale met fin aux contrats de 11 kinésio‐ logues dédiés à temps plein aux 29 CHSLD de la région. Cet organisme public régio‐ nal responsabl­e des soins de santé confiera désor‐ mais la tâche de prévenir le déconditio­nnement phy‐ sique des résidents à ses préposés aux bénéficiai­res.

Après les vagues de confi‐ nement pandémique, le gou‐ vernement du Québec avait demandé aux résidences pour aînés et aux CHSLD d’appeler des kinésiolog­ues en renfort pour faire bouger les aînés et pour prévenir leur déconditio­nnement phy‐ sique.

Depuis, leur travail a été concluant et a remporté un vif succès partout au Québec, selon la Fédération des kiné‐ siologues du Québec. Malgré tout, le CIUSSS de la CapitaleNa­tionale a décidé de ne pas renouveler les contrats des kinésiolog­ues après le 31 mars 2024.

La Fédération des kinésio‐ logues dénonce cette déci‐ sion qui va à l’encontre du principe de médecine pré‐ ventive, selon son président, Marc-Antoine Pépin.

Avec le discours du gou‐ vernement qui parle de plus en plus de prévention, on est un peu devant l’incompré‐ hension.

Marc-Antoine Pépin, pré‐ sident de la Fédération des kinésiolog­ues du Québec

Selon le CIUSSS de la Ca‐ pitale-Nationale, l’embauche de ces 11 kinésiolog­ues re‐ présente un montant d’un million de dollars par année. Au cours des derniers mois, le CIUSSS soutient qu'il a en‐ gagé 230 nouveaux préposés aux bénéficiai­res qui pour‐ ront faire bouger les rési‐ dents.

Nous revenons à des va‐ leurs prépandémi­ques pour cette catégorie d’emploi.

Annie Ouellet, porte-pa‐ role du CIUSSS de la CapitaleNa­tionale

Dans nos CHSLD, les pré‐ posés aux bénéficiai­res, sou‐ tenus par les ergothéra‐ peutes, les physiothér­a‐ peutes et les technicien­s en loisirs, offrent quotidienn­e‐ ment différente­s activités aux aînés, que ce soit de la marche, des activités de loisir ou des activités individuel­les, peut-on lire dans une décla‐ ration écrite de cet orga‐ nisme public régional res‐ ponsable des soins de santé.

De l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, dans la région de Chaudière-Appalaches, le CISSS a plutôt décidé de mi‐ ser sur les kinésiolog­ues. Vingt postes à temps plein exclusivem­ent réservés aux CHSLD de la région viennent d'y être créés.

Incompréhe­nsion et dé‐ ception

Le président de la Fédéra‐ tion des kinésiolog­ues peine à s'expliquer la décision du

CIUSSS de la Capitale-Natio‐ nale, surtout que des cas de réussite lui ont été signalés partout au Québec à la suite de l’intégratio­n des kinésio‐ logues dans les CHSLD. Des aînés ont vu leur décondi‐ tionnement physique freiné et leurs capacités accrues à la suite de l’interventi­on de ces spécialist­es.

On a vu des histoires à succès. Une plus grande en‐ durance musculaire pour res‐ ter debout, ça diminue le nombre de préposés aux bé‐ néficiaire­s nécessaire­s pour donner les soins, soutient Marc-Antoine Pépin. Ça dimi‐ nue le nombre d’infirmière­s nécessaire­s, donc ça permet d’alléger ailleurs.

À partir du moment où ils entrent en CHSLD, on sait que le niveau de condition physique diminue radicale‐ ment. Donc, c’est sûr qu’il faut faire quelque chose le plus tôt possible, dès l’entrée, pour [prévenir] le décondi‐ tionnement.

Marc-Antoine Pépin, pré‐ sident de la Fédération des kinésiolog­ues du Québec

Doutes et inquiétude­s

Des proches de résidents ont fait état à Radio-Canada de leurs inquiétude­s et de leur frustratio­n à la suite de cette annonce. C’est le cas d’André Lafond, proche ai‐ dant dont la mère, Ginette Maheux, habite un CHSLD de Québec. Il doute que les pré‐ posés aux bénéficiai­res aient le temps de s’attarder aux ca‐ pacités physiques de sa mère. Déjà, elle est limitée à un seul bain par semaine.

Ils nous disent que ça va être remplacé par les prépo‐ sés aux bénéficiai­res [...]. Moi, j’ai un doute raisonnabl­e compte tenu que ces gens-là sont déjà occupés à pleine capacité, explique André La‐ fond.

L’expression qu’on ne veut pas que ce soit des mou‐ roirs… C’est important de les garder [les aînés en CHSLD] le plus actifs possible.

André Lafond, fils et proche aidant d'une rési‐ dente en CHSLD

Ce proche aidant a an‐ noncé à sa mère que les vi‐ sites du kinésiolog­ue qui lui donnait du tonus seront choses du passé.

Ça me fâche dans le sens que présenteme­nt, on en‐ tend dire qu’ils ont réinjecté tant d’argent dans le réseau de la santé et qu’en même temps, on enlève des ser‐ vices.

Des préposés déjà dé‐ bordés

Le député de Québec soli‐ daire Sol Zanetti déplore lui aussi la décision du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

La prévention, ça coûte toujours moins cher que le curatif. Tout le monde le sait! lance le député de la circons‐ cription de Jean-Lesage, dans la région de Québec.

Si le CIUSSS a l’impression qu’il lui manque des res‐ sources, [...] il doit le dire au gouverneme­nt et le gouver‐ nement doit donner plus d’argent.

Sol Zanetti, député de Jean-Lesage, Québec soli‐ daire

Le politicien, qui a déjà travaillé comme préposé aux bénéficiai­res, rappelle que ces employés sont déjà dé‐ bordés par leurs tâches de base et qu’ils n’ont pas la for‐ mation universita­ire de trois ou quatre ans des kinésio‐ logues.

Les préposés aux bénéfi‐ ciaires font un travail extrê‐ mement important. Mais ils n’ont pas été formés pour prévenir le déconditio­nne‐ ment des aînés comme des kinésiolog­ues le sont. Ce n’est pas le même travail, souligne Sol Zanetti.

Le cabinet de la ministre responsabl­e des Aînés, Sonia Bélanger, a préféré laisser le

CIUSSS de la Capitale-Natio‐ nale expliquer sa décision.

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