Médias sociaux : Les ados sont « incapables de mettre les freins », dit une experte
Le cerveau des jeunes est encore en développement, ce qui les rend particulière‐ ment vulnérables à des ap‐ plications comme TikTok, Snapchat et Instagram, af‐ firme la spécialiste de l'Université Western Emma Duerden, dans la foulée d'une poursuite contre ces géants des médias sociaux déposée par quatre conseils scolaires de l'Onta‐ rio.
Dans leur poursuite de 4,5 milliards de dollars, les quatre conseils scolaires an‐ glophones soutiennent que les géants Meta, Snap et By‐ teDance ont conçu des appli‐ cations à usage « compulsif », qui minent l'apprentissage des élèves.
La professeure en neuros‐ ciences Emma Duerden af‐ firme que les enfants et les adolescents sont vulnérables, parce qu'ils ne sont pas ou‐ tillés à faire face aux « récom‐ penses excessives » ou au plaisir que leur offrent les ap‐ plications de médias sociaux, avec tous les « J'aime » et les vidéos, notamment.
Le cortex préfrontal de leur cerveau n'est pas encore pleinement développé, ex‐ plique-t-elle. Or, il s'agit d'une aire essentielle pour la plani‐ fication, la prise de décision ainsi que l'évaluation des risques, des récompenses et des conséquences.
Les adolescents sont inca‐ pables [à eux seuls] de mettre les freins.
Emma Duerden, experte en neurosciences, Université Western à London
Elle ajoute que la hausse du temps d'écran peut ré‐ duire la période consacrée au sommeil et à l'exercice physique, qui sont impor‐ tants pour le développement du cerveau.
Snap et TikTok assurent que leurs applications offrent des précautions pour les jeunes. Meta n'a pas répondu à nos questions.
Usage compulsif?
Selon la poursuite, 91 % des élèves ontariens de la 7e à la 12e années utilisent les médias sociaux chaque jour; 35 % d'entre eux y passent 5 h ou plus quotidiennement.
Richard Lachman, profes‐ seur à l'École des médias de l'Université métropolitaine de Toronto, affirme lui aussi que les adolescents sont plus vulnérables aux médias so‐ ciaux, parce qu'ils en sont à une période de la vie pour la‐ quelle l'appartenance à un groupe est particulièrement importante.
L'adolescence est une pé‐ riode d'identification identi‐ taire, note-t-il.
Selon lui, l'usage excessif des applications de médias sociaux peut causer une va‐ riété de problèmes. Des rap‐ ports indiquent que la tech‐ nologie a été conçue en toute connaissance de cette situation, parfois même par des étudiants en psychologie, afin d'obtenir un comporte‐ ment compulsif, dit-il.
Des conseils pour les pa‐ rents
La technologie fait partie de nos vies, lance le profes‐ seur Lachman. Il croit toute‐ fois qu'il faut en limiter son utilisation.
Natalie Coulter, directrice de l'Institut de recherche sur la littératie numérique à l'Université York de Toronto, pense elle aussi que « l'absti‐ nence » n'est pas une solu‐ tion.
De simplement dire aux jeunes de ne pas aller sur les médias sociaux, ça ne va pas marcher.
Natalie Coulter, profes‐ seure en communications, Université York
Elle conseille plutôt aux parents d'effacer temporaire‐ ment certaines applications, de garder les téléphones in‐ telligents à l'extérieur de la chambre de l'enfant, de fixer des temps d'écran et de dis‐ cuter de ces questions avec ses enfants.
[Les applications] sont conçues pour que vous y passiez le plus de temps pos‐ sible, dit-elle, comparant la situation à celle d'un casino, qui cherche à vous garder sur place.
La professeure Duerden presse les parents à « mon‐ trer l'exemple », en restrei‐ gnant eux-mêmes leur temps d'écran.