Le premier lingot d’or foré et transporté de façon autonome au pays est coulé en Ontario
Jimmy Chabot, Katherine Brulotte Le premier lingot d'or au Canada dont le minerai a été foré puis transporté par des véhicules sans conducteur est coulé dans le Nord de l'Ontario. Le projet Coté Gold, de la mi‐ nière IAMGOLD, est le pre‐ mier au pays à utiliser la technologie autonome pour une si grande part de ses opérations.
Le métier de foreur se transmet de génération en génération dans la famille Fréchette-Mask. Steven fait le boulot comme son grandpère, à une grande différence près : ce dernier utilisait une foreuse à béquille; alors que Steven fait le travail derrière un écran.
En fait, Steven FréchetteMask supervise trois fo‐ reuses à l'abri des intempé‐ ries, du bruit, du frette et des blessures.
On met les foreuses en [mode] autonome. Dans le fond, elles vont s'opérer toutes seules. On fait juste surveiller, voir que tout est correct, lance le foreur de profession, assis confortable‐ ment sur une chaise ergono‐ mique dans la salle de contrôle de la mine qui ap‐ partient à IAMGOLD.
Son père et son regretté grand-père ont dû faire face à différents problèmes après leur carrière : des maux de dos, de genoux et des pro‐ blèmes d'arthrites.
Chez lui, à Val-d'Or, tout le monde est impressionné, af‐ firme l'homme de 35 ans qui souligne que les avancés technologiques surprennent encore ses parents; pour eux autres, ça l’avance beaucoup dit-il.
Dès sa conception
La mine Coté Gold, située environ à mi-chemin entre Timmins et Sudbury, a incor‐ poré l'autonomisation dès sa conception il y a plus d'une décennie.
La technologie permet non seulement aux véhicules d'opérer sans conducteur se‐ lon des parcours automati‐ sés, mais ceux-ci peuvent aussi modifier leur program‐ mation selon leur environne‐ ment. Par exemple, si un obstacle, comme une pierre, encombre la route, le véhi‐ cule en mode autonome s'ar‐ rête.
En Australie, deux mines utilisent ce type de technolo‐ gie autonome à large échelle. Au Canada, aucun projet ne l'avait encore appliqué à l'en‐ semble de ses opérations comme le fait la mine nordontarienne selon le profes‐ seur d'ingénierie à l’Univer‐ sité de la Colombie-Britan‐ nique, Scott Dunbar.
Il est difficile de mélanger des véhicules automatisés, à des véhicules qui ne le sont pas, affirme le professeur. Il arrive toutes sortes de pro‐ blèmes et des choses que vous ne pouvez pas imagi‐ ner, dit-il. Il est donc essen‐ tiel d'incorporer l'autonomi‐ sation dès la conception, in‐ dique l'expert.
La mine Côté Gold en chiffres :
Employés requis pour ex‐ ploiter la mine Côté Gold : 8 (4 en salle de contrôle, 4 dans la pelle) Employés re‐ quis pour exploiter une mine traditionnelle semblable : 100 Véhicules automatisés à la mine Côté Gold : 23 ca‐ mions à benne de transport, 6 foreuses Production d'or : 500 000 onces d'or au cours des 5 à 6 premières années de production Prix de l'or sur les marchés : environ 3 000 $ l'once
Un milieu de travail plus sécuritaire
Derrière Steven FréchetteMask, Steven Dunlop veille sur la salle de contrôle. Le Franco-Ontarien supervise, derrière de multiples écrans d’ordinateur, 14 camionsbennes dont le parcours est prédéfini par la géolocalisa‐ tion.
Seules quelques opéra‐ tions d’entretien, comme faire le plein de carburant, nécessitent qu’un opérateur monte à bord des bolides.
Steven Dunlop affirme qu'un retour au travail sur une mine sans autonomisa‐ tion le rendrait plus nerveux, en raison, entre autres, des possibles erreurs humaines.
Tu sais que l'opérateur [n’a pas une vue de 360 de‐ grés autour du véhicule], mais [cette technologie] voit tout le tour, s’enthousiasme le superviseur de la salle de contrôle.
Chaque personne qui cir‐ cule dans les corridors des camions automatisés doit transporter une télécom‐ mande, permettant l’arrêt, en cas d’urgence, de tous les ca‐ mions à proximité.
La mine prend aussi toutes les précautions néces‐ saires pour lutter contre les cyberattaques afin que per‐ sonne ne puisse prendre le contrôle de nos camions.
Plusieurs fois par année, on fait des audits de cybersé‐ curité, on embauche des "ha‐ ckers" pour tester que le sys‐ tème fonctionne, qu'il est ro‐ buste et étanche.
Francis Letarte-Lavoie, di‐ recteur des opérations chez Côté Gold
Le réseau Internet utilisé, entre autres, par le person‐ nel pour l’envoi de courriel, se trouve sur un réseau sé‐ paré de celui de la salle de contrôle.
Sceptique au départ
Éric Gosselin, directeur de la mine, ne cache pas qu'il avait lui-même des doutes sur la possibilité de faire ce travail presque sans inter‐ vention.
Le monde n’était pas au‐ tant [engagé dans le projet]. Ils ne croyaient pas vraiment que c’était pour être réalisé dès le départ.
Éric Gosselin, directeur de la mine Côté Gold
Ses doutes se sont depuis dissipés.
C'est un nouveau projet. Je viens du Nord de l'Ontario et c'est de bâtir des jobs pour le futur, raconte le père et beau-père de quatre adoles‐ cents.
Les jeunes, remarque-t-il, sont bien outillés pour de tels emplois. Avant ça, tes jeunes jouaient de la ma‐ nette, c’était comme "Va-t’en jouer dehors," tandis qu’à c't'heure les gamers ont vrai‐ ment un futur là-dedans.
L'automatisation ne rime pas avec la fin du métier de mineurs. De nouveaux mé‐ tiers seront créés dans l’in‐ dustrie, disent de concert le professeur Dunbar et les diri‐ geants de la mine Côté Gold.
Dans les dernières an‐ nées, on a beaucoup parlé de Côté Gold comme la mine du futur. Je pense que c'est la mine du présent, croit le di‐ recteur des opérations de la mine, Francis Letarte-Lavoie.
Un camion automatisé, c’est toujours juste bien un camion
L’initiative de Côté Gold pourrait être reprise par d'autres minières qui verront le jour dans les prochaines années au pays, assure le professeur Scott Dunbar.
Le partage d’information se fera avec les autres